Cette semaine, deux disques finalement proches sur certains points : l’album éponyme de Temple Of The Dog et Above de Mad Season.
A&M Records/1991
Columbia/Sony/1995
Seattle, milieu des années 90. La scène musicale locale est mondialement (re)connue. Pearl Jam, Soundgarden, Alice In Chains sont les fers de lance depuis le décès de Kurt Cobain. Vitalogy, Superunknown, Jar Of Flies comptent parmi les meilleurs réalisations studio de l’époque (et de l’histoire du rock, avis perso). Et comme si tous ces groupes de qualité ne suffisaient pas, certains musiciens se retrouvent pour former des “supergroupes”. Mad Season en est un.
Cependant, avant Mad Season, une autre initiative du même genre s’était déjà fait remarquer quelques années auparavant. En 1990, sous l’impulsion de Chris Cornell, Temple Of The Dog voit le jour. Le projet se veut un hommage à Andrew Wood, chanteur de Mother Love Bone et ami/colocataire de Cornell, décédé d’une overdose. Le leader de Soundgarden écrit tout un disque et pour le mettre en pratique, fait appel à d’anciens membres de MLB, à savoir Stone Gossard et Jeff Ament (futur Pearl Jam), Matt Cameron (Soundgarden et futur Pearl Jam) ainsi que le soliste Mike McReady (futur Pearl Jam). Débutant avec le bluesy Say Hello 2 Heaven, Temple Of The Dog est en quelque sorte le moyen pour Cornell de faire le deuil de son ami. Au sein de chaque morceau, on sont la mélancolie, la nostalgie des moments passés. McReady démontre déjà tous ces talents de guitariste solo à l’écoute de son jeu, notamment sur la fin des 11 minutes de Reach Down. Le morceau phare des 10 pistes est sans aucun doute Hunger Strike. Racontant les lendemains de soirées bien arrosées, Cornell chante en duo avec un certain Eddie Vedder, pour qui ce sera la première apparition aux yeux du monde musical. Pearl Jam verra définitivement le jour quelques semaines plus tard. D’ailleurs, le morceau Times Of Trouble, composé par Stone Gossard, sera présent chez Pearl Jam avec cette fois-ci des paroles et la voix de Vedder pour devenir Footsteps. Naviguant entre la base du grunge (Pushin’ Forward Back) et le blues (Call Me A Dog), Temple Of The Dog est une grande réussite. L’éphémère durée de vie du combo et les membres le composant y sont pour beaucoup. Cependant les chansons ne sont pas mortes pour autant. Cornell n’hésitant pas à les jouer sur scène et Pearl Jam également, principalement Hunger Strike. Vedder & Co. ayant l’habitude généralement de la jouer en concert en duo avec le vocaliste du groupe qui a fait leur première partie.
L’histoire de Mad Season est toute autre. Mike McReady rencontre le bassiste John Baker Saunders en cure de désintox’. (La drogue finalement aura été le point de départ à la création des ces deux groupes, NDR). De retour sur Seattle, le batteur des Screaming Trees, Barett Martin, se joint (sans jeu de mots) à eux. Ne manque plus qu’un chanteur. McReady jette son dévolu sur son ami Layne Staley (Alice In Chains). Ce dernier étant en proie à de graves problèmes d’addiction, le guitariste de Pearl Jam espère que le fait de se retrouver avec des personnes en voie de devenir clean aiderait Stayley à sortir de la dépendance.
Avec Above, les différents membres oublient un peu la déferlante grunge pour des compositions plus posées, plus feutrées. Les très jazzy Wake Up d’ouverture ou River Of Deceit sentent bon les caves enfumées. Ceci encore plus avec Artificial Red et son blues bien crâde. Pas d’artifice, pas de grandiloquence. On sent l’envie de créer un album entre amis, sans se focaliser sur ce que le monde pensera. Tout l’opus repose grandement sur la performance vocale de Layne Stayley, qui finalement sera moins emporté par ses démons que sur Alice In Chains qui verra le jour à la fin de cette même année 1995. Et le supergroupe s’agrandit sur deux pistes avec la présence de Mark Lanegan des Screaming Trees, idéalement complémentaire de Stayley sur I’m Above et Long Gone Day. Hormis une apparition sur Working Class Hero : A Tribute To John Lennon avec la reprise I Don’t Wanna Be A Soldier, une seconde réalisation de Mad Season ne verra jamais le jour. Les drogues emporteront Stayley et Saunders. McReady, lui, continue son chemin avec Pearl Jam et à travers différentes participations à plusieurs projets.
Cinq années séparent donc Temple Of The Dog et Above. Bien que dans deux styles différents, le contexte dans lesquels ils sont nés et leur éphémérité en font des proches cousins l’un de l’autre.