Le temps des gitans est révolu. L’hiver approche, … la rentrée 2017 également. Parlons-en d’ailleurs: un moment toujours un peu bizarre, désagréable pour beaucoup, trop désireux de le repousser vainement aux calendes grecques. Alors comment trouver du réconfort ? En voyant poindre le nez du dernier QOTSA, Villains. Josh Homme, leader aux faux airs d’Elvis vêtu d’un perfecto noir comme à la fin des années 50 (image donnée à voir sur la couverture du disque et lors du premier clip à venir), a su trouver un créneau pour livrer avec sa bande de scélérats la septième galette des Reines de l’Âge de Pierre. Il est vrai qu’entre un disque des Eagles of Death Metal et celui de l’inoxydable Iggy Pop l’an passé, le grand roux est perpétuellement au charbon. Prenons donc ce 9-titres comme une aubaine en cette fin août.
À la première écoute, la proximité avec l’excellent… like a clockwork est toute trouvée. Malgré les quatre années qui séparent ces deux opus et un nouveau producteur (Mark Ronson, maïeuticien de feue Amy Winehouse, de Bruno Mars, … ), il y a un cordon ombilical. Sur Hideaway, le pré refrain tutoie mélodiquement celui de I appear missing. Passé ce clin d’œil, la convergence tient aussi au fait que la formation n’a pas vraiment bougée. Ici, pas de guest (ne cherchez pas Sir Elton John, précédemment invité sur Fairweather friends), Villains est le fruit d’un noyau dur de 5 personnes (Van Leeuwen, Fertilta, Shuman, Theodore et bien sûr Homme).
Faussement anxiogène durant les premières secondes, tout comme le fut l’introduction de son prédécesseur, ce nouvel album est réellement dansant, de la première piste, Feet don’t fail me, jusqu’à Hideaway, voire The evil has landed et son groove démoniaque. Les Reines de l’Age de Pierre ne s’accrochent plus ad vitam aeternam à des riffs hypnotiques assoiffés de fuzz. On est ici emporté par une envie de mélodies tristes, accablantes ou lumineuses. Le tout étant compilé dans l’ultime piste, Villains of circumstance, morceau de plus de 6 minutes qui se termine par une instrumentation grandiloquente.
(The evil has landed )
Le stoner rock du groupe est dilué, ce qui est une force et une preuve de créativité au sein d’une discographie. Ici, la saturation est moins bourrine (exception faite de Un-reborn again), y compris sur la redoutable basse, laissant davantage de place aux claviers (Fortress). Tenant le haut du pavé dès les premières secondes de Feet don’t fail me, les synthétiseurs se répandent partout. A raison mais aussi à tort : ils envahissent totalement Un-reborn again, peut être le titre le plus tiède de cette galette, sauvé in extremis par la présence finale de violons et de trompettes. Du coup, les guitares sont plus raisonnables, les exubérants soli distordus et fascinants qui parsemaient A song for the dead (in Songs for the Deaf, 2002) ou la magistrale I appear missing (en date de 2013), sont plus rares ; notons celui de The evil has landed. A bien écouter, les grattes de cet album sonnent très métalliques, très aigues même, couinant telle une bête traquée sur Domestical animals. Le pendant parfait à la l’écrasante basse ultra creusée et à la batterie extrêmement étouffée du début d’album.
Cette dilution aboutit à des mariages sublimes et périlleux savamment organisés. Avec ses chœurs de femmes tout droit sortis d’un hit de T-Rex, Head like a haunted house se parent des habits à paillettes du glam rock. Et pourtant, si l’on s’attache au rythme et au motif lugubre du clavier, ce même titre apparaît aussi malsain avec sa dose de psychobilly. Au cœur d’un album où les ruptures et les longs silences sont mis en sourdine, The evil has landed est la chanson qui reprend les codes, les sonorités et les rythmes des disques du passé (Lullabies to paralyse pour ne pas le citer). Son final se rapprocherait même des Eagles of Death Metal… Enfin, ces libertés se retrouvent également du côté des textes. Les néologismes et autres mots valises sont légion (« a grand macabaret », in The evil has landed) ; les jeu de mot se sont pas en reste (« To be so civilized, One must tell civil lies », in Feet don’t fail me) Des choix qui permettent à l’Homme de lâcher une part d’intimité. L’exemple le plus significatif est The way you used to do, single qui nous a tenu en à l’haleine ces dernières semaines. Derrière ce titre remuant avec son riff addictif – comme « piqué » à The Prodigy, véritables dealers coupant leur rock avec de l’acid house –, Josh déclare son amour pour Brody Dalle et évoque sa famille, ses enfants (« Gave birth to monsters will terrorize normalcy, yeah / They’ll terrorize »). Comme quoi, ne plus avoir 20 ans, ça peut avoir du bon ; « C’est la vie ! », dixit le chanteur.
Villains est un album malin, abouti et qui, à l’issue de plusieurs écoutes, se révèle avec plaisir. Sans en être clairement un, il forme un diptyque avec …like a clockwork.
Si à leurs débuts, les Queens of the Stone Age avaient le mode d’emploi pour faire secouer la tête, le sommet étant atteint avec Rated R et Songs for the deaf, la formation issue du désert californien a désormais un large répertoire pour faire se déhancher les bassins. Pour prolonger l’été, réécoutez The way you used to do en alternance avec Make it wit chu et No one knows; ça passera !
-Benoît GILBERT
(The way you used to do)
Artiste : QUEENS OF THE STONE AGE
Album : Villains
Label/distribution : Matador Records
Date de sortie : 25/08/2017
Genre : rock stoner
Catégorie : Album rock