La meilleure première édition d’un festival. Voilà par quoi on peut commencer à raconter ce samedi 31 octobre. Organisation, line-up, ambiance ; le synthzilla fut un monstre de bouillonnement dédié à la scène dite “synthwave”, une première du genre en France qui devient ainsi un équivalent du Flashback Future Disco à Helsinki (avec une touche personnelle dédiée aux jeux vidéos dont il était question le premier soir).
Avant de parler musique, on mentionnera l’excellente organisation du festival qui avait lieu au Jack Jack, salle adjacente à la Mjc de Bron. Le hall d’entrée laisse suffisamment de place pour rester à l’intérieur entre chaque concert sans avoir l’impression d’être dans une étable humaine ; le prix des consommations n’était pas élevé et la nourriture préparée par une armée de bénévoles exploités par les organisateurs, membres de l’association le Kaiju Masqué. Le collectif Bad Taste Factory était présent avec ses prints surréalistes entre rockabilly et monstruosité. Une fois encré d’un dinosaure sur la peau, il faudra longer un couloir vitré, outrepasser le stand de merch Carpenter Brut et ses terribles t-shirt sataniques pour pouvoir parvenir dans l’arène. Puis outrepasser la porte. Et partir pour plusieurs heures de déchaînement.
Ce sont les italiens de Confrontational qui ouvrent le feu au son de mélodies typées 80’s, avec une façon de se mouvoir saccadée, héritée de la new-wave. Très vite, une guitare émerge, jouée par Massimo. Giulia s’occupe des synthés et boîte à rythme. Leur originalité ? Un placement de voix surprenant puisque contrairement à la grande majorité des groupes mixtes, c’est ici un chant masculin qui se fait entendre, venant donner une dynamique pop et enjouée aux morceaux. Massimo et Giulia forment un couple à la scène comme à la ville et c’est avec osmose que le refrain de You’ll Be Mine est chanté. Au niveau du son, les basses sont d’emblée très fortes et ont vite fait de faire entrer le public en transe. Il est à peine 20h mais la salle est déja bien remplie, un signe en faveur de la programmation insinuant que les spectateurs viennent pour assister aux concerts, à tous les concerts et pas seulement pour les têtes d’affiche.
Peu de temps pour le changement de plateau, le programme de la soirée est chargé. Thomas Barrandon, bien connu du public lyonnais, produit une électro cotonneuse parsemée de samples vocaux. Le genre est nettement plus moderne, il fait penser à Daft Punk et à la génération de Djs issus de la French Touch. Thomas Barrandon commence son set sous des lumières rouges qui persisteront comme un fil conducteur liant les artistes jusqu’à Carpenter Brut. Parmi ses titres, je mentionnerai Forever Young as a Lie comme étant certainement le morceau le plus mélancolique et le plus émouvant, à écouter impérativement.
C’est au tour d’un autre lyonnais bien connu d’entrer en scène. Voilà la troisième entité de ce qu’on appelle la “trinité” de la synthwave (ou le “trio infernal” !), Dan Terminus. Il faut d’ailleurs mentionner que c’est la première fois que ce dernier partage la même affiche que Perturbator et Carpenter Brut. Son expérience de la scène sous l’avatar de Dan Terminus est encore juvénile, mais quelle maîtrise des effets sur le public ! Ses arpèges caractéristiques créent des oscillations d’intensité intrinsèques aux morceaux, comme un électro-cardiogramme qu’il marque d’une gestuelle ample et assurée, retenant l’air dans son emprise. L’ambiance visuelle est rétro-futuriste à souhait, nimbée de néons verts. The Wrath Of Code, dernier album en date sorti en mars 2015, se prête particulièrement bien à l’exercice du live, beaucoup plus tapageur que les précédents.
À peine le temps de souffler et Perturbator est déja en train de balancer un défibrilateur cardiaque sur le public. Nerveux, fièvreux, frénétique, fracassant, Perturbator en live sonne comme une crise d’épilepsie. Autant dire que la pléthore de Djs qu’on entend habituellement pour finir les soirées peuvent aller se cacher dans un placard miteux. Ici c’est simple : toute la salle danse, si bien sûre on peut appeler cela “danser” car on est à la limite du headbanging. James Kent enchaîne tous ses titres forts sans chercher à ménager des espaces d’accalmies. Pêle-mêle, on entendra Future Club, Ghost Dancers, Satanic Rites, Complete Domination (et bien d’autres) avant de finir sur She Moves like a Knife. Comme d’habitude, James Kent gratifie le public de regards infernaux et acérés alors que s’animent derrière lui un panthéon d’images aux couleurs criardes allant de Robocop à des explosions atomiques. Un set psychotique à s’arracher la nuque.
Alors que Perturbator a vrillé la salle, celle-ci va maintenant être retournée par la machine de guerre Carpenter Brut. Le temps d’une transition avec Gesaffelstein en fond sonore et c’est très simple, on va vite comprendre ce qu’est Carpenter Brut. Carpenter Brut, ce sont trois tueurs sur une scène. C’est une Plymouth Fury qui serait entrée en collision avec Michaël Myers. Comme le disait Dan Terminus (car tous ces artistes collaborent ensemble, on croisera même Tommy 86), Carpenter Brut commence haut et finit haut, les trois pôles (guitare électrique, batterie et machines) ne baissent jamais l’intensité. Un passage à tabac en règle. Les premiers rangs se composent d’une faune de métalleux qui manquent à plusieurs reprises de se fracasser le crâne contre la scène, emportés dans un élan furieux. On voit quelques tentatives de slam qui resteront stagnants, mais l’emportement général ne laisse pas de place à ce jeu-là. La puissance instrumentale exclusive au live (guitare et batterie ne se rajoutent que sur scène) est phénoménale. Nimbé d’une lumière sanglante, Le Perv se fait frappe d’attaque et laissera tout le monde KO.
Plus qu’une réussite, le synthzilla fut donc une vaste tuerie orchestrée autour de la dance 80’s de Confrontational, de l’électro ouatée de Thomas Barrandon, de la gravitation de Dan Terminus, des convulsions de Perturbator et de la pesanteur de Carpenter Brut. Que quiconque ne soit pas d’accord s’oppose maintenant ou se taise à jamais.
Crédits photos : Clémence Mesnier.
En remerciant Pauline Manouvrier pour sa coordination et sa patience, les artistes pour leur sympathie pâtinée de folie et les multiples bénévoles qui ont oeuvré pour polir ce diamant !