Véritable institution au Pays de Galles, les Manic Street Preachers sortent ce mois ci leur 13ème et peut-être ultime album studio, près de 30 ans après leurs débuts discographiques. Derrière un titre en apparence pessimiste et défaitiste pour un groupe très engagé, se cache un album plutôt habile tantôt décontracté ou bruyant, avec des moments forcément sublimes.
Les Manic ont tout connu : l’ivresse des sommets, des titres devenus la marque d’une génération, un engagement politique assumé très à gauche, des moments de doute et de drame avec notamment la disparition du guitariste Richey Edwards en 1995. Groupe devenu culte, ils n’ont plus grand chose à prouver, si ce n’est de prouver leur capacité de (re)faire de bons disques, leurs deux dernières productions ayant fini par immiscer le doute.
Cette interrogation n’est pas levé avec People Give In, sonnant comme un aveu fataliste de leur environnement « People gt tired, people get old – people get forgotten, people get sold », titre digne d’un Coldplay devenu insupportable avec les « Oh, Oh, Oh, Oh ». De tout autre calibre est International Blue, single sorti en décembre dernier, avec son riff robuste rappelant immanquablement l’extraordinaire Motorcycle Emptiness, dans une sorte de déclaration d’amour à Yves Klein emplie de paroles retrouvées « here’s my gift to you-a soundtrack to the void ». Distant Colours, et plus loin Broken Algorithms en nettement plus rythmé, offrent des chansons pleines de caractère, critiquant le poids des médias et les fausses nouvelles sont des drames de notre temps.
Vivian – composé en l’honneur de Vivian Maier, célèbre américaine photographe de rues, nous plonge dans une belle nostalgie régressive, tant ce titre semblant sorti de l’album This is my truth est un moment particulièrement joyeux de l’album. Dylan and Caitlin, un duo assez pop avec le jeune groupe The Anchoress – dont la chanteuse est d’origine galloise, est un moment très agréable porté par des cordes gracieuses. Tendresse et empathie s’imposent sur le court morceau Liverpool Revisited, beau titre qui rend hommage à ce peuple de labeur (les membres sont eux mêmes issus d’un milieu ouvrier, ayant grandi pendant les grandes grèves des années 1980).
Un autre titre remarquable est sans conteste In Eternity, au son glacial et spatial, sonnant comme un bel hommage à David Bowie, aux paroles évocatrices : « Close the curtains in LA/Opened them up on a Berlin Day ». Il est vrai toutefois que la seconde partie du disque semble un peu en dessous, A song for the Sadness est d’un intérêt tout relatif à l’instar d’autres morceaux : si la voix de James Dean Bradfield est toujours là, l’ensemble est un peu poussif. L’ultime titre, The Left Behind, est une heureuse surprise à l’écoute, ne ressemblant à aucun autre, avant un second disque offrant les versions démos de l’ensemble des titres.
Au final, un album non pas parfait mis de bonne facture, témoignant de la continuité d’un groupe remarquable, inlassablement portées par les problèmes sociaux ou politiques, mettant de la beauté dans le vide ou le chaos. Ce testament discographique rend peut-être la résistance futile, mais son écoute demeure utile. Si vous le tolérez.
Julien Lagalice.
Groupe : Manic Street Preachers
Album : Resistance is futile
Label : Columbia
Date de sortie : 9 avril 2018
Genre : rock altenatif
Catégorie : album rock