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Sufjan Stevens, The Ascension

A 45 ans, le talentueux et prolifique songwriter américain sort son dixième album (et le troisième depuis 2019). Un album de « pop luxuriant et éditorial » selon ses propres mots, qui brouille une nouvelle fois les pistes et nous invite à la prodigalité.

 

Make Me An Offer I Cannot Refuse est intrigant, avec un côté R’N’B et surtout très marqué par l’électronique à foison, quelque part entre Beck et Autechre, avant un final orgasmique et irrésistible. Ce dernier permet de retrouver à la toute fin cette sérénité qui est aussi la marque de fabrique de l’artiste. Ce calme est présent sur Run away With Me, titre atmosphérique et planant, avant que retentisse Video Game, véritable petit tube synth pop déroulé par l’artiste en toute simplicité. Stevens renonce à être un prophète moderne « I don’t wanna be your personal Jesus » tout en portant un regard acerbe et paradoxal sur le milieu artistique : « I don’t care if it’as a popular refrain I don’t wanna be a puppet in a Theater ».

 

Lamentations est un titre qui illustre la palette des nombreux talents de l’artiste, ici en mode bidouilleur et petit génie de la pop électronique. Tell Me You Love Me, plus (trop ?) facile d’accès interroge, tout comme Die Happy, qui apparait quelque peu redondant et un peu moins convaincant – y compris dans le titre – par rapport aux premiers morceaux de l’opus.

La seconde partie du disque poursuit l’exploration de monceaux d’électronique, comme si nous pénétrions dans un laboratoire expérimental. Ativan est de ce point un morceau assez spectaculaire où hantent des sonorités des années 1990 et 2000, avec une fin assez baroque. Ursa Major ou Landslile sonnent davantage dans leur époque, avec pour le dernier quelques guitares affirmées. Gilgamesh peut laisser entrevoir les influences de Radiohead et de l’électronica la plus pure, pour un résultat abouti, alors que l’expérimentation peut aller encore plus loin (Death Star, Goodbye To All That). Sugar, autre single dévoilé depuis plusieurs semaines, est un morceau réellement optimiste et porteur d’un message d’espoir : « This is right time, come on baby gimme some sugar ». Le clip met en scène une famille noire, qui danse et hurle toute sa colère à un moment : « And all this rage has got to go now », et interroge sur l’état actuel des États-Unis. Ou des États-Désunis, car Stevens dévoile dans le dernier titre America, long de plus de 12 minutes, une illustration parfaite du chaos actuel dans ce pays et d’une société marquée par les divisions et les haines.

 

Dans cet album riche et ample de plus de 80 minutes, Stevens poursuit une odyssée musicale remarquable, habitée et expérimentale, avec sa voix absolument envoutante. Renonçant à être Jésus, Ascension est l’album qui redonne foi en la condition humaine et qui devrait réunir de nombreux disciples.

Note : 7/10.

-Julien Lagalice

 

Artiste : Sufjan Stevens

Catégorie : album rock

Genre : indie folk

Label : Asthmatic Kitty

Sortie : 28 septembre 2020.

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