Avec trois francs six sous, est-on capable de réaliser quelque chose qui a de la gueule et qui sonne ? C’est un peu la question que s’est posé Desana. Comment ça, vous ne connaissez pas Desana ?! Une solide doublette (réunissant le guitariste de The Tiger Theory, Benjamin Pau, accompagné de Stéphane Mignot à la batterie) qui propose du rock stoner, un style qui a le vent en poupe dans l’Hexagone. Fondus de sons arides, en attendant le prochain Queens of the Stone Age prévu pour les mois à venir, décrassez vos oreilles avec le premier LP des Bisontins, LP semblable à une toile émeri. Attention, The Enemy of the Year tape fort et juste !
Dans un sillon de poussière…
Passée la subtile balade introductive qu’est The Waiting Line, on croit percevoir des silhouettes familières. Dès Name Prisoner, on est face à du stoner pur sucre : de la fuzz bien épaisse (avec un riff voisin du célébrissime No one knows), une basse désaccordée, des ruptures et un solo caractéristique. Plus loin, Kyuss semble introduire la pesante The Enemy ; les résonances et l’entêtement du riff crade et primaire de la guitare nous donnent le tournis. Mais c’est le mirage récurrent des QOTSA qui revient par vague. It’s all right charrie une atmosphère malsaine mais « ça va aller » nous chante Benjamin, d’ailleurs When would you come semble nous prendre par la main pour nous guider sous un soleil désorientant. Les adorateurs de Rated R s’y retrouveront avec ces deux titres. Et que dire de l’angoissante Use me up ? Avec des accents metal sur le riff, et outre la présence d’une voix féminine, l’angoisse se lit dans la diction du chanteur. Le sombre piano, jouant des notes peu engageantes, rappelle les inquiétants opus Lullabies to paralyse et … like clockwork. La basse fait aussi son petit effet en déversant des flots de sons crasseux (Nothing to lose, Lucky) et sur la pêchue The choice, cette brouillonne 4-cordes court derrière une batterie rythmée et se pare même de sonorités nu-metal. Cette « anthologie » des Reines de l’Âge de Pierre se confirme aussi avec la voix. Le mimétisme est tel que l’on croit avoir affaire à Josh Homme sur cette galette. Les intonations, les suppliques, les cris et la nonchalance reprennent les codes du grand roux californien.
… apparaissent de profondes racines.
En somme, quel est le privilège de l’album fait maison? Et bien, c’est la Liberté : choix des arrangements, des sons et puis des morceaux. The enemy of the year propose un univers désenchanté, aux relents de tabac froid et de vieux blues saturé, devenu hypnotique au contact de Desana. Point d’orgue de cet album spectral, Through the eyes of Elsa. Cette dernière piste tranche avec l’esthétique des 8 précédentes et se veut un hommage à l’aïeule du gratteux. Sur le thème musical développé durant The waiting line, quoique joué avec un effet de lecture inversée, on remonte le temps au travers des paroles d’une vieille dame, témoin d’une époque qui inspire la nostalgie et le respect. Et finalement, on apprend que Desana n’est autre que le nom de sa famille tenant il y a longtemps un orchestre éponyme. Un retour aux racines musicales pour Benjamin Pau, sous forme de flashbacks épars.
Dans la série des autoproductions (« DIY » pour « Do It Yourself », comme peuvent le dire les Anglo-Saxons), Desana est un coup de cœur en ce début d’année à écouter de toute urgence ! Cet album jubilatoire ne révolutionne pas le genre stoner, mais porte toute la nervosité et l’esprit d’une production enregistrée au mythique Rancho de la Luna. The enemy of the year peut offrir une solide notoriété à ce duo auprès des adeptes de rock hypnotique et rugueux. Messieurs les programmateurs des Eurocks, ne cherchez plus ! Voici sur un plateau votre artiste made in Franche-Comté ! Placé stratégiquement le samedi après-midi, sur la scène de la Plage, Desana ragaillardira les festivaliers éreintés après deux jours de concerts. (à l’instar de The Inspector Cluzo l’an passé). Programmez Desana !
- Benoît GILBERT
https://www.youtube.com/watch?v=U0Y7y8Z2OlQ
Artiste : DESANA
Album : The enemy of the year
Label/distribution : autoproduit
Date de sortie : 25/11/2016
Genre : rock stoner
Catégorie : Album rock