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JEWLY, Drugstore

2017, année prolifique sur le plan musical. Ne serait-ce que pour le rock hexagonal. Pour avoir griffonné quelques notices sur des disques made in France, et sans chauvinisme avéré, j’écris en connaissance de cause. Mais, parfois il faut savoir aussi opérer des marches-arrière (un conseil et non une résolution intenable) afin de se pencher sur des galettes sorties sans grande pompe, presque dans l’intimité, et pourtant fracassantes. Drugstore de Jewly à titre d’exemple. Troisième effort de la chanteuse, ce 10-titres aux faux-airs de concept album est classieux. Dont acte.

 

Welcome to the drugstore,

Après un EP et puis Bang bang bang en 2014, l’Alsacienne a délivré Drugstore l’an passé. A la croisée des chemins entre une mangrove bluesy avec ses guitares slidées (Amanda), son harmonica ponctuel (Kim, Jim and Megan) et des flirts appuyés avec l’electro côté rythmiques, Jewly a trouvé sa voie. Si des inspirations résolument US jalonnent cet album, charriant ici du hard rock (Phil), là du heavy metal (le refrain de Joy avec ses réminiscences zeppeliniennes, agrémentées d’une pointe d’effets à la Morello), il y a aussi du Gainsbourg. Le riff de John Doe entretient une farouche gémellité avec celui de Harley David son of a bitch. En marge de ces guitares plaintives, comme déposées sur des charbons ardents, il y a aussi une basse imaginative, tenue par une pointure, Phil Spalding. Embarqué dans l’aventure, il a co-écrit plusieurs chansons et produit cet opus aux côtés de Matt Backer. Encore une fine gâchette tant à la gratte que derrière une console!

En somme, un terrain de jeu propice à l’organe puissant de Jewly, capable de s’abattre comme une charge de cavalerie. Mais puissance ne signifie pas dépourvue de nuance. La maturité vocale de la belle brune est plus fondée que lors des précédents efforts. Dans (le) Drugstore, les nuances sont légions, la versatilité palpable (Kim). Ainsi sur le pont de ce morceau, la voix se dédouble comme dans un grand trouble de la personnalité, où la délicatesse cohabite malgré elle avec des élans malsains. Les refrains sont souvent rageurs et porteurs de mélodies imparables, soutenues par des chœurs majestueux, parfois empreints de gospel (Doc). Je me répète donc, Jewly a trouvé sa voix.

 

l’album qui prend ta douleur.

Schizophrénie, euthanasie, séquestration, reconstruction personnelle,… les thèmes abordés par la chanteuse sont variés, complexes, durs mais tous ancrés dans dix parcours de vie troublés, blessés, violentés, voire à l’agonie. Bien au-delà de la galerie des états d’âme, des triviales sautes d’humeur ou de la plongée en apnée vers les tréfonds du pathos, la Strasbourgeoise se pose en porte-voix de douleurs cachées, oubliées et parfois refusées par les autres (Alex). L’exercice n’est pas aisé mais grandement réussi. Qu’il s’agisse de Kim, de Melody (Gardot), ou d’Amanda (référence à l’affaire des trois jeunes femmes séquestrées de Cleveland, dont l’une – Amanda Berry – portera l’enfant de son bourreau), les personnages dépeints par la chanteuse sont révélateurs de drames humains réels, quotidiens et pour lesquels la solution est souvent dans les mains d’autrui. Aider, écouter, considérer (Doc) ou rendre la liberté enlevée, etc. une énumération de verbes dont la mise en œuvre n’est pas toujours simple. Si ce n’est impossible…

 

Point de convergence entre des destins distincts, Drugstore se révèle un album sincère et d’excellente facture. Avec une voix bouleversante, rageuse comme le suggère la pochette, qui expose une Jewly hurlante s’extirpant des ténèbres, l’artiste tisse un fil d’Ariane dans les méandres abimés de la vie. Un véritable talent musical au service des autres. Un talent rejoint également par l’idée de mettre en image chaque titre : les 10 morceaux sont aussi portés par des clips vidéo, dont la charge émotionnelle est puissante (le clip d’Amanda).

-Benoît GILBERT

 

(Jewly, Kim)

L’ensemble des clips est visible sur le site de l’artiste:

drugstore

Artiste : JEWLY

Album : Drugstore

Label/distribution : ROCK ’n’ CHAIR / Rue Stendhal

Date de sortie : 24/02/2017

Genre : blues rock

Catégorie : Album rock

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