Logo Sensation Rock

Interview JJ WILDE

Le 11 septembre, Pierre-Arnaud a pu rencontrer et interviewer JJ Wilde (le veinard!) à l’occasion de la sortie de Vices , paru ce 20 septembre.

La Canadienne s’est livrée pendant 30 minutes aux questions de notre chroniqueur.

Voici donc l’interview dans son intégralité.

Pierre-Arnaud : « Avant la sortie de cet album, tu as sorti un EP en mai, Best Of Me Part 1, qui comprend certaines chansons de cet album. Était-ce un teaser pour annoncer l’opus ?

JJ : Oui, on était déjà dans l’idée d’une partie 1 et d’une partie 2, mais on voulait donner un avant-goût de ce que serait cet album. On y trouvera deux chansons qui ne figurent pas sur les EP. Mais on aimait bien l’idée de dévoiler les titres en cascade, c’était un peu nouveau, un peu différent de ce qu’on avait fait jusqu’ici. D’habitude on dévoile une ou deux chansons, puis tout l’album, mais ici, on a presque dévoilé chaque chanson sous forme de single, en en gardant que quelques unes inconnues. C’est assez inédit.

Pierre-Arnaud : l’album paraît 4 ans après Ruthless, un an après les EP, un tas de récompenses et de critiques dithyrambiques, une tournée monstre. Est-ce que tout cela explique pourquoi il a fallu attendre quatre ans ?

JJ : oui, on n’a pas arrêté pendant ces quatre années. A un moment donné, j’avais assez de matière pour envisager ce nouvel album, donc nous sommes allés en studio pour enregistrer. Mais je n’ai pas aimé le résultat obtenu. Il a donc fallu faire un choix, il y a deux ans environ. Soit je sortais l’album, soit je me remettais au travail pour en être satisfaite. Il manquait un aspect émotionnel, quelque chose manquait, alors on a pris le temps de chercher et trouver.

Pierre-Arnaud : tu évoques l’aspect émotionnel de l’album. Est-ce parce que le thème central de l’album est la fin d’une histoire d’amour ?

JJ : c’est effectivement l’un des thèmes abordés, mais pas le thème central. Il est surtout question de grandir, de comment on passe de l’abattement à une phase plus enjouée, de comment retrouver la personne qu’on était avant, donc pour moi, la rupture a joué le rôle d’un catalyseur, qui m’a permis d’explorer. Un retour à soi provoqué par la fin d’une histoire.

Pierre-Arnaud : est-ce que le titre Toxic parle de la nature de la relation que tu as vécue ?

JJ : c’est marrant, on peut l’interpréter comme cela en effet. Mais en fait, il est question de harcèlement et d’intimidation. J’en ai souffert au lycée. Donc je règle mes comptes, et je dis tout ce que je n’ai pas dit à l’époque, comme : « Allez vous faire foutre ». Et puis peut-être que cela va aider d’autres victimes à en parler, à trouver la force de se rebeller. Mais on peut aussi y voir un hymne contre toute forme de discrimination ou de rabaissement, ce qui est souvent le cas dans une relation toxique, qu’elle quelle soit. Mais bon, à l’origine, c’est plutôt une chanson contre le harcèlement.

Pierre-Arnaud : je t’ai vue en première partie de Scorpions, je crois. C’était très rock. Là, ton album est plus calme, plus cool, c’est voulu ?

JJ : oui, ce que j’ai montré de moi jusqu’à maintenant, c’est l’aspect féroce du rock. Mais j’avais envie d’exprimer un peu plus de profondeur, de vulnérabilité et de douceur aussi. Simplement parce que c’est comme cela que je ressentais les choses quand j’ai composé.

Mais il y a toujours un peu de bon rock dans l’album.

Pierre-Arnaud : tu explores d’autres genres aussi, il y a des touches de hip-hop également, non ?

