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The Cure – Songs of a lost world

Crédit Photo : Aurea Del Rosario/AP/Sipa

Attendu depuis 2008, le quatorzième album de l’immense groupe anglais sort cet automne. Après quelques opus dispensables, voici huit titres crépusculaires dont quelques uns avaient été joués lors de la précédente tournée, hantés par la mort et des rêves curieux, mais la magie continue d’opérer.

Ambiance lourde, introduction étirée, et cette atmosphère poético-tragique chère à Robert Smith. « This is the end of every song that we sing » chante t-il sur Alone, titre d’ouverture déclinant la thématique de la mort et de la disparition. Très touché par les disparitions de proches ses derniers mois (ses parents et son frère), nous restons accrochés à cette voix intemporelle, fascinante et tellement familière. And nothing is forever se veut une magnifique chanson d’amour, où la beauté du titre tranche avec le regard lucide et cynique d’une icône face à sa peur de vieillir. A fragile thing fait davantage honneur à cette basse mythique qui tonne, aux guitares qui s’éveillent, et offre un titre lui aussi très dense (chaque morceau de l’album fait entre quatre et six minutes), assez intime et peut-être davantage accessible. Warsong, et son introduction un peu plus rock-indus, fait clairement le lien entre le passé héroïque du groupe et cette introspection contemporaine ; entre fièvres électriques, jeu de basse hypnotisant de Gallup et penchants minimalistes, nous avons ici sans conteste un des sommet du disque. « All we will ever know, is bitter ends for we are born to war » : la paix demeure une utopie, la mort une réalité, l’angoisse un quotidien.

Difficile de ne pas penser lors de l’écoute au temps qui passe, aux morceaux de bravoure, aux souvenirs émus de ce groupe iconique. C’est peut-être parce que nous les avons tant aimé que l’on peut trouver quelques désarrois : ainsi, Drone : Nodrone, avec ses ajouts de synthés, semble parfois quelque peu confus, et apporte peu à la légende du groupe. Le très mélancolique et émouvant I can never Say Goodbye (écrit pour le frère disparu), avec ce piano et cette voix si sincère entourée de guitares stridentes, prend tout simplement aux tripes. Cette proximité, cette impression que le groupe fait partie de nos vies n’a jamais semblé aussi réelle ; sans doute nous écoutons en 2024 un de leur meilleurs albums depuis plus de trente ans, complété par l’efficace All I Ever Am, avant le final apocalyptique de Endsong, qui résume peut-être le mieux l’album et son ambiance : une introduction instrumentale de six minutes, guitares incessantes et tourbillons de batterie témoignant des hauteurs atteintes par cet album (et peut-être inespérées pour les fans). Echo à Alone, miroir d’une époque révolue mais jamais datée, ce titre des « chansons d’un monde disparu » est tout simplement grandiose.

Robert Smith a annoncé lui même la fin de son groupe pour 2029, et le moins que l’on puisse dire est que nous ne sommes pas prêt aux adieux. Ambitieux, crépusculaire et particulièrement réussi, il offre une bande son personnelle et envoutante de la fin du monde. Et la meilleure cure pour l’affronter.

Julien Lagalice

Morceaux choisis : And nothing is forever ; warsong ; I can never say goodbye ; Endsong.

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