L’Association le Bastion et Impure Muzik offraient à voir, ce jeudi 14 mai, dans la cave des Passagers du Zinc, un concert rare et ténébreux mêlé d’émotions vives,de performances sonores et visuelles : celui de CELESTE et Laïka. retour sur cette nuit sans étoile où tout a basculé.
LAÏKA – Deux guitares, une basse, un chanteur, une batterie – se met en place et balance bien vite les papillons comme on dit dans le HxC Screamo. Ici tout es made in Besançon et Lyon – du T-Shirt « Impur Muzik » du chanteur au stickers « Le Bastion » de la grosse caisse du batteur –. Formé fin 2014, ce jeune groupe de screamo cultive assurément l’amour des contrastes et nous le fait savoir à grand renfort de riffs, de chants hurlés puis clairs plaintifs, et de martèlement de fût. C’est leur 1er concert et les cinq aboyeurs de Laïka, malgré quelques mises en place encore fébriles, ne sont pas tant aux abois que ça, et naviguent déjà habilement entre de longues plages mélodiques instrumentales et de violentes saccades chaotiques hurlées.
La ferveur est là : on chante des paroles écrites dans la langue de Molière – rare les textes en français assumés de nos jours – les yeux fermés, on y croit. Les breaks sont gérés, les changements de tempo – de l’extra lent aux lacérations de cordes à toute blinde – font leurs effets. Quant aux montées en puissance, elles ont de la gueule : on sent les papillons dans l’estomac dont les ailes frémissent lorsque le chant clair final légèrement crié nous rappelle Daïtro. Bon premier concert pour les membres de Laïka, qui ouvrent une voie – celle des cieux – à Céleste.
S’en suit CELESTE – le chanteur à la basse plus deux guitares et une batterie – et leur HxC Black Metal venu de Lyon. Les lumières s’éteignent, les mecs enfilent leurs guitares, la basse… les frontales rouges s’allument, telles des drones. Une épaisse fumée monte du sol et le public est dans le brouillard. Perdu, apeuré, comme une victime qui attend son bourreau, mais aussi submergé d’attente, excité. Dès les premières notes il n’est pas déçu : le groupe déverse ses morceaux sludge/post-HxC, aux sonorités black métal et doom depuis des années à travers l’Europe, et ce soir, il est là, à moins d’un mètre, dans la cave des Passagers du Zinc.
Leurs compositions sombres et inquiétantes parlent aux amateurs de Breach, Neurosis, Cult of Luna, et soufflent un gros son qui, comme une brise venue des profondeurs de la terre, scotchent le public dans une torpeur mêlée de fascination : déferlante de riffs de guitares/ basse solides sur martèlement de fûts tonitruants. Saturation, Précision et violence ; le tout joué dans le noir à la frontale, avec pour seule lueur, deux projos face public qui balancent le jus par intermittence de manière stroboscopique : la recette est trouvée depuis longtemps et fonctionne, assurément.
Si bien que la musique devient solide, et ne fait plus qu’un avec la pénombre – mélange de halos lumineux et de fumée – Le public se noie dans une profusion de sons saturés, lourds, épais. Même les enchaînements de morceaux ont leurs lots de riffs insidieux et assurent une parfaite jonction entre les différents titres du set. Les amplis eux aussi sont en sueur. Ils crachent, vocifèrent et déversent sur son public, conquis, une sorte de hurlement démoniaque d’âmes torturées gisant dans les flammes de l’Enfer. Les spectateurs se meuvent au rythme des ondes sonores, violentes et palpables et finissent eux aussi en transe. Un rare moment d’évasion dans l’éther, que ce concert.
Dixit Jolbook : « Le batteur (de Celeste, à fleur de peau) en a même pété sa caisse claire. »L’émotion, très certainement.