Au mitan de la semaine, Strasbourg ouvre grand ses bras au phénomène électro pop Glass Animals. Largement popularisée via les plateformes musicales, la formation d’Oxford profitera ce soir de la Grande Salle de la Laiterie pour distiller ses hits synthétiques et chaloupés. Entrant avec peine dans l’édifice, je tombe des nues à la vue d’une pièce pauvre en public (une grosse moitié de la foule maximale acceptée est là, essentiellement des Allemands) et où flottent dans l’air deux ballons gonflés à l’hélium. L’un en forme d’ananas, l’autre est un smiley… Je me dis que les retardataires faisant fi de la première partie ne tarderont plus. Rappelons que Glass Animals c’est tout de même des titres écoutés plusieurs dizaines de millions de fois sur Spotify (rien que 83M pour Gooey…). Bref, wait and see…
L’événement débute avec le groupe d’ouverture, Elder Island dont le nom scintille sur deux enseignes lumineuses enserrant la scène et qui rappellent vaguement un désuet bar Tiki. Il s’agit d’un trio originaire de Bristol, composé d’un bassiste, Luke Thornton, d’un guitariste, David Havard, tous deux évoluant aussi derrière des machines, ainsi que de Katy Sargent, la chanteuse. Tantôt langoureuse, tantôt rythmée, la musique distillée par la jeune formation est plaisante ; les titres proposés sont délicats, à dominante électro pop et parfois lounge. À la première écoute, on se laisse transporter par des sonorités proches de Tunng, avec des chœurs millimétrés et chaleureux, ainsi que quelques accents de funk à la guitare. A plusieurs reprises, la frontwoman empoigne son violoncelle électrique et enregistre des boucles avant d’en faire autant avec sa voix suave. Quand résonne la dernière note, on se dit que c’était vraiment trop court. On se consolera plus tard en repartant avec leur très bon EP, Seeds in sand.
A 21h30, les Animaux de Verre investissent les lieux. Jamais nom de scène ne sembla si approprié. Et pour cause, le très agité chanteur et guitariste Dave Bayley assura le show avec une jambe cassée et coincée dans une pesante botte de marche. Le ton est donné : le spectacle tourne autour d’une électro pop que l’on pourrait qualifier de tropicale. La boucle de cris tribaux sur la prime Other side of paradise et les percussions de Joe Seaward sur l’irrésistible Life itself font mouches dès les premières minutes. La salle est certes clairsemée, mais les applaudissements du jeune public sont nourris.
Après ces deux titres extraits du dernier opus sorti en 2016, Drew Mac Farlane, le claviériste à la dégaine très 80’s, introduit la malicieuse et sulfureuse Black mambo.
Les bassins se déhanchent dans la fosse de la Laiterie. Malgré son infirmité passagère, le leader du groupe assure le spectacle avec des bras en perpétuel mouvement tel un métronome, des bonds nombreux et un détour par la foule. A la quatrième chanson, la très R’n’B Hazey, le chanteur accepte le tabouret qu’on lui propose pour mieux finir le titre à nouveau debout… Cette pile électrique ressemble à un Tom Yorke interprétant Idiotheque. Vu son jeu de scène frénétique ce soir – en totale opposition avec Edmund Irwin-Singer, son bassiste à l’allure introvertie – il n’est pas prêt de quitter sa botte !
Sur Polar street, Bayley et Mac Farlane arborent des guitares cheap, contrefaçons japonaises des années 60-70 tellement en vogue aujourd’hui, afin d’injecter une fine dose de pop rock à ce titre hip hop. Les sons old school et enfantins de jeux vidéo ainsi que les beats synthétiques jalonnent ce show décontracté, voire ensoleillé, notamment lors de Season 2 Episode 3. Les titres sont efficaces et s’enchaînent rapidement. Toes rappelle l’univers de Gorillaz, alors que Take a slice sonne comme une déambulation nocturne sur un thème grandiloquent servi par le clavier. Un semblant de solo guitare conclut le morceau avant de laisser la place à Cane shuga, dont le refrain au flow rapide et à la voix modulée révèle toute l’imagination du groupe. L’ambiance se fait un temps plus subtile avec Youth et ses chœurs enchanteurs, permettant de soulager le gaillard qui se voyait cabri. Quant retentissent les premières notes du tube Gooey, la Laiterie exulte. Cette chanson est perçue pour beaucoup comme le point d’orgue. À titre personnel, nombre de prédécesseresses lui sont supérieures (…). Le groupe déroule ensuite la fin de sa setlist avec Agnes et Pools, des titres dans la même veine pop mêlant avec aisance électro et hip hop.
Les quatre hommes nous quittent alors après une heure de spectacle, montre en main. Ils reviennent rapidement afin de sustenter les applaudissements qui émanent de la salle avec un dernier morceau, Pork soda. Dave Bayley se saisit de l’ananas – emblème du groupe – qui trônait sur un ampli retourné avant de le donner au public. Les ballons gonflables du début refont surface. Une dernière fois, le crew d’Oxford réussit à secouer la capitale alsacienne grâce à son univers loufoque et débridé, qui me renvoie définitivement au premier album des Danois de The Asteroids Galaxy Tour (Fruit, 2009).
Malgré un chanteur estropié, Glass Animals a relevé le défi de remuer Strasbourg ce soir. Les happy few qui ont assisté à la prestation ressortent de là rechargés à bloc pour finir la semaine. Quant à Elder Island, ce groupe semble avoir également marqué des points et les esprits.
Setlist de Glass Animals
Other side of paradise
Life itself
Black mambo
Hazey
Poplar street
Season 2 Episode 3
Toes
Take a slice
Cane shuga
Youth
Gooey
Agnes
Pools
Rappel
Pork soda
- Benoît GILBERT
- Crédits photos : Benoît GILBERT