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MR OIZO

Mr Oizo ou Quentin Dupieux : deux identités pour une seule personnalité partagée à égalité entre musique et cinéma. D’un côté, des morceaux bruts et déstructurés, avec un album qui va arriver dans quelques mois chez Ed Banger. De l’autre, des films remplis de mises en abyme qui touchent des sommets d’humour absurde. De passage aux Eurockéennes 2016, nous avons pu lui poser quelques questions lors de sa conférence de presse.

Tu réalises des films. Ton dernier, Réalité, a une structure narrative très particulière, comment l’as-tu écrit ? [Radio libertaire]

C’est comme un cadavre exquis, mais en plus travaillé. Des idées créent des connexions entre elles, comme une écriture automatique. Il y a après un travail de construction, c’est un des scénarios que j’ai le plus travaillé.

Comment est-ce que les différents arts influencent-ils les uns sur les autres ?

C’est la même pratique du cerveau qui fonctionne, tout est mélangé. Quand je ne peux pas faire de films je fais de la musique et quand je ne peux pas faire de musique je fais des films, c’est comme la main droite et la main gauche, ça marche de la même façon mais pas au même moment.

Ta musique fait mal à la tête, elle tape, et on se demande si ce ne serait pas justement le meilleur moment pour l’écouter, lorsqu’on a la migraine. Ne serait-elle pas comme un doliprane ? [Greenroom]

Ça me rappelle un copain qui m’avait dit que ma musique lui donne envie de pisser. Chacun la reçoit à sa façon, je ne la crée pas dans un but en particulier. Je ne pense pas aux gens lorsque je compose, il faut juste que ça me donne envie de danser.

Tu composes toujours sur ordinateur ? [Radio libertaire]

Oui. Mais de nos jours, ordinateurs ou instruments, qu’est-ce que ça change ? Ce sont des outils. Je ne me considère pas comme musicien au sens noble du terme, mais plutôt comme un bricoleur. Mes premiers disques étaient faits avec de vraies machines que je devais brancher, tuber et enregistrer. Maintenant je suis sur ordinateur, mais ce ne sont que des outils, ça ne change rien. Comme je suis impatient, le système le plus rapide c’est un ordinateur car tu n’as rien à brancher quand tu connais l’architecture de ton système.

Mais cela ne fait pas de toi un techno-addict ?

La noyade de la technologie est un enfer, il vaut mieux se contenter de trois trucs qu’on maîtrise plutôt que 300 trucs qu’on ne connaît pas.

Quel espace, entre musique et cinéma, t’offre le plus de liberté de création ? [Sensationrock]

C’est pareil, à la seule différence que dans le cinéma on dépense l’argent des autres, d’une certaine façon. Même si je n’ai fait que des petits films, ça crée en bout de chaîne des dialogues ennuyeux avec des personnes chiantes parce qu’au final, quand il s’agit de vendre le film, on a affaire à des gens qui se posent d’ennuyeuses questions. On paye sa liberté. C’est différent avec la musique car c’est un peu plus “magique”, on écoute et on apprécie -ou pas. Alors que les films impliquent des réflexions pour rien.

Peux-tu nous parler de ton prochain album ? [Sparse]

La musique est spontanée, le cinéma s’écrit plus. C’est donc compliqué de parler de ma musique. A chaque fois que je propose un disque, c’est que je considère qu’il y a des morceaux excitants pour moi.

Tu as collaboré avec Charlie XX. Comment est-ce que ça s’est passé ? Est-ce qu’il y aura d’autre contributions sur ton album ?

Je ne la connais pas et c’est elle qui m’a contacté. Elle m’a envoyé une version a capella et j’ai composé le morceau. Pour mon disque, à l’inverse, c’est moi qui a sollicité et invité des gens que j’adore : Skrillex, Peaches, Boys Noize.

Tu dis faire de la musique et du cinéma à des fins personnelles. Est-ce que c’est aussi le cas avec d’autres activités/moyens d’expression ? [Radio Libertaire]

Je viens du dessin, avant même de toucher à une caméra. Donc on pourrait dire qu’initialement, c’est cela ma passion.

Dans Wrong Cops, le personnage joué par Eric Judor compose ton morceau Stunt et va voir un producteur, qui lui dit concrètement que c’est de la merde. Est-ce un parti-pris critique contre les grandes maisons de disque qui ne veulent que des choses lisses ?

C’est un film sans ambition, que j’ai écrit vite. Néanmoins, avec du recul, c’est une scène que j’ai vécue. Au moment de Flat Beat, qui est une musique de pub Levis, nous sommes allés voir des grandes maisons de disques -Pascal Nègre et cie- avec mon producteur. On nous a répondu que la pub était super mais qu’il n’y avait rien à faire du morceau. J’ai vécu cette situation et le brief de l’acteur c’était : “Pascal Nègre”. Faussement jeune, avec des converses, et on lui a mis une poche à caca. Comme Pascal Nègre. Parce qu’il est malade, vous savez.

Quand on parle de toi, on te situe toujours par rapport à ton label, Ed Banger. Comment te situes-tu par rapport à son histoire et à Pedro Winter ?

J’ai fait un écart l’année dernière sur le label Flying Lotus, mais ça ne m’a pas empêché de garder un lien fort avec Pedro. Pour me situer, je suis la locomotive de ce label mourant ! C’est ma maison, c’est un bonheur de sortir ma musique dessus. Il y a eu un pic de succès incroyable qui a été déstabilisant, aveuglant. Maintenant, c’est de la musique et de la passion. Il y a deux-trois mecs que je virerais, mais sinon, c’est le meilleur label du monde, de loin !

 

 

-Clémence Mesnier

Crédits photo : Eric

 

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