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Snail Mail / Valentine

La dernière fois qu’on a entendu Snail Mail, l’adolescente réinventait l’indie rock dans son premier album, l’excellent Lush. Trois ans plus tard, elle revient, plus mature, avec un second opus sentimental.

Le titre de l’album, Valentine, parle pour lui-même : dans cet album, Lindsey Jordan nous parle d’amour, de ses chagrins et peines de cœur. Néanmoins, elle ne sombre pas dans la facilité offerte par le thème, et continue à explorer musicalement son imaginaire sombre et tordu. Le premier titre, sans nul doute un des meilleurs de l’année, capture parfaitement l’instabilité de la jalousie amoureuse. Après un premier couplet tranquille, accompagné d’une délicate montée de pression de l’instrumental, les guitares explosent dans un puissant refrain, avec une colère qui semble avoir été contenue pendant bien longtemps au plus profond d’un cœur (‘So why do you want to erase me ?’). La composition de ce titre a donné son âme à l’album, a dit l’artiste, et on le comprend : du début à la fin, où l’artiste semble prendre soudainement conscience de sa vulnérabilité (‘hurt me if you need to, but I adore you’), le titre remplit à lui tout seul l’objectif de l’album, en nous faisant authentiquement vivre une à une toutes les étapes d’un cœur brisé.

Sur le deuxième titre, « Ben Franklyn », la chanteuse choisit de sortir de sa zone de confort, et transpose son univers dans une ambiance plus groovy, pour notre plus grand plaisir. Tout au long du refrain, la voix traînante de Lindsey Jordan incarne parfaitement la version idéale d’elle-même, détendue et désinvolte, qu’elle décrit dans le morceau (‘honey, but you said you’d die’). « Madonna », troisième single et autre pilier de l’album, est une ballade rock rafraîchissante et très inspirée, qui démonte tranquillement les idéaux fantasmés qui nous tourmentent tous. Au cœur du projet, les ambiances varient, du quasi-acoustique « c. et al. », qui aurait tout aussi bien pu servir d’énième outtake de l’album blanc des Beatles, au disco inspiré années 70 à la Parcels sur « Forever (Sailing) ».

A la première écoute néanmoins, l’album semble brouillon, et parfois bâclé tant la production et l’écriture sont simplistes. Mais il faut plusieurs essais pour comprendre la véritable richesse du disque, qui se cache en réalité dans sa puissance émotionnelle. L’album a été écrit par l’artiste dans sa maison d’enfance, et ne semble jamais en être sorti. Sur le projet dans son ensemble, la performance vocale est impeccable : l’artiste sait jouer avec l’intensité de sa voix fragile et incarne chaque texte et émotion à la perfection, tout en conservant la légendaire nonchalance qui fait l’identité de Snail Mail depuis ses débuts. Les thèmes et les humeurs varient tout au long de l’album, mais l’artiste arrive toujours à transmettre avec une honnêteté totale les émotions décrites. Écouter Valentine, c’est vivre ou revivre une déception amoureuse, mais sans bouger de son lit. La production est minimaliste, et, dans un monde où l’auto tune fait loi, Snail Mail choisit encore une fois de privilégier l’authenticité et l’honnêteté de son travail, en ne cherchant pas à masquer ou cacher la faiblesse de sa voix. De même, l’instrumental est souvent réduite au minimum, et se limite régulièrement au combo gagnant guitare-batterie. Le rendu final, très court pour les standards contemporains, est ainsi épuré au maximum, mais cela ne rend le projet que plus qualitatif et authentique, à l’image de Random Access Memories des Daft Punk par exemple.

Le projet n’est certes pas parfait : certains morceaux semblent trop proches ou trop différents pour former un tout pleinement cohérent. Mais, n’est-ce pas ce chaos intérieur qui définit les thèmes de l’album ? Valentine n’en reste en effet pas moins un excellent disque, idéal pour se réchauffer le cœur pendant les longues soirées d’hiver.

Mathieu Ortlieb

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