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Ben Harper – Winter Is For Lovers

Mais qu’est ce qui peut bien pousser le tout jeune quinquagénaire, après trente ans de carrière, à se lancer dans un album totalement instrumental ?


Benjamin est seul, avec une Monteleone « Radio City Special Deluxe », la première lapsteel du luthier new-yorkais, dans un immense studio. Une infidélité aux Weissenborn qui ont fait sa renommée ? Certes oui, mais qui sera pardonnée, nous l’allons voir, puisque c’est pour le meilleur.
Un album enregistré d’une traite, sans droit à l’erreur si ce n’est celui de recommencer l’intégralité de la session, soit quarante minutes d’une symphonie en quinze actes.
Qui plus est, on est plus proche de la musique modale que de « notre » musique tonale. Fauré et Debussy entourent l’immense musicien de leurs auras bienveillantes.
Car oui, c’est bien de flottement, de légèreté, de gravité, d’harmonie parfois qu’est composé ce nouvel opus de Ben Harper, sobrement intitulé « Winter is for lovers ».

Quinze titres, quinze voyages mystérieux, avec pour seuls indices le nom de la destination : « Istanbul », « Lebanon » ou l’ultime « Paris ».

On entre ici dans le palais mental de Ben Harper, dans l’essence même de sa musique, dans sa vraie nature, dans sa façon de concevoir sa vie et de vouloir nous la faire partager. L’impression dominante à la fin de la première écoute, c’est l’image de Ben découvrant l’instrument dans le magasin de musique de son grand -père, attrapant une lapsteel, prenant une profonde inspiration, et bien que n’ayant jamais touché l’instrument ou pris de cours de théorie musicale, jouant sans s’arrêter, sans douter, tout ce qu’il ressent. Le son de l’instrument guide Ben, et Ben guide de ses mains agiles, son toucher si précis, une tone bar dont il ne sait pas à l’avance où elle
ira. C’est un cercle vertueux, infini. L’instrument guide l’élève, le maître guide l’instrument.

Contrairement à John Butler, autre immense artiste, Ben n’est pas parti en Inde se former auprès d’un maître du slide picking indien, Debashish Bhattacharya.
Quoique, on se demande quand même comment l’enfant de Claremont a pu intégrer toutes ces techniques. Ry Cooder, Bo Diddley, David Lindley, Taj Mahal (mais si, le génial grand frère de la regrettée Carole Fredericks) ont dû se pencher sur son berceau.

Alors oui, on est loin, très loin même des riffs ravageurs de l’artiste (« Faded », «Ground on down »), de la mystique incantatoire du chanteur (« Power of the gospel », « I’ll rise »), de la dénonciation de l’absence de droits pour les Noirs américains (« Like a king », « Call it what it is »). Et bien que ce soit tout cela qui a rendu Ben Harper si populaire, si juste et si précieux, lui a décidé de ne pas céder à la médiocrité, et de nous proposer un album de musique, celle qu’il vit et ressent chaque jour, au plus profond de chacune de ses cellules, au plus profond de son être et de son âme.

C’est un cadeau extrêmement précieux qu’il nous fait là, parce que livrer ainsi son intimité aux oreilles de tous, c’est un acte de courage et de résistance. La preuve qu’il est bien plus qu’un musicien folk, rock ou reggae, ou qu’un protest singer. Même s’il ne maîtrise pas la musique dans sa théorie, il démontre que cela n’a aucune importance quand on a été nourri du monde, et que la musique existe en dehors de ces carcans. Ben Harper ne joue pas de la musique, il est la musique dans son acception la plus universelle et la plus brute qui soit.

C’est donc tout naturellement qu’on accepte de passer l’hiver avec le californien, mais pourvu qu’il soit long et rigoureux. Et l’on attend avec impatience un nouveau sacre du printemps…

Note : 10/10, bien évidemment

Artiste : Bruce Springsteen 
Album : Letter to you
Label : Columbia Records
Date de sortie : 23/10/2020
Genre : Rock 
Catégorie : Album rock  

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