JJ : quand je compose, je n’aime pas réfléchir en terme de genres. J’aime me laisser porter par la musique, peu importe où cela m’emmène. J’écoute du hip-hop, comme Mac Miller que j’adore. Peut-être que cela infuse dans ma musique, comme cela arrive pour beaucoup d’artistes. Mais explorer, ne pas se limiter à des genres, c’est sympa.

Pierre-Arnaud : après un premier album, des récompenses en pagaille, un Juno, la pression pour ce second opus était-elle forte ?

JJ : oui, bien sûr. Mais je voulais surtout parvenir à toucher le public, sans penser au côté uniquement professionnel.

Pierre-Arnaud : un artiste n’est jamais préparé à un tel succès. As-tu été surprise par l’ampleur du succès de ton premier album ?

JJ : complètement. Cela a pris tout le monde de cours. Pour te dire, The Rush ne devait même pas être un single. On ne sait jamais quelle chanson va toucher les gens, laquelle va avoir du succès. On espère bien sûr que ça va marcher, mais on n’en sait rien.

Pierre-Arnaud : tu es la deuxième femme à gagner ce Juno après Alanis Moricette, presque 30 ans après. C’est un honneur ?

JJ : mon dieu oui ! C’est assez fou. Je suis reconnaissante, et si je peux ouvrir des portes pour d’autres femmes dans l’industrie musicale, c’est avec plaisir. 25 ans, c’est beaucoup trop long !

Pierre-Arnaud : 28 en fait !

JJ : c’est vraiment un honneur pour moi, et j’en suis reconnaissante.

Pierre-Arnaud : tes chansons ne sont pas politiquement engagées. Pourtant, on constate quand même qu’il n’y a pas tant de femmes que cela dans ce milieu musical. Tu revendiques d’être une femme et d’ouvrir des portes ?

JJ : tout à fait. Ce n’est pas par manque de talent qu’il n’y a pas assez de femmes dans le monde de la musique. C’est une affaire d’opportunités, d’avoir les bons contacts. C’est important pour moi de soutenir d’autres femmes dans ce milieu. La société a le don de dresser les femmes les unes contre les autres, de manière assez ridicule, de le mettre en compétition, comme s’il n’y avait pas assez de place pour plus d’une femme qui réussisse. Mon attitude envers cette problématique, c’est de promouvoir d’autres femmes, d’aider, d’être fière d’être une femme sur scène, d’être téméraire, de faire ce que je veux parce que je le peux.

Pierre-Arnaud : tu es originaire de Toronto, mais tu t’es installée à Nashville. C’est récent ?

JJ : deux ans environ.

Pierre-Arnaud : c’est uniquement pour la musique et les studios de Nashville ?

JJ : oui, j’ai mis en balance Los Angeles et Nashville. J’ai fait deux séjours d’écriture, dans chacune des villes. Mais la communauté de musiciens à Nashville est plus intéressante. Pas plus nombreuse, mais plus profonde, plus authentique. L.A. est une ville plus superficielle. J’avais le sentiment d’être plus proche des gens de Nashville, et quand je suis arrivée, je n’ai pas ressenti l’esprit de compétition comme il existe au Canada. A Nashville, la communauté des musiciens n’est pas en compétition, elle est soudée. Tout le monde s’invite, un peu comme une grande confrérie. J’ai aimé cet esprit-là.

Pierre-Arnaud : le niveau des musiciens est très élevé à Nashville.

JJ : oui, c’est énorme ! Je me suis même demandée si j’étais vraiment une musicienne…pendant trois mois, j’allais dans un bar, je buvais une bière, et j’en prenais plein les oreilles. Ils et elles sont incroyables, d’un niveau hallucinant, dans chaque bar, même pas célèbres. Ce sont des musiciens hors classe.

Pierre-Arnaud : Nashville, ce n’est pas que la country. Mais est-ce que la ville a eu une influence sur ton album ? Est-ce qu’il aurait sonné pareil si tu avais vécu à New York ?

