C’est un plateau particulièrement attractif que proposait Last Disorder ce vendredi soir à Dijon. L’association dijonnaise, qui fêtera bientôt ses deux ans, a en effet convoqué au sein de l’atelier Le tâche papier deux formations à la démarche musicale aussi sombre qu’intense. La soirée a commencé dans une douceur des plus tendues, avec la prestation tout en retenue de Foxeagle, avant que le son apocalyptique des jeunes de The Psychotic Monks ne vienne tout renverser sur son passage.
Sur les coups de 20h30, le sous-sol de l’atelier de créations et de sérigraphie dijonnais Le Tâche Papier s’apprête à héberger les premières notes d’une soirée qui s’annonce déjà riche en émotions. Des émotions brutales et intériorisées qui peinent à s’échapper des coeurs. En guise d’introduction, c’est le projet Foxeagle, porté par la locale Émilie, qui prend place sur la scène. Toujours armée de sa fidèle Telecaster, la musicienne propose une formule musicale dépouillée mais paradoxalement dense. S’appuyant sur la sortie récente d’un EP éponyme paru le 18 mars dernier, le set s’échine a développer une musique résolument sombre et tendue. La lenteur et l’apparente mélancolie des compositions rappellent les grands noms du mouvement slowcore et sadcore. On pense notamment à des groupes issus des 90’s tels qu’Idaho ou encore Bluetile Lounge. Les trois nouveaux titres du dernier disque, THEY, Colorset The Void, dévoilent une facette quelque peu différente. Davantage ancrés dans une noirceur abrasive qui reste tout de même contenue, ces morceaux appellent à l’introspection et font ressurgir les souvenirs de quelques pépites ayant posé les pierres angulaires du post-rock. Difficile dès lors de ne pas songer au mythique Spiderland de Slint ou encore aux guitares exquises de Shipping News. Au bout d’un peu plus de trente minutes envoûtantes, Foxeagle nous laisse avec l’inévitable Circles et prouve une fois de plus qu’il est possible de frapper fort avec une seule guitare et énormément de bonnes idées.
Pour The Psychotic Monks, qui ont débuté aux alentours de 21h30, la date était toute particulière. Effectivement, ce vendredi 29 mars, leur deuxième album Private Meaning Firstest sorti chez l’excellent label bordelais Vicious Circle (Lysistrata, It It Anita, Troy Von Balthazar…). Un second opus concept totalisant pas moins d’une heure de musique aussi nihiliste que sublime. Avec la sortie de cette oeuvre terrible et pleine de maturité, le public du Tâche Papier s’attendait à prendre une claque à la hauteur de ses espérances. Et cela n’a pas manqué. Les premières notes du jubilatoire It’s Gone, issu du premier disque Silence Slowly and Madly Shines, s’amoncellent et invitent la salle à une excursion complexe et torturée. Isolation prend la suite et continue d’enfoncer le clou. Littéralement habités par leurs compositions, les quatre jeunes musiciens font montre de tout leur talent avec une sincérité sans faille. Disposés sur scène de façon à ne former qu’une seule et même entité, les instrumentistes (deux guitaristes, un claviériste-bassiste et un batteur) se font face et créent une alchimie des plus puissantes. En milieu de set, le bien nommé Wanna be Damned (Punk Song) recueille tous les suffrages d’une foule conquise. L’échange est total, les spectateurs prennent part à la lutte physique et psychique proposée par Les Moines Psychotiques. Difficile à catégoriser, la musique du quatuor mélange habilement les genres. Lorgnant parfois du côté du stoner, du rock psyché ou encore de la noise, la démarche n’est pas sans rappeler également le tandem post-punk/no-wave développé autrefois par The Birthday Party ou plus récemment par Girl Band. Le chant, partagé par les quatre membres, se veut lancinant et effacé. Laissant ainsi davantage de place à une instrumentation violente et nécessairement cathartique. En guise d’épilogue, comme sur son dernier album, la formation propose le superbe et douloureux Every Sight. En un peu plus d’une quinzaine de minutes de déflagrations sonores radicales, cette conclusion dantesque et progressive finit d’achever un set brutal et marquant de plus d’une heure.Tout comme les musiciens, le public ressort de ce voyage clairement exténué. Illustration parfaite d’une communion indéfectible entre une foule naturellement impliquée et un groupe qui ne triche pas.
Comme les prémisses d’un périple musical sans concession, la prestation tendue et abrasive de Foxeagle aura constitué la rampe de lancement parfaite pour l’explosion sonique et salutaire des Psychotic Monks. À l’image du nom de l’association organisatrice Last Disorder, la soirée aura provoqué un désordre rarement perçu. Et, pour le plus grand bonheur de nos oreilles avides de découvertes musicales authentiques et percutantes, ce ne sera pas le dernier.
Texte: Hugo COUILLARD
Crédit photos: Mélanie JANIN