Pearl Jam est de retour, et même s’ils ne posent pas comme sur la pochette de ‘Ten’, leur premier album qui reste mythique, on les sent soudés, allant vers le même but, celui d’agiter le bocal de confiture, qui même s’il restait apetissant à bien des égards avait parfois de quoi laisser un goût de déjà-vu. Cette fois, le nouveau cru Pearl Jam a un goût bien plus original, il va falloir le dévorer plus d’une fois pour en apprécier toute la teneur.
Même si l’album démarre sur un son bien connu par les fans du groupe, ‘Who ever said’ nous amène, toutes guitares dehors, vers un chemin bien plus tortueux qu’à l’habitue avec une structure qui multiplie les breaks pour remonter graduellement en intensité. Le groupe tout entier se range derrière le chant d’un Eddie Vedder en grande forme et on passe de guitares étouffées à des guitares lâchées accompagnées d’une batterie de plus en plus virulente pour culminer vers un dernier refrain revigorant. Le single ‘Superblood Wolfmoon’ maintient la tension et le solo magistral nous assure une lévitation jubilatoire. Et ce n’est pas ‘Dance of the Clairvoyants’ qui va venir contrer cet état de béatitude dans lequel nous nous trouvons, la basse bien ronde venant renforcer nos rêves les plus fous. Tels des explorateurs, nos 5 de Seattle s’aventurent encore à malmener des oreilles trop confortablement installées et par touche de claviers et couches de chœurs nous mènent aisément au bout du sentier escarpé emprunté. Avec ‘Quick Escape’, la basse nous attire à nouveau et nous entraîne à balancer la tête. Les paroles n’oublient pas ce cher Donald puisque Vedder nous invite à franchir les frontières pour trouver un lieu que Trump n’a pas encore bousillé (‘crossed the border to Morocco, Kashmir […] to find a place Trump hadn’t fucked up yet’). L’aventure continue avec ‘Alright’ où on plane encore tout en mélancolie avec un refrain plus qu’efficace et un clavier omniprésent que n’aurait certainement pas renié Peter Gabriel. ‘Take the long way’ et surtout ‘Never destination’ réussissent le coup de force là où ‘Can’t deny me’ avait échoué (le single a d’ailleurs finalement été écarté de l’album). Ici, le rock est énergique, la batterie martèle et les guitares grincent, s’accrochant au chant haletant d’un Vedder tout en force et en maitrise. Dans ‘Buckle up’, tissé par les arpèges élancés de Stone Gossard, on croirait entendre des cuivres qu’on jurerait un brin jazzy si on était pas à l’écoute du dernier Pearl Jam.
Il nous faut tout de même reconnaître avant de clore le chapitre ‘Gigaton’ que les trois derniers morceaux sonnent très Vedder. Avec ‘Retrograde’, on a de forts accents de ‘Hard Sun’ et plus le morceau avance plus on se rapproche du morceau écrit pour ‘Into the wild’. ‘River Cross’ joue la mélancolie en digne élève du maitre Neil Young qui aurait pu écrire ce morceau et poser sa voix de la même manière que notre Eddie ici présent.
En tout cas, ne boudons pas notre plaisir avec ce nouvel album car on sent bien ce « bouillonnement parfait d’expérimentation et d’une réelle collaboration » annoncé par Jeff Ament à la sortie du premier single. Ce disque nous redonne l’envie, comme il y a quelques années, de prendre le temps de l’écouter, de le découvrir, de le digérer…puis de vite y retourner pour pouvoir en apprécier les autres couches. En effet, si certains morceaux restent immédiatement en tête, l’ensemble satisfait pleinement après plusieurs écoutes.