Génial. Barré. Iconoclaste.
Emballée, pesée la chronique de High bias de Purling Hiss. Suivante. (…)
Réutilisés pour Mike Polizze, la cheville ouvrière du groupe, ces qualificatifs sont des marqueurs de sa personnalité, tant l’homme est changeant.
La preuve ? À la première audition, ce 9-pistes semble foutraque. (Soyons honnêtes, je lisais de front un article ardu sur Solon, l’antique réformateur grec.) Désireux de ne pas rester sur un échec – à méditer ! – j’y suis retourné. Avec attention. Et là, mon oreille s’est dressée : hum hum… y a un truc. Une touche de Brian Jonestown Massacre (bon point) et puis ça déménage. Pêle-mêle, se côtoient le shoegazing, le punk, le psyché, le grunge, la britpop ou encore l’heavy metal des 70’s. Rien que ça, ouf ! Bref, armé d’un feutre noir et d’une feuille, je me devais de chroniquer cet album détonant sorti le 14 octobre et presque passé inaperçu jusqu’alors.
L’album de la maturité ?
Originellement arrimé à une forte esthétique lo-fi et psyché, le groupe de Philadelphie s’est lancé dans une expérience musicale plus aboutie. Des signes de transformation étaient audibles depuis deux disques (Water on Mars en 2013 et Weirdon en 2014) mais avec High bias, un cap a été franchi: celui de la production. Tout en conservant un aspect brut et sincère, le groupe a eu à cœur de bichonner le son – façon de parler tant la guitare est triturée. À l’instar de My Bloody Valentine en son temps, Purling Hiss dresse désormais de robustes murs de son ! Mieux que cela, les prises live jalonnant ce disque sont d’une qualité nettement supérieure aux précédentes galettes. Périlleux exercice, mais au combien jubilatoire. La pièce maîtresse est Everybody in the USA, un one shot infernal de plus de 11 minutes clôturant l’album et qui, semblable au Freedom de RATM, laisse l’auditeur pantois à l’issue de l’écoute.
High bias ou le passage à la moulinette de 50 ans de musique rock.
L’atmosphère hypnotique chère à Polizze et sa bande est toujours là ; les riffs entêtants et simples sont légions (Teddy’s servo motors, Everybody in the USA). De même, l’aspect garage et noisy est présent dans l’album mais l’ensemble est moins brouillon qu’auparavant. La trituration de la guitare est de mise sur Notion sickness, les montées d’accords tous tremolos dehors sur Pulsations, le caractère frénétique d’Everybody in the USA, etc. Irrésistiblement, Purling Hiss marche dans les pas des illustres Sonic Youth.
Largement mis en avant dans cet opus, le punk hargneux est palpable dès les premières notes de Fever. Notion sickness en est le parfait manifeste, à la fois déjanté et sans réelle structure à l’instar d’un titre des Thee Oh Sees. La chanson fonce à vive allure pendant un peu plus d’une minute. Ça galope aussi sur le refrain de Teddy’s servo motors, façon Toy Dolls. De même, sur Pulsations ou sur Get your way, les phrasés et l’ossature minimalistes renvoient aux Ramones.
Toujours sur Teddy’s servo motors, les distorsions grasses et les riffs massifs semblent puiser leur origine dans l’heavy des 70’s. Des motifs empruntés à l’imaginaire de Jimmy Page font tilt (une référence, dixit Polizze), notamment le solo dantesque de Everybody in the USA.
Un hommage au grunge est également rendu avec Ostinato musik, dont le gimmick de la guitare et de la basse renvoie à Nirvana et à son oriental Love buzz.
Usant de la barre vibrato sur nombre de soli – dédicace au hard des 80’s ? -, le guitariste a su aussi amener des bouffées d’air frais. En effet, dans cette cavalcade à bride abattue, la pop infuse lentement le psychédélisme saturé de cet album débridé (Fever, 3 000 AD). L’acoustique faut même parler d’elle avec Follow you around. Iconoclaste vous dis-je…
Ainsi, le début d’album (exception faite de Notion sickness) fait écho à des formations comme le Velvet Underground (remastérisé en profondeur !), Brian Jonestown Massacre ou encore aux Dandy Warhols. Le travail de la voix (proche de celle d’Anton Newcombe), des chœurs langoureux et les effets sur la gratte en sont les révélateurs. La chose est également vraie pour la nonchalante et versatile Get your way. Parfois même, les intonations font étrangement penser à Damon Albarn de Blur. Une fenêtre ouverte sur la britpop ? À vous de juger.
En marge de cette facette old school, High bias c’est aussi une musique en prise avec son temps, prête à se frotter au pesant stoner. Comment ne pas voir Everybody in the USA comme un jam déluré issu des desert sessions de Josh Homme et ses potes? Délirant et démesuré, ce morceau de bravoure s’étire sur plus de 11 minutes de déferlantes sonores. Mention spéciale au couple basse-batterie qui offre un fond musical de premier choix aux 6 minutes de solo déconstruit.
High bias ou l’expression d’un jeune homme obstiné.
Mike Polizze se déchaîne tant sur son instrument que derrière son micro. Évoquée plus tôt, sa 6-cordes en voit des vertes et des pas mûres durant 40 minutes : riffs monolithiques et tenaces pendant de longues secondes, usage outrancier de la barre de vibrato, assauts incendiaires… Idem pour la voix ! Ici, quelques douces fioritures appuyées par de la réverbération (3 000 AD, Follow you around, Get your way) sont voisines d’un chant ciselé à la masse. Mike hurle souvent jusqu’à en perdre haleine ; la démence semble proche. Les enregistrements furent certainement épiques. Messieurs Johnny Lydon et Ty Segall, voici un nouvel ami !
Fort d’une discographie conséquente (6 albums studios en 7 années d’existence, auxquels s’ajoutent des enregistrements parallèles, notamment au sein des Birds of Maya pour Polizze), Purling Hiss creuse son sillon avec persévérance au cœur d’un rock résolument indépendant. Éventail des 50 dernières années du rock porté par une production chiadée, High bias est un objet réussi mais peu accessible à la première écoute. Il faut s’y replonger à plusieurs reprises afin de profiter de toutes les nuances et subtilités. Bref, un hommage aux pères et aux pairs.
- Benoît GILBERT
Artiste : Purling Hiss
Album : High Bias
Label / Distribution : Drag City
Date de sortie : 14 octobre 2016
Genre : Rock
Catégorie : Album Rock