Jeudi 17 décembre 2020, ça caille sur Strasbourg. C’est aux Kawati Studios que l’entretien avec Undervoid a été fixé. Autant se le dire clairement : bien qu’arrivé à l’heure prévue, c’est le couvre-feu qui nous oblige à écourter cette interview riche en échanges avec ces 4 musiciens sincères et affables. Au cours de cet entretien fleuve, il est question bien sûr de leur premier album Le noir se fait, paru quelques semaines auparavant, mais de façon plus large des sources d’inspirations nombreuses qui infusent dans leurs œuvres, de fraternité et du besoin de créer une musique franche et efficace.
N.B. : L’entretien ayant été généreux (!), nous avons décidé de le découper en quatre parties distinctes. La première consacrée au début du groupe ainsi que ses connexions, la seconde évoquera les influences multiples, la troisième leur premier album, quant à la dernière, les projets envisagés.
Bonne lecture.
Sensation Rock – Comment ça va ?
Alex – Top.
Marc – Ça va super malgré la période très compliquée quand laquelle tout le monde vit. On est très content d’avoir sorti notre album et pour lequel on a eu de très bons retours des médias. De bonnes choses se préparent pour 2021. Bref, le moral est au beau fixe.
Mathias – Ouais de beaux projets et du bon travail en cours.
Arnaud – Moi ça va pas, j’ai mal aux dents. Une dent de sagesse en moins… (sourire)
Sensation Rock – Commençons par le début : pouvez-vous me dresser un historique d’Undervoid, notamment sa création et l’évolution du line-up ? Il me semble que Mathias, ici présent, est votre 3e bassiste.
Marc – Tout à fait. T’es bien renseigné, respect.
Arnaud – Petit 1 : l’historique. (rires)
Marc – Undervoid c’est d’abord une histoire de rencontres humaines. Quand nous avons vraiment commencé, il y avait Léo notre premier bassiste. C’est avec lui que nous avons fait les tous premiers morceaux dont personne n’a accès ou trop entendu (sourires). On a fait notre premier concert avec lui mais on savait d’emblée qu’il devait partir pour ses études… Dans notre volonté d’enregistrer, on a rencontré Bill qui a été l’ingénieur du son de nos toutes premières vraies compositions. Il y a eu un super feeling qui est passé avec Bill, le truc était alors évident pour nous : il fallait le faire rentrer dans le groupe. Donc on l’a saoulé bien comme il fallait, histoire qu’il dise « oui »… Et au bout de la 47e Meteor il a cédé. Ça nous a coûté cher (rires). A partir de ce moment, les choses ont commencé réellement pour nous, dans le sens où nous avons pu faire de la musique à fond. 2016, on a sorti nos deux premiers EPs. On avait envie de produire, de composer et dire beaucoup de choses. Notre premier album était déjà en gestation dans nos têtes. Il y avait une sorte de démarche initiatique à travers la composition, comme une façon de se trouver personnellement. C’est quelque chose que l’on peut comprendre à l’écoute des 4 EPs : il y a eu une vraie recherche d’identité musicale, sonore et humaine aussi. Chaque mois d’octobre 2017 et 2018, on a sorti de nouveaux EPs. Le quatrième qui comprenait 5 titres signait un peu la fin d’un cycle. On était désormais prêt à enregistrer l’album parce que l’on avait trouvé des morceaux qui nous collaient bien musicalement. On a tourné durant l’année 2019, faisant une centaine de dates à travers la France. Ce fut une période marquée par de nombreuses rencontres, la découverte de lieux et des choses fantastiques. A la fin de cette même année, on est rentré en studio. C’était l’aboutissement de 2 ans de préparation. Et en janvier 2020, Bill a décidé de quitter le groupe…
(Undervoid, A terre, 2016)
Arnaud – Le premier trio, formé d’Alex, Marc et moi, avait l’envie de jouer ensemble. Ensuite il y a beaucoup de chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui: les départs de Léo, puis Bill, … l’arrivée de Mathias est survenue en pleine période critique, avec le début la crise sanitaire et des angoisses liées à la pandémie. Pour Undervoid une tournée était déjà réfléchie et puis avec le confinement, rideau ! C’était fou… Bon ça a permis de créer rapidement des liens et de resserrer les convictions.
Mathias – On a pris le temps de se connaître.
