Au lendemain d’une grosse journée sold-out, avec la qualification de la France à l’Euro de foot et quantité de décibels non dénombrés, retour sur le troisième jour pluvieux et boueux des Eurockéennes.
C’est au son de Bar Italia que nous débutons cette dernière journée – en ce qui nous concerne – sur le festival. C’est avec plaisir que nous écoutons ce jeune groupe, grande sensation du début de l’année et qui fait sa première apparition aux Eurocks. C’est un doux euphémisme que d’avouer qu’ils sont peu bavards, uniquement concentrés sur leurs instruments et leur set ; mais la rage sur my little tony et la délicatesse de Glory Hunter nous font penser que ce groupe a peut-être un petit quelque chose de plus. Assurément une belle promesse et une belle rencontre, permise par les organisateurs.
La montée vers la grande scène se justifie par la présence des Sprints qui débutent devant un public très clairsemé, le mauvais temps justifiant cette présence feutrée. Si le début du set apparut un peu hésitant, assez rapidement le groupe trouve ses marques et distribue ce punk rageur et immédiat aux courageux spectateurs. Les techniciens ont fait un travail remarquable pour pouvoir bénéficier d’un son remarquable, donnant toute puissance et urgence aux titres. Up and Comer est déjà un véritable « tube » dans ce jeune parcours.
Bidouilleur de génie, tenant d’une électro-pop raffinée et très moderne, Flavien Berger est un artiste total et atypique, homme orchestre très soucieux de chaque détail. Volontiers blagueur avec le public, nonchalant et au demeurant détaché, il distille ces titres poétiques à la beauté subtile avec générosité ; il faut écouter D’Ici là, magnifique morceau d’amour ou Maddy La Nuit, qui revisite l’univers d’Etienne Daho pour écrire le sien. Un univers étonnant mais séduisant, pour un artiste très créatif et qui ne laisse pas indifférent.
Quant on évoque les Breeders, c’est toute l’histoire rock des années 1990 qui ressurgit, un son bien gras de guitare, des fringues de lycéens et une expression minimaliste sur scène. Et si Kim Deal à elle seule demeure plus âgée que la somme des musiciens de n’importe quel groupe déjà cité dans ce live report, elle demeure – au même titre que ses compagnons – d’une simplicité totale et d’une énergie. Les titres iconiques de Last Splash notamment s’enchaînent comme une évidence avec Saints, Invisible Man ou Do You love me Now ?. Et quand l’intro familière de Cannonball retentit, c’est toute l’assistance de la plage qui assiste à un moment d’histoire et, ne nous cachons pas, prend un plaisir total. Une très belle prestation et le large sourire de Kim Deal a fait toute notre soirée.
C’est une toute autre ambiance qui était proposée à la Greenromm avec Heilung, groupe nordique expérimental qui habillés en viking, offrent une lecture musicale de leur région à l’âge de fer et à l’époque médiévale avec des instruments conçus à base d’os ou de lances. Un ensemble tout à fait étonnant et ésotérique, pendant qu’au même moment le reaggeaton s’exprimait pleinement à la Loggia avec notamment Tomasa del real. C’est une des grandes forces de ce festival que de proposer une programmation aussi éclectique, mondialisée et impressionnante.
Alors que la majorité des groupes regardent l’avenir avec sérénité, les Canadiens de Sum 41 débutent cette année une large tournée d’adieux et l’escale belfortaine était particulièrement attendue. Assurément, le groupe était la grosse tête d’affiche de la journée et là aussi, l’effet machine à remonter le temps a fonctionné à plein. Un set d’une vingtaine de titres, hors rappel, débuté au son d’ACDC avec des titres toujours efficaces et un solo de batterie monstrueux. Leur punk rock so 2000 a tout clairement dégommé sur son passage, sans temps mort et avec une énergie folle. Ce sont des milliers de personnes qui ont repris les refrains de Into Deep ou de Still Waiting, quasi- hymnes d’une génération très présente et heureuse. L’atmosphère était électrisante. Les fans de Sum 41 étaient en extase. C’était une véritable communion, comme si nous ressentions, au plus profond de nous-mêmes, que ce moment ne se reproduirait pas de sitôt. Sum 41 aux Eurockéennes, c’est un souvenir impérissable.
La soirée était loin d’être finie, puisque les formidables Idles enchainaient à la Greenroom et ont produit sans doute une des prestations les plus abouties de cette édition. Puissance, charisme, présence scénique : tout est toujours plus grand, plus fort et plus dingue avec ce groupe, vrai valeur sûre de la scène actuelle. Un show total, ponctué notamment par les énormissimes Dancer ou Danny Denelko en fin de set. Grosse claque.
The Inspector Cluzo pouvait prolonger cette passion à 1h30 à la plage, d’autant plus qu’ils avaient rencontré leurs fans au stand merchandising, pour échangé quelques mots ou faire une photo à la plus grande joie des festivaliers. Ce groupe poursuit sa route avec ferveur et passion, à charge ensuite à Purple Disco Machine de clôturer en mode électro cette journée particulièrement tonique et endiablée. Dans ce week-end très politique, plus que jamais nous votons pour l’équipe sortante des Eurockéennes et ce dès le premier tour.
Julien Lagalice, photo Alexandre Lamy