Ce vendredi 2 mars 2018, pour la seconde année consécutive, nous voici devant la salle du Transbordeur à Lyon à l’occasion du Festival Transfer. A 21h30 nous entrons dans la bâtisse moderne archi-bondée, où les gens se serrent et se bousculent dans les escaliers menant à la petite salle. Au programme, le duo anglais ténébreux The KVB, les australiens King Gizzard and The Lizard Wizard, ainsi que les belges de BRNS, à prononcer « brains », littéralement.
Des dizaines de personnes s’agglutinent sur le balcon surplombant la petite salle du Transbordeur, les yeux rivés sur The KVB. Une place stratégique tant le parterre de spectateurs est dense et constitue une véritable fourmilière à échelle humaine. Nous traversons la foule pour nous hisser aux premières loges et découvrir de plus près ce duo londonien.
Nicholas Wood et Kat Day habitent la pièce avec beaucoup de simplicité et d’humilité. Derrière eux la scénographie hypnotise, avec son jeu d’ombre, ses lumières aux tons bleus qui se brouillent et se confondent, tel un hommage à nos vieilles VHS usées. Les deux anglais, qui ont déclaré au webzine Hartzine ne pas écouter de cold cave ni ne connaître ce mouvement, livrent pourtant une prestation sur les pas de Joy Division, sombre, lancinante, qui ne peut que ravir les puristes du genre. Nicholas Wood chante, énumère les paroles presque sans souffle, tandis que la boîte à rythme puissante de Kat Day souligne sa prestation.
L’assistance semble captivée par le rock fascinant de The KVB, empli de synthétiseurs mystérieux et de guitares saturées.
Le concert se termine sur une reprise surprenante de Sympathy for the Devil des Rolling Stones. Une version obscure à souhait, largement ralentie, donnant une toute autre dimension à ce tube planétaire de 1968. Les deux anglais se séparent un peu brutalement, Kat Day enfile son blouson et disparaît dans la foule. Convaincus par cette première prestation, nous nous rendons sur la grande scène pour ce qui semble être la tête d’affiche, King Gizzard and The Lizard Wizard.
Rattlesnake retentit et la foule est compacte. Les sept compères australiens arborent un look 70’s, et jouent une musique complètement hors du temps, sorte de mélange fou entre rock psychédélique et un rock bien plus brutal, plus tranchant, plus viscéral. Leur son est extrêmement original, teinté d’acide, de spiritualité. Le morceau Crumbling Castle ferait onduler les plus sceptiques – on en prend le pari. A noter que le groupe est extrêmement productif : seulement actifs depuis 2011, les King Gizzard ont sorti 5 albums en 2017.
Ni une, ni deux, et le public se retrouve chauffé à blanc devant les sept australiens.
Des vestes volent en tout sens, les slams se succèdent, devant les yeux médusés des vigiles désarmés face à tant d’enthousiasme. Les spectateurs du Transbordeur sont littéralement en feu, sur fond d’animations complètement barrées diffusées derrière les australiens. Il ne faudra pas beaucoup de morceaux pour que l’un des membres du groupe se jette dans la foule, lui aussi. Il disparaîtra assez longtemps pour qu’on l’oublie, avant de remettre les pieds sur scène et de replonger de plus belle. Sur quatre ou cinq rangs collés à la scène, un pogo énergique et joyeux se dessine pour durer jusqu’à la dernière note de leur prestation.
La scène finit par se vider totalement. Une pause de 30 minutes semble nécessaire pour reprendre vie. Les Drahla, apparemment bloqués dans la neige de Grande Bretagne, ne joueront pas ce soir.
Vient le tour des belges BRNS que nous affectionnons tout particulièrement. Il est 00:30 et le public s’est à demi vidé devant la grande salle. Toute la tension du concert précédent est retombée. Après une telle tornade, exécuter des morceaux plus lents et plus poétiques est quelque peu laborieux. Les quatre bruxellois enchaînent Pious Platitudes, My head is into you, Deathbed, ainsi que plusieurs morceaux du nouvel album dans un calme plat. L’absence de scénographie et de décor amplifie cette sensation de mise à nue, portée par Timothée Philippe qui officie en tant que batteur et chanteur. Hélas la foule ne s’embrase pas, bien qu’elle sursaute un peu au premier rang lors du passage de leur titre final, Mexico.
Le festival Transfer est audacieux par sa volonté de programmation originale et éclectique. Mais la qualité de cette première soirée a souffert de l’ordre de passage des artistes : il aurait été préférable, par exemple, d’inverser l’horaire de BRNS et The KVB. Le prix de la soirée constitue également un point noir, bien trop élevé pour un évènement qui promeut des musiques indépendantes. Nous avons passé un bon moment, mais sommes mitigés par un certain manque de cohérence quant aux choix de la programmation.
Crédits photo : Léopoldine Deriot (Qualité mobile)