19h00 – Death Valley Girls au séchoir (Mulhouse)
21h00 – Gus Dapperton / Anna Calvi / Delgres au Moloco (Audincourt)
Ouvrez grand vos oreilles, ce soir nous partons en voyage au pays Generiq sur les sentiers de la découverte et de la curiosité où s’entremêleront des univers divers. Alors que le Moloco et son affiche alléchante m’attendent, je ne résiste pas à l’appel des Death Valley Girls, joliment teasé par un Iggy Pop dégustant un hamburger en bougeant la tête au son de leur single disaster (is what we’re after), clip rendant hommage à Andy Warhol (eating a hamburger,1982). Je m’arrête donc au séchoir à Mulhouse à la découverte de ce groupe de filles (et un garçon !) qui nous proposent un rock rageur. Le set ouvre efficacement avec Abre Camino, morceau extrait du dernier album où les 3 voix féminines se marient sur un rythme tribal qui ne fera que monter pour arriver à la température idéale de dégustation d’un rock Stoogien et Stonerà souhait. Nous ne redescendrons qu’après le rappel 666 qui clôturera cette belle heure de rock divulguée avec une joie et des sourires complices non dissimulés. Dans cette catégorie, la chanteuse et ses mimiques qui font parfois penser à Robert Smith et à son côté enfantin est en tête, se mêlant même au public sur wear black dont le riff peut rappeler le Tainted love de Soft Cell (bien plus sale que la reprise de Marilyn Manson)… le groupe regagnant sa loge installée derrière la scène, il est temps pour moi de reprendre la route vers d’autres ambiances…
A notre arrivée au Moloco, nous serons accueillis par Gus Dapperton et ses pas de danse sautillants. Ce qui frappe en premier lieu, c’est la moyenne d’âge (19 ans pour les 4 musiciens) et cette sensation d’années 80 tant au niveau des couleurs que de la tenue de la sœur de notre Gus aux claviers. Le style est là et n’est pas que vestimentaire. En effet, cet ovni musical a un son plutôt affirmé, il sait où il va, le problème est que le trajet cette fois-ci, bien qu’agréable, se passe très tranquillement, voire trop. Le public attentif se laisse gentiment porter et applaudit poliment sans avoir à subir de grosses secousses.
Alors que le changement de plateau s’opère et que je me désaltère, le public se met en place pour l’artiste suivante, la plus connue de la soirée mais dans un set inédit puisque ce sera accompagnée de sa seule guitare qu’Anna Calvi se propose de nous transporter pour le prochain voyage. Les lumières se tamisent, seuls deux spots rouges habillent un fond musical, le public se masse, se rapproche, est dans l’attente…nous vivons un moment suspendu… Anna Calvi saisit sa guitare et prolonge ce moment magnifiquement… la voix n’arrivera qu’un peu plus tard, toute en nuances. Avec Swimming pool, elle captive complètement un public médusé, en admiration…j’entends une voix féminine dire « c’est presque religieux » et c’est exactement ce que je ressens alors qu’Anna joue de la sienne pour s’installer dans des sommets où elle nous déposera sans peine. Entre douceur angélique et force diabolique, guitare caressée et torturée, entre chuchotements et cris, la messe est dite ! Tout est maitrisé, rien n’est laissé au hasard, et le choix des morceaux finit de dessiner le parcours, ne laissant aucun répit aux spectateurs scotchés avides de sensations fortes. La suite se poursuit sur les mêmes bases, les rythmiques plus dures laisseront place à des refrains et gimmicks accrocheurs (don’t beat the girl out of my boy), et lorsque la tension se relâche épisodiquement (Indies or paradise), ce n’est que pour laisser respirer le morceau et les spectateurs complètement embarqués. Après nous avoir remercié d’être si gentils avec elle, elle nous offre un Jezebel toute guitare dehors et en Français, laissant un public ému devant tant d’humilité et de talent.
Pour la dernière étape de notre virée nocturne, nous avons la chance de croiser la route de Delgres, un trio guitare, batterie et … sousaphone qui manie avec aisance des ingrédients savoureux pour nous servir un savant mélange. Ça balance sévère dès le premier morceau. Avec un équilibre parfait entre blues rugueux et saveurs vanillées, c’est en Anglais, Français et Créole que Delgres nous délivre des messages forts de lutte pour la survie, de combats pour la liberté sans jamais une once de rage dans la voix. Tout est dosé à la perfection et le public complice répond présent lorsqu’il s’agit de reprendre en chœur les « goumé goumé goumé » invitant à résister face à un président qui doit nous expliquer comment on en est arrivés là et à faire entendre sa voix sans violence. Le nom du groupe lui-même est un message puisque Louis DELGRES mena l’insurrection en Guadeloupe contre Napoléon décidant de rétablir l’esclavage, il préféra mourir que de se rendre, c’est ce que rappelle la chanson titre de l’album Mo Jodi (mourir aujourd’hui). Mais le plaisir d’être sur scène l’emporte sur tout et le groupe nominé cette année aux victoires de la musique le prouve en savourant à pleins riffs ce live au Moloco plutôt que de se retrouver à la cérémonie susnommée. Ce sens du partage en douceur se poursuit et s’intensifie avec Sere mwen pli flo (chanté en duo et en créole avec Skye de Morcheeba sur l’album) ou Vivre sur la route (récemment repris en duo avec Jean-Louis AUBERT) où le ukulélé fait son apparition. Se rapprochant de la fin, un Whole lotta love (Led Zeppelin) complètement transporté et créolisé, finira de séduire un public déjà largement conquis… Delgres est définitivement un groupe à suivre de près, ce que votre serviteur ici présent s’est empressé de faire puisque je n’ai pas résisté à l’appel d’un deuxième concert 2 jours plus tard à la cité du train de Mulhouse où la setlist s’était enrichie d’un magnifique Pardone mwen au solo de trompette magistral. Notre expédition au pays Generiq se termine donc au milieu de trains, un dimanche soir. Une fois encore, le festival, tout en diversités, en créations originales et en endroits insolites, aura réussi son pari… vivement le prochain voyage !
– Mars’ial