Faire partie de l’écurie Easy Eye Sound de Dan Auerbach n’est pas forcément un gage de réussite, mais cela peut tout de même y contribuer. Ce fabuleux compte de fée a été vécu par Jeremie Albino, jeune songwriter originaire de l’Ontario. Qui l’eût cru, alors que cet adolescent faisait la manche dans les rues de Toronto et vendait fruits et légumes sur les marchés de la ville! C’était sans compter sur la ténacité et l’opiniâtreté de ce jeune homme courageux à qui, semble-t-il, rien ne résistait.
Il a suffi d’une rencontre en ligne avec Dan Auerbach pour que tout se mette rapidement en branle, maître Dan disant avoir été bluffé par la voix, le style et le charisme de Jeremie. « J’ai été instantanément impressionné par le style et le charisme de ce jeune homme, je ne pensais pas cela possible! » Et Auerbach de renchérir: « Jérémie a vraiment une voix incroyable! »
À l’instar de Jon Muq et de Robert Finley notamment, Jérémie Albino a été recruté par Dan Auerbach pour grossir les rangs d’Easy Eye Sound.
Depuis 2019, le canadien compte quatre albums: Hard Time (2019), Blue Blue Blue (2021), Tears You Hide (2023) et enfin Our Time In The Sun qui vient de voir le jour. En 2022, au beau milieu de ces albums, est paru l’EP Past Dawn.
Sur ce nouvel effort Our Time In The Sun, Jeremie mélange les genres sans vergogne, se promenant de la soul au blues en passant par le rock. Robert Finley, Marcus King ou encore Daniele Nicole figurent dans la vaste palette d’influences musicales du jeune canadien, sans parler du grand maître Otis.
Il ne faut guère de temps et de morceaux pour se rendre compte de l’incroyable potentiel vocal de ce songwriter, lequel allume la mèche dès le tranquille I Don’t Mind Waiting. Le niveau de jeu de Jeremie s’élève pourtant avec le très blues/rock Baby Ain’t It Cold Outside que Marcus King aurait fort bien pu interpréter. Cependant, les ballades limpides telles que l’entêtant Let Me Lay My Head, l’éponyme Our Time In The Sun et So Many Ways To Say I Love You reprennent vite l’ascendant et le dessus, projetant en nous des relents de Danielle Nicole sur son dernier album en date The Love You Bleed.
On comprend aisément alors pourquoi Dan Auerbach a littéralement flashé sur cette voix hors du commun, le leader des Black Keys devant se targuer d’avoir trouvé en Jeremie la perle rare, l’occasion qu’il était rigoureusement interdit de laisser passer et Dan, en fin stratège, a saisi la balle au bond avec ce jeune canadien. Give It To Me One Last Time, Struggling With The Bottle ou encore Rolling Down The 405 vont encore lui donner raison, le conforter dans cet opinion qu’avec Jérémie Albino il y a une vraie quintescence à tirer. Le canadien époustoufle, éblouit, mais aussi émeut sur Dinner Bell, Since I’ve Been Knowing You ainsi que dans l’écorché vif Give It To Me One Last Time où il adopte, toujours à la façon d’un certain Marcus King, une voix aussi implorante que haut perchée, voire même stridente.
Côté instrumentation, Albino navigue aussi bien vers la guitare (Baby Ain’t It Cold Outside, Rolling Down The 405) que vers le piano (Since I’ve Been Knowing You), preuve indéniable d’une polyvalence qui n’est plus à démontrer. En outre, Our Time In The Sun et ses 12 morceaux intenses se perçoivent comme un roadtrip à travers l’Amérique rurale dont Rolling Down The 405 est le point névralgique, le symbole.
Pour Easy Eye Sound, il eût été bien dommage de se priver d’un tel talent tel que Jeremie Albino que ce quatrième album Our Time In The Sun aura définitivement mis en lumière. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, c’est en substance ce qu’a dû se dire Dan Auerbach en incorporant le jeune songwriter canadien à sa prestigieuse écurie car, décidément, Our Time In The Sun allie avec brio quantité et qualité.
Our Time In The Sun: quand Jeremie Albino manie avec une incroyable dextérité blues et soul!
Morceaux choisis: Let Me Lay My Head, Give It To Me One Last Time, Our Time In The Sun, Baby Ain’t It Cold Outside.