Marc – Côté scène, on a fait 3 concerts…
Mathias –Undervoid est un groupe que je suivais depuis leur début. Je suis arrivé à Strasbourg en 2015 pour mes études et l’année suivante je les ai vus pour la première fois sur scène. C’était énorme, un petit concert indé, avec 80 personnes et ces quatre mecs foutaient un bordel génial. Je les ai revus plusieurs fois, j’ai aussi ouvert avec un autre groupe pour eux. Puis on s’est recroisé, j’ai été les revoir en salle, on a discuté un petit peu, des liens se sont tissés avec Arnaud, puis Marc. Ils ont appris que je faisais de la basse dans d’autres projets. Puis est arrivé ce moment, en février 2020, où Marc m’a envoyé un message sans que je ne m’y attende: « Ça te dit de passer une audition pour Undervoid ? -Mais carrément ! -Ben, on te file l’album et tu bosses les morceaux. -Mais carrément ! » (sourires) On s’est retrouvé aux Kawati dans la salle 3. J’ai passé mon audition, c’était un moment incroyable. Je suis sorti de là en me disant : « Mais je m’en fous si je ne suis pas pris. J’ai joué avec eux, c’est énorme ! » (Rires). Arnaud m’a demandé dans la foulée : « T’es libre le 14 février ? -OK… » Et on a fait deux, trois dates et c’était fantastique. C’est un truc auquel je ne m’attendais pas. C’est un groupe que j’ai toujours adoré. Me retrouver là, c’est beaucoup de pression parce que Bill était un monstre, scéniquement parlant mais aussi sur le plan « bassistique »,… et Alex, Marc et Arnaud ont été formidables, ils m’ont superbement accueilli. C’est un vrai bonheur d’être parmi eux aujourd’hui. On est à la veille de grandes choses…
Sensation Rock – Grâce au vinyle, j’ai pu enfin découvrir l’ensemble des crédits, je vois que ces deux premiers bassistes étaient remerciés mais aussi que finalement c’est bien Bill qui a tenu la basse au cours de l’enregistrement. Ce qui en soit m’interpelle car de souvenir ce dernier était plus excentrique dans son jeu, avec des slaps, des effets intrigants…
Marc – C’est bien Bill qui joue dessus. Comme je te l’ai dis dans les EPs il y a eu beaucoup d’expérimentations, on est passé par plein de styles. Je pense qu’en les réécoutant aujourd’hui, on rigolerait d’avoir fait ça. Nous avons totalement autoproduit nos EPs à tous les niveaux, c’est-à-dire que côté studio, on enregistrait avec Bill, on faisait le mix nous-mêmes, etc. alors que pour l’album, on est allé chez Rémi Gettliffe qui a réussi à prendre le meilleur d’Undervoid, techniquement et artistiquement pour chaque titre. Il a changé des trucs, notamment pour la basse, mais pas que, d’où ce ressenti : on était plus affirmé en terme de sons, de sonorités, de morceaux, de patate grâce à Rémi, notre garde-fou qui était plus fou que nous (sourire)! Son avis extérieur était super intéressant et nous a permis d’aller droit à l’essentiel, c’est ce que l’on désirait vraiment. Donc, c’est certainement pour ça que tu retrouves moins le côté thrash, slappé, recherché… c’était notre volonté : on tape droit dans le tas, c’est du rock’n’roll à blinde, c’est fait seulement pour faire bouger le cul.
Mathias – Il y a toujours une recherche dans nos compos: sortir des standards, trouver des petites fioritures possibles à la basse qui viennent enrichir les morceaux. Cela malgré l’étiquette assez classique qui nous correspond tout à fait.
Sensation Rock – Est-ce qu’Undervoid est désormais votre groupe à plein temps? Par le passé j’ai croisé en concert Alex qui œuvrait derrière les fûts pour The Doctors ou encore Obsoleth…
Alex – Le confinement a bloqué pas mal de démarches concernant ces groupes évoqués. On se voit encore, on joue encore ensemble mais je suis très investi dans Undervoid, presque à plein temps.
Marc – On a tous eu des projets différents, mais c’est un groupe qui prend toujours plus de place musicalement ou personnellement. C’est tout ce que l’on voulait, on passe notre vie dessus.
Arnaud – Moi c’est Undervoid ; j’ai pas trompé la femme… (gros rires)
Mathias – J’ai quelques projets à côté dans lesquels je m’investis… Mais clairement depuis l’audition, Undervoid est devenue ma priorité.
Sensation Rock – D’ailleurs en parlant d’autres formations locales, dites-moi de quels groupes ou artistes strasbourgeois vous sentez-vous proches ?
Alex – De manière générale, il y a une énorme scène de musiques actuelles dans cette ville, tant dans le rock que dans tous les autres styles. Idem pour les rappeurs…
Marc – C’est vrai qu’il y a une très belle scène à Strasbourg, les forces vives sont nombreuses. En toute logique, on est proche des Kawati Studios.
Arnaud – c’est nos potes.
Mathias – Comme une famille.
Marc – Même s’ils sont dans des esthétiques bien différentes de la notre avec le punk hardcore, le scream le grind, …ça reste un état d’esprit qui nous tient à cœur, il y a ici une réelle entraide, une volonté de faire les choses ensemble de casser les frontières. Ce sont des gens investis dans ce qu’ils entreprennent.
Arnaud – Par exemple, Les Bastards, les Burning Birds, …
Marc – Ouais les Iron Bastards, David Bour et tous les membres du groupe avec qui on a joué plusieurs fois, les Burning Birds qui répètent aussi ici. Van Hammer Stone, Obsoleth que tu avais cité, Yurodivy est également un groupe phénoménal. Depuis que l’on est arrivé aux Kawati, on a découvert Cheap House, du label Omezis, dans un style plus jazz.
Alex – Pour le coup, c’est de la techno instrumentale, sans machines. C’est super.
Marc – On est tous dans le même bateau et ça génère une certaine fraternité. De manière plus large, il y a également Last Train ou Dirty Deep, parce qu’ils sont enracinés dans le blues et que notre musique vient en partie de là.
Arnaud – Ouais, bien que souvent rattaché à Strasbourg, Last Train c’est davantage la scène mulhousienne (sourire).
A suivre la seconde partie de cet entretien, celle-ci évoquant les influences qui ont marqué Undervoid.
-Propos recueillis puis retranscrits par Benoît GILBERT
-Crédits photos: Benoît GILBERT, sauf photos promotionnelles: Antoine PFLEGER