Dehors il fait -8°C. On ne se bouscule pas pour en griller une devant la salle colmarienne qui annonce une soirée nostalgique avec la venue des mythiques Anvil. Evidemment, il y a le Big Four. Et puis il y a le cousin canadien, un brin excentrique, attachant et généreux avec son public mais affichant une carrière coincée entre l’Odyssée et la biblique Traversée du désert. Pour cette tournée Pounding the pavement tour 2018, ils se sont adjoints les services de Trance, en somme un alter-ego allemand. Additionnez ces deux formations : quatre-vingt années de Metal vous contemplent !
37 ans de carrière, un chanteur qui se carapate juste avant la tournée, une notoriété confidentielle et voici venir Trance avec tambour et trompettes romaines (véridique). De la prime formation, ce soir il y a trois membres originels : Markus Berger à la guitare, Tommy Klein à la basse et pour quelques dates Jürgen Baum à la batterie. Bien que le dresscode soit des plus hétéroclites, il y a matière à réjouir les fans de la première heure. Les titres joués sont tirés des albums des années 1980 (Sensation, Shock power, We are the revolution).
Le groupe livre des mélodies entraînantes (Heavy metal queen), quoique foncièrement surannées, des soli adéquats exécutés par Berger et Eddie St. James (l’autre gratteux) et une réelle fougue grâce au jeu de basse de Klein et bien sûr au nouveau chanteur, Nick Holleman (ex-Vicious Rumors). Malgré le gap générationnel avec le reste du groupe, le jeunot à la tessiture (sur)aiguë et à la tenue de note impressionnante envoie du bois. La performance est bonne mais par endroits, la formation peine à être bien en place, notamment sur les transitions de l’excellente Loser. N’empêche le temps passe à grandes enjambées et Trance fait vibrer les nostalgiques. Le groupe se retire à nouveau au son des trompettes; la place est désormais chaude pour les forgerons d’Anvil.
A peine arrivé sur scène que Steve Kudlow la redescend afin de se frotter au public. Le show démarre sur les chapeaux de roue avec un gros solo introductif. Usant de ses dents, balançant les premières grimaces, le Canadien affichant tout de même 62 printemps au compteur obtient tout de go l’adoubement du public. Le concert n’a pas encore vraiment commencé – bassiste et batteur attendent patiemment sur les planches –, que le ton est donné. Potache, goguenard ! C’est March of the crabs qui ouvre officiellement le tour de chant des metalleux, suivi de 666 et Oohh baby.
Les titres sont résolument efficaces et repris en chœur par une foule certes clairsemée mais initiée (Badass rock’n’roll, This is 13, …). Ce soir elle rencontre l’histoire du Metal et plus encore du Rock. Facétieux, le frontman se fend entre deux chansons d’une anecdote stupéfiante et éthylique avec feu Lemmy que l’on pourrait intituler « Comment tuer le temps entre deux dates de concerts ». De ses propres mots, lui-même en est encore amusé aujourd’hui et dédie le prochain morceau, Doing what I want, au leader disparu de Motörhead. D’ailleurs sur ce titre comme sur Ego, on perçoit ces sonorités et ces rythmes si chers à la bande à Kilmister.
Le show est aussi assuré par ses deux acolytes à l’allure de flibustiers. Chris Robertson, bien que nouveau dans l’effectif de l’Enclume, se fond totalement dans le décor proposé. Maniant avec brio sa basse 5 cordes, il excelle aussi dans l’art de la mimique. Partant inlassablement à l’assaut de l’autre côté de la scène, le regard torve, toutes dents dehors, il fait mine de croiser le fer avec son gratteux avant d’entamer avec lui quelques pas de danse, bras dessus, bras dessous.
Des pitres vous disais-je ? Depuis plus de trente ans, « Lips » amuse la galerie avec son interlude à base de vibromasseur. Là où Page employait un archer pour faire vibrer ses 6 cordes, le canadien le substitue par ledit engin. Une excentricité incontournable pour les fans qui fait oublier un temps la réelle dextérité du Canadien.
Et que serait Anvil sans la frappe puissante et jazzy de Robb Reiner ? Son talent est totalement mis en avance lorsque vient son heure avec Swing thing. Un solo de batterie lui offre toute la lumière et ravit la foule pendant de longues minutes. Le concert se referme avec le cantique des cantiques scandé dans la fosse, Metal on metal. Le groupe revient de suite pour jouer Running et la cultissime Born to be wild. Colmar a connu un grand moment ce soir. Il fait désormais -10°C dehors. Une broutille pour ceux qui quittent le lieu, chauffés à blanc par un groupe qui mérite sa place au panthéon du Metal.
Setlist de Anvil
March of the crabs
666
Oohh baby
Badass rock’n’roll
Doing what I want
Winged assassins
Free as the wind
On fire
This is 13
Mothra
Bitch in the box
Daggers and rum
Swing thing (solo batterie)
Ego
Die for a lie
Metal on metal
Rappels
Running
Born to be wild (reprise de Mars Bonfire)
-Benoît GILBERT
crédit photo : Benoît GILBERT
Merci au Grillen et à Olivier de Sono Light pour cette soirée !