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INTERVIEW – BRIAN JONESTOWN MASSACRE

Brian Jonestown Massacre revient en ce début d’été avec son dix-neuvième album studio, « Fire Doesn’t Grow on Trees ». Un disque réussi entre psychédélisme et jolies ritournelles pop. Excellente occasion que cette sortie pour aller rencontrer Anton Newcombe, très certainement la rock-star la plus gentille de l’univers.

 

« Ton nouvel album arrive trois ans après le dernier. Ce n’est pas ton rythme de croisière habituel. Tu nous avais habitué depuis longtemps à un disque tous les ans. »

« J’étais en tournée avec l’Epée lorsque le Covid est arrivé. J’ai fait un disque pour un show de la BBC. J’ai été tout autant productif que par le passé mais le milieu de la musique s’est arrêté. Les majors ont eu ce genre d’idée typique de leur part à penser : « tiens on va presser « Rumours » de Fleetwood Mac en vinyle vert à 400 exemplaires ». Quelle idée de génie : cela prenait du coup un an pour pouvoir presser ton disque. »

 

« S’il n’y avait pas eu le covid le disque serait donc sorti plus tôt ? »

« Absolument. J’avais besoin d’être là pour le mix. Cela a pris du temps. Je n’utilise pas une console de mix classique. »

 

« Tu habites à Berlin depuis de nombreuses années. Est-ce que la ville influence ta musique ?

« J’aime le fait d’habiter en Allemagne. Je suis comme un fantôme là-bas. Les gens n’ont pas la culture du selfie avec les célébrités et je trouve cela reposant. Je ne parle pas allemand et j’aime assez l’idée d’être dans un pays sans en parler la langue. L’autre jour j’étais attablé à un café dans une ville française et j’écoutais les gens sans comprendre ce qu’ils disaient. C’était cool. »

 

« Tu avais terminé le disque depuis longtemps ? »

« Les morceaux sont sur Youtube depuis un moment. Deux ans peut-être. »

 

« Tu travailles toujours autant ? »

« Oui, pour moi faire de la musique c’est comme construire des lego. Ou être dans une recherche à la Einstein. La musique, c’est comme les mathématiques. J’apprends toujours. Je joue de 80 instruments. Je suis fasciné par le son, j’aime l’étudier. Je n’ai pas fait le conservatoire mais je peux lire la musique comme Bach. »

 

« Je ne savais pas que tu écoutais Bach. »

« J’adore plein de style de musique différent. Du classique à ce que tu peux entendre aux quatre coins de la planète.»

 

« Le premier BJM date d’il y a presque trente ans et tu continues d’être créatif. Tu as un secret ? »

« La musique est infinie. »

 

« C’est pour cela que ta musique est différente d’un disque à l’autre ? »

« Non. Je fais de la musique pour moi en premier lieu. Je travaille à fond pour faire plein de morceaux et créer encore et encore. J’ai besoin de cette créativité. Ce flow créatif m’est nécessaire. »

 

« Cela veut dire qu’il y a plein d’out-takes de BJM ? »

« Non. Ce que je ne trouve pas bon je le jette. Je bosse beaucoup mais je ne suis pas comme ces écrivains qui vont dans les bars à chercher encore et encore l’inspiration. J’ai besoin de phases de respiration.»

 

« Ton nouvel album sonne très 60’s. »

« Je suis né dans les 60’s, j’ai grandi durant ces années. Je trouve donc ça normal de produire cela. C’est plus naturel que de faire du hip/hop, il me semble. J’ai grandi dans les années 60 en Californie. Ma mère avait 22 ans quand elle m’a eu. Elle achetait donc encore des disques : les Doors, les Beatles, Hendrix. Mc Cartney faisait des trucs jazz car il avait grandi en entendant cette musique sur la BBC2, pareil pour les Stones avec le blues. »

 

« Le disque est intemporel. Tu ne cèdes jamais aux effets de mode. »

« La musique n’est devenue qu’un beat. Les gens dansent sur un beat qui ne signifie rien. Je ne suis pas là-dedans et ne le serai jamais. »

 

« Tu n’écoutes pas de musique électronique ? »

« Si « Computer World » de Kraftwerk. On a pas fait mieux depuis. Boards of Canada est intéressant, aussi. »

 

« Qui a fait la pochette de l’album ? »

« Mon fils. Il ne le sait pas encore. Il le saura au moment de la sortie du disque. Il va avoir un cachet pour cela. »

 

« Tu as ton propre label. C’est pour avoir les mains libres ? »

« Quand les labels m’approchaient, ils me disaient tout le temps, tu es un génie, tu es le futur Kurt Cobain, mais Kurt Cobain est mort. Fuck it. »

 

« Est-ce que c’est important pour toi d’être culte ? »

« Je ne sais pas ce que culte signifie. Pour moi il y a un côté méprisant à penser d’un groupe qu’il est culte. Ce qui importe c’est de jouer des morceaux que le public ne connait pas, comme récemment au Levitation, et qu’il soit à fond. Être culte importe peu. Je n’ai jamais voulu être connu. Je n’ai jamais joué ce jeu-là. Je dis aux anglais fuck votre drapeau, votre football donc pour eux je ne joue pas le jeu. »

 

« Tu as un public fidèle en France. »

« Les Français aiment autant l’attitude de Gainsbourg que sa musique. Ce peuple comprend les grèves, la révolution. Il y a bien sûr aussi le fait que nous avons donné de très bons concerts chez vous. Les Français n’ont pas de problème avec quelqu’un qui dit « fuck yourself ». James Baldwin était allé s’installer en France car c’est un pays cool pour la culture. L’Allemagne l’est aussi mais d’une manière différente. »

 

« Comment réussis-tu à garder une telle qualité musicale en sortant autant de disques ? »

« Pour moi ce qui importe de c’est jouer partout. Il y a des groupes anglais qui font huit dates aux Etats-Unis et parlent d’US tour, des groupes américains qui jouent en Angleterre pour six dates et disent notre tournée européenne. C’est ridicule. Ce qui importe c’est d’être vrai. Récemment je voyais un groupe british ultra connu être sur tous les médias mainstream alors qu’ils prônent la révolution dans leurs morceaux. A un moment tu te dois d’avoir une certaine cohérence. »

 

« Tu vas sortir un autre album après celui-là dans quelques mois, je crois savoir ? »

« Oui il sortira en Octobre. Il est encore meilleur que celui-ci. »

 

« Tu as une énorme tournée à venir. »

« Oui, nous venons tout juste de l’annoncer. Je suis hyper excité de rejouer live. Récemment au Levitation c’était top. Nous ne sommes pas comme Jack White, à avoir l’air cool sur scène. Nous sommes là pour la musique. »

-Propos retranscrits par Pierre-Arnaud JONARD

Crédit photo: Benoît GILBERT

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