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INCUBUS, 8

Enfin ! Après 6 années de quasi-diète sonore, les incubes californiens aux gueules d’anges sont de retour avec un album sobrement intitulé 8. Le groupe avait surpris avec son virage rock alternatif qu’était Light grenades, puis déçu nombre de puristes en 2011 avec If not now, when ?. À titre personnel, ces galettes n’étaient pas gênantes, encore moins décevantes. Elles amenaient du sang frais dans la discographie des natifs de Calabasas. Les mélodies se faisaient plus pop, brillantes (Dig, Earth to Bella, Isadore, The original) et la niaque était toujours au rendez-vous (la furieuse Light grenades par exemple). Le groove également. En maintenant ce cap de plus en plus distant de ses débuts exaltants et sans réelle prise de risque, Incubus semble avoir enregistré en mode pilote automatique ce nouveau disque, à de nombreux égards, insipide. Et ce n’est pas en s’octroyant les services d’un commandant de bord comme Skrillex – le « DJ hero » qui fait son beurre avec des « Clip ! Crap ! des Bang ! des Vlop ! et des Zip ! » – que cela change grand chose.

 

Tout commence par un cri

Estampillée formation nu metal (jugez-vous même : un gros son, des paroles rappées, un homme aux platines, et caetera) mais résolument à sa marge, Incubus puisait d’abord son inspiration dans des formations mêlant avec panache le funk, le hip hop et le rock, tels les Red Hot, Primus et consorts. Ici, les désormais quadras ouvrent cet opuscule avec fracas. No fun (rien à voir avec une vieille chanson stoogienne de 1969) est annonciatrice d’une fougue renouvelée. La voix de Boyd demeure celle d’un jeunot se superposant à une ambiance dynamique qui fleure bon la West Coast, le skate, la plage, …  On croirait entendre par endroit Kiedis, bref. Nimble bastard semble également prolonger cette impression de légèreté et de musique juvénile, décomplexée aux accents pop punk, notamment lors des refrains. De même, des relents grunge dans le jeu de guitare d’Einziger et des clins d’yeux en direction de Tom Morello et de feu RATM sur le pont de Glitterbomb ou sur Love in a time of surveillance (introduite par le doux son d’un modem externe, façon AOL en 2000-2002 pour les plus nostalgiques) sont perceptibles. Ça fait secouer la tête mais le reste ne suit pas vraiment avant le dernier titre, Throw out the map qui lâche enfin la bride.

 

… rapidement étouffé.

Et pour cause, sur les 11 titres que compte cet album, nombreux semblent avoir du plomb dans l’aile. Sur 8, on ne groove plus. Jadis, jouant avec les scratchs, les rythmes heurtés, les contre-temps – tout cela s’est dilué, presque tari – la bande à Boyd a tout misé ici sur des formules pop rock on ne peut plus consensuelles (Familiar faces). Ainsi, on constate à regret une trop grande proximité dans les refrains de No fun, Nimble bastard et Glitterbomb. Cette fade gémellité sonore en somme donne la fâcheuse impression que le groupe ne s’est pas foulé pour pondre quelque chose d’original. Ajoutez à cela que 8 est bardé de parenthèses hétéroclites déroutantes. Loneliest est une langoureuse chanson pop au travestissement R’n’B, When I became a man un court voyage de moins d’une minute au cœur d’un folklore mariachi (un titre qui tient plus de la rigolade qu’autre chose) ou encore Make no sound in the digital forest une instrumentale downtempo aux couleurs asiatiques. Le titre est intéressant mais confirme cette propension d’un groupe qui peine à donner une colonne vertébrale à un album bancal. La patte de Skrillex n’y change rien : Les larsens récurrents sur Undefeated ne permettent pas à cette pop faiblarde ni au single ultra calibré State of the art de décoller réellement. Bien au contraire, on croit entendre des lieux communs de mauvaise facture, des resucées pop rock de jeunes formations reproduisant leurs aînés. Cela retombe comme un soufflet. Malheureusement.

 

Avec ce huitième album d’Incubus, le sentiment de rédiger une chronique coincée entre déception et plaidoirie est réel. Cette formation est pourtant extraordinaire (dubitatifs, réécoutez S.C.I.E.N.C.E. ou Morning view), néanmoins comme souvent l’attente a engendré de trop grandes espérances. L’impression désagréable d’être face à un disque piétinant sans jamais vraiment se lancer, et pour lequel on a patienté fiévreusement, n’est pas nouvelle : en son temps By the way m’avait procuré cette déception. Exit donc les RHCP et leur « rock alternatif de bon aloi » ! Aujourd’hui, la même scène se reproduit 15 ans plus tard. M**** alors.

  • Benoît GILBERT

Artiste : INCUBUS

Album : 8

Label/distribution : Island Records

Date de sortie : 21/04/2017

Genre : rock alternatif

Catégorie : Album rock

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