Jim Younger’s Spirit s’est imposé au cours des années comme l’un des plus intéressants représentants du courant néo-psyché. Avec leur nouvel album, « El Malpais », le combo aixois continue de nous enchanter avec un disque qui dépasse le simple cadre psyché pour s’envoler vers de nouveaux horizons. Rencontre avec leur chanteuse Polar Younger.
Pierre-Arnaud Jonard
- « Le précédent album était un concept album autour de la figure de Jim Younger. Celui-ci en est-il encore un ? »
« C’en est encore un d’une certaine façon. On y trouve encore la figure de Jim Younger mais j’ai élargi le spectre. On y parle de El Malpais qui donne son titre à l’album et qui est une vieille région volcanique du Sud du Nouveau Mexique sur laquelle je suis tombée en faisant des recherches. On parle également dans ce disque de la question de l’esclavage, des paysans américains, de la chasse aux bisons. »
- «No Human Tongue Can tell » était centré autour de la guerre de Sécession. Celui-ci également ?»
« Cela en parle moins. Il n’y pas que cela. Il y a une réfléxion sur ce qui s’est passé après cette guerre, sur la façon dont les gens vivaient à cette époque. »
- « Qu’est-ce qui vous fascine tant dans l’Ouest américain. »
« Mon enfance et la lecture de Blueberry (rires). Ce qui m’intéresse, entre autre, c’est la construction oligarchique du capitalisme, surtout après la guerre de Sécession. Je suis aussi bien sûr intéressé par les guerres amérindiennes. »
- « Cet intérêt est totalement synchro avec votre style musical americana. »
« Oui, c’est vrai. Au début du groupe on cherchait un nom. On jouait déjà ce genre de musique. Nous n’avions pas d’idée préconçue. Je suis tombé sur un livre qui parlait de Jim Younger. Il y avait là-dedans des tas d’histoires que tu pouvais développer à l’infini. Cela collait bien avec la musique que l’on faisait. »
- « Ce nouvel album est moins ouvertement psyché que les précédents. »
« C’est possible. Earvin l’un de nos guitaristes prend plus de place dans le groupe. Et puis il y a aujourd’hui l’ensemble de nos influences qui se retrouvent dans ce que nous proposons. On cite parfois des références comme la new-wave à notre propos sur ce nouveau disque, ce qui n’est pas totalement faux. Le psyché ce n’est pas que de longues envolées musicales, c’est aussi faire voyager et c’est ce que l’on recherche. »
- « Ce disque est assez sombre. »
« Par rapport aux deux précédents, le côté sombre est revenu mais il n’y avait pas de désir conscient d’amener un côté new-wave. On a utilisé plus de claviers sur cet album. Cela vient peut-être de cela. Mais ce côté sombre est peut-être également lié à ce que l’on vit depuis plusieurs années maintenant. »
- « Il y a aussi un côté plus pop. »
« Je fais de gros efforts pour plaire à mes camarades afin de chanter de vrais refrains. Cela ne me dérange pas. Pop n’est pas un gros mot. »
- « Je trouve que vous vous éloignez de la scène purement psychédélique pour un univers plus personnel. »
« On a beaucoup progressé avec tous les concerts que nous avons donné. Cea nous a permis d’ avoir un son plus personnel et surtout de l’assumer. Diego, le guitariste du groupe a plus fait parler son côté pop sur ce disque. »
- « A la base vos influences c’étaient les Black Angels, Brian Jonestown Massacre ? »
« Diego avait une grosse influence west-coast. Cela ne faisait pas partie des miennes lorsque j’étais plus jeune. J’écoutais beaucoup de new-wave. D’ailleurs un groupe comme Magazine fait voyager même si ce n’était pas du psyché américain. Brain Jonestown Massacre représentait quelque chose de nouveau. C’état un nouveau souffle, une nouvelle respiration. Quand tu vas dans les festivals psyché, tu trouves plein de styles différents. C’est plus large que ce que les gens imaginent la plupart du temps. »
- « Vous mêmes vous vous qualifiez de psyché ? »
« On a mis cette étiquette au début. J’avais inventé un truc à notre propos : néo psyché dark country folk. »
- « Il y a eu un changement de line-up. Est-ce que cela a changé votre son ? »
« Je ne pense pas. Earvin, le second guitariste joue avec nous depuis longtemps. Il amène son style. Il y a eu un changement de bassiste mais cela n’a pas eu d’influence sur la production. Chacun amène sa touche perso. »
- « Le disque précédent était sorti chez Closer. Là vous le sortez sur votre propre label. C’est plus de liberté ? »
« Chez Closer, nous étions déjà très libres. La différence c’est que là on peut le faire fabriquer où l’on veut. Nous avons eu le désir d’avoir notre propre label pour signer d’autres groupes. On a plusieurs pistes de sortie et ce ne sera pas que psyché. »
- « Sur la pochette de l’album on voit un bison. Celui-ci est le théme central du disque ? »
« C’est sa disparition qui l’est. On est très content de la pochette réalisé par Samir Guessab, illustrateur de talent. Sur le dos de la pochette le bison a disparu. C’est la fin d’une époque. »
- « Il y a une corrélation dans tes textes entre cette époque et celle que nous vivons actuellement ? »
« Evidemment. Cela a toujours été le cas depuis les débuts du groupe. Il y avait un morceau dans le disque précédent qui parlait indirectement du monde de la finance d’aujourd’hui. Il y a toujours des métaphores dans nos textes. »
- « C’est frustrant de ne pouvoir jouer live ? »
« Oui bien sûr. Tu as envie quand tu sors un album de le jouer sur scène. Après, est-ce que nous avons envie de jouer avec des gens masqués assis devant nous. On ne sait pas. Nous sommes dégoutés du peu d’intérêt du gouvernement pour le monde de la culture. Les échanges avec le public nous manquent. »
- « Il y a pas mal de groupes qui ont donné des live-streams. Vous pensez le faire ? »
« Nous n’avons pas le projet de faire ça. Je comprends que des gens aient plaisir à voir leur groupe préféré sur ordi mais ce n’est pas à l’ordre du jour. »
- « Vous en êtes déjà au quatrième album. Cela représente quoi pour vous ? »
« Une forme de fierté. Les gens qui nous suivent depuis le début continuent d’adhérer à ce que l’on fait. On espère être encore davantage reconnu avec ce disque. Il y a des gens qui nous suivent à l’étranger ce qui est plaisant, en Grèce, Israël, aux Etats-Unis, en Scandinavie… »
- « Votre son a beaucoup évolué depuis les premiers albums. »
« On maitrise mieux qu’à nos débuts la façon dont nous voulons sonner. On a enregistré cet album à Sete et l’ingé son Guillaume Brugvin est un excellent ingé son. Il a apporté beaucoup, dans son super studio où j’écris des textes sombres face à la mer. Il y a beaucoup plus d’arrangements sur ce disque que sur le précédent. Le mastering a été fait par Eric Wofford à Austin, un mec qui a produit Holywave notamment et on en est très content aussi. »
Propos recueillis par Pierre-Arnaud Jonard