Les hyperactifs garageux-punk-psycho-pop-rock (et j’en passe) deThee Oh Sees ne sont jamais rassasiés. Pour preuve, la sortie de leur 9e album studio (ou 19e peut-être ? on ne sait plus), Mutilator Defeated at Last, une plongée en apnée dans les sources bouillonnantes d’un rock ultra musclé qui n’appartient qu’à eux. Les amateurs de douceurs sucrées n’ont plus qu’à passer aux piments bruts en dessert. Sublime et décoiffant…
C’est toujours pareil avec eux, on ne sait jamais trop où on en est… À peine le temps de chroniquer la sortie d’un album, qu’un autre sort de nulle part, toujours plus fort que le précédent. À se demander si ces musicos sont d’infatigables stakhanovistes, ou si leur leader John Dywer est un tyran exploiteur de la pire espèce. Faut dire que le combo de San Fransisco a l’art du contrepied. Un temps annoncé en pause indéfinie, voir définitive, les californiens ont depuis enchaîné les productions, tant en studio que sur toutes les scènes de la galaxie, avec cette frénésie absolument inégalée et inégalable. À peine un an après la sortie de Drop, qui signait ce vrai faux retour du groupe, et nos survoltés gaillards balancent ce nouvel opus rageur et amphétaminé qu’est Mutilator Defeated at Last. Décidément increvables, les chevelus nous ont encore pondu une merveille de rock bien barrée !
Web, première banderille du nouveau cru, dégomme d’entrée tous les nigauds qui pourraient les croire vaguement usés. Du son, du vrai, qui repose sur une guitare à l’écho ravageur, acérée comme un fil de rasoir à main, un groove de batterie affolant digne d’un croisement hybride entre l’halluciné Keith Moon et le jovial Steeve Bonham, et cette voix flottante de Dywer qui rebondit dans tous les coins de la pièce. On est bien dans l’univers psychopathique des Thee Oh Sees, à ébullition totale. Et comme si tout ça n’allait jamais assez vite, le redoutable Withered Hand accélère, célébrant l’omniprésent punk spirit des débuts, et rappelant que ces anciens-là ne sont pas près de jouer au scrabble sur la terrasse ensoleillée d’une des innombrables maisons de retraite californiennes. Poor Queen est encore parfait de psychédélisme lumineux du genre fond de 5e, à l’aube, sur Sunset Boulevard (c’est que Dywer a déménagé de S.F à L.A…).
S’ensuit un Turn Out Light furieux, garage sixties 100% cambouis que la belle Brigid Dawson constelle de son timbre spatial, et qui récidive, aérienne, dans Lupine Ossuary toujours aussi véhément, à le confondre avec un inédit oublié du légendaire Live at Leeds des Who. Le tourbillon Thee Oh Sees avale tout dans sa spirale toute-puissante et sans fond. Dieu merci, le groupe nous accorde une petite respiration psyché avec l’excellent Sticky Hulks, à la guitare aussi urgente et décalée que le clavier est planant, 6 minutes 50 d’une intemporelle élévation woodstockienne… Une mention atmosphérique que mérite aussi, dans un autre style, l’instrumental et angoissant Holy Smoke et ses arpèges doux-amers, son rythme speedé mais discret, qui vous donne envie de fuir vite fait un je-ne-sais-quoi de l’insoutenable quotidien.
Bref, tout est bon sur cet album duquel on ressort rincé comme une carpette. Une sorte d’expérience auditive, et un véritable diamant brut du rock’n’roll. L’excellent mastering de John Golden (Sonic Youth, Ty Segall) et le mix d’un autre hyperactif, Chris Woodhouse, donnent la vraie dimension à cette explosion de créativité.
Les Thee Oh Sees se sont assurément bien installés dans la cour des grands. Et on n’est pas près de leur piquer la place.
Artiste : Thee Oh Sees
Album : Mutilator defeated at last
Label/Distribution: Castle Face Records
Date de sortie: 18/05/2015
Genre: Garage/Psychédélique/Rock
Catégorie: Album Rock