Revenus de nulle part, le célèbre groupe anglais sort ce mois ci son quatrième album dans leur propre studio qualifié d’Arcadie (pays utopique où l’harmonie est la règle). Entre furie et poésie, énergie et romantisme, un opus excitant par sa seule existence où se révèle également un certain classicisme.
Run, Run Run, premier single du groupe, répond en partie à nos attentes : énervé, direct, moins de trois minutes pour retrouver les voix de Carl et de Pete qui se répondent (une des caractéristiques qui avait participé depuis l’origine au charme des « Boys in the band ») dans ce titre très garage rock. Mustangs, plus pop et vocale mais so british, I have a friend – qui rappelle un peu Up The Bracket avec cette construction si caractéristique – fonctionnent parfaitement ; ce dernier titre peut-être vu comme le symbole d’une réconciliation définitive entre les deux musiciens. C’est par une intro délicate « baguettes-piano » que débute Merry Old England, offrant une nouvelle variété sonore avec quelques cordes en renfort, sorte de prolongement du parcours solo très riche de Doherty lors de ces dernières années. On peut aussi voir ce titre (au même que d’autres textes) comme un témoignage acerbe et critique sur cette Angleterre post Brexit, orpheline d’Elisabeth II dans un royaume de plus en plus désuni. Un témoignage concret pour peut-être pour mieux lorgner vers un âge d’or, où l’univers des Beatles s’offre à nos oreilles avec Man With The Melody, théâtral et plutôt nostalgique, avant le retour des guitares sur Oh Shit.
Sur le magnifique Night Of The Hunter, une sublime ballade rock belle à pleurer, impossible de ne pas penser à la période de Grace/Wastelands : tout est limpide, évident, beau. L’univers de Doherty, quoi qu’on pense du personnage, est également marqué par l’amour de la littérature et de la poésie. Cette deuxième partie de l’album prolonge une atmosphère intimiste, comme sur l’étonnant Baron’s claw flirtant avec une ambiance piano-bar et club de jazz chic. Shiver poursuit cette incursion avec des instruments à vents, avant que Be Young renoue avec une certaine quintessence du groupe (tout en repensant ici plus qu’ailleurs au premier album déjà cité) autour de guitares irrésistibles, et des refrains toujours jouissifs lorgnant ici vers le reggae. Songs They Never Play On The Radio, titre étonnant et sans doute ironique, apporte une sérénité : les quelques rires des musiciens perceptibles à la fin du morceau attestent de cette énergie retrouvée, avec peut-être un peu d’auto dérision.
The Libertines confirment que leur retour attendu voir inespéré est plutôt réussi, et que la magie passée peut à nouveau fonctionner. Si le fan du rock pur peut être un peu déçu, chaque auditeur pourra apprécier un album qui réussit une synthèse toujours délicate entre l’énergie et la mélancolie. « Tout est bon quand il est excessif » écrivait Sade. C’est peut-être ce que pensent les Libertins Pete, Carl, John et Garry.
Morceaux choisis : Run, Run, Run ; I have a friend ; Night of The Hunter ; Be Young.