JJ : absolument pas. Ton lieu de vie infuse dans ta musique, dans ton style, que tu le veuilles ou non. Il y a une forme de synchronicité. Et même l’aspect country, dans certaines de mes mélodies. C’est ce que je cherchais, une évolution de ma musique.

Pierre-Arnaud : tu as fait un road-trip à travers les USA, et ton album donne bien cette impression.

JJ : oh merci, c’est que je voulais. Qu’on écoute ma musique en baissant la vitre et en cruisant sur de grandes routes.

Pierre-Arnaud : même si j’aime beaucoup l’album, j’ai été déçu qu’il soit si court. Est-ce une évolution liée au public, qui écoute moins de disques qu’auparavant ?

JJ : c’est intéressant. J’aime toujours écouter des albums en entier, mais le public lui, aime écouter des singles, des playlists, et ne consomme plus la musique comme avant. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas écrire d’album plus long, le prochain sera autour des 14 titres je pense, mais là c’est intentionnel, je voulais quelque chose de condensé, de synthétique.

Pierre-Arnaud : le format est plus pop, donc. C’était volontaire ?

JJ : oui, tout évolue, les styles fusionnent. Je ne sais pas si c’était intentionnel d’adopter un format plus court, mais c’est comme ça qu’il s’est fait.

Pierre-Arnaud : tu es repartie en tournée après la parution du premier EP. Qu’est-ce qui est le plus important pour toi, la tournée ou les disques ?

JJ : les deux sont importants. Les disques permettent à un public plus large de te découvrir. Le processus d’écriture lui se nourrit de tes expériences, et quand j’écris, je pense surtout à ce que le morceau va rendre en live. J’ai une passion pour la scène, mais les deux sont importants. Après, il faut être encore meilleure en live que sur un disque, à mon avis. Ce serait un cauchemar pour moi si ce n’était pas le cas.

Pierre-Arnaud : à propos de tes performances live, tu as tourné avec Kiss, Scorpions. Pour quelqu’un qui n’a qu’un seul album à son actif, c’est comment de partir en tournée avec ces monuments ?

JJ : mon dieu, c’était dingue. J’ai pas mal éprouvé le sentiment d’être une impostrice. Mais je fais de la musique depuis que j’ai 18 ans, et même si c’était mon premier album, j’ai surtout eu l’opportunité de me prouver à moi-même que je pouvais le faire, et faire ce que j’aime, vivre ce rêve et le moment présent, sans anticiper la suite.

Pierre-Arnaud : ouvrir pour Scorpions devant 20 000 personnes, ce n’est pas la même chose que de jouer un petit concert à Nashville.

JJ : c’était fou… j’étais très nerveuse, mais j’ai transformé cela en énergie positive. C’était la foule la plus immense devant laquelle j’ai jamais joué. Mais jouer un set intimiste à Nashville, c’est plus intimidant encore. Tu vois tout le monde, tu établis des contacts avec tout le monde, c’est feutré, et ça te donne l’impression d’être scrutée au microscope. 20 000 personnes, c’est une masse d’énergie que tu ressens, mais les petits concerts sont bien plus flippants ! Les grandes foules, c’est un shoot d’adrénaline.

Pierre-Arnaud : tu as persévéré dans cette voie, puisque tu as fait les premières parties de Nickelback et Mötley Crüe cet été. C’est finalement une question d’habitude non ?

JJ : c’est une trajectoire assez folle en effet, et j’essaie de m’y accrocher.

Pierre-Arnaud : c’est aussi une grande exposition pour toi, la possibilité qu’un public plus large te découvre ?

JJ : tout à fait, les festivals, mais aussi les plates-formes, te permettent d’atteindre des milliers de gens, de jouer devant des milliers de personnes. Si je parviens à conquérir la moitié de ces personnes, je serais contente, même si mon but, c’est de plaire à la totalité.

Pierre-Arnaud : le disque sortira dans 10 jours, suivi d’une tournée aux États-Unis ?

JJ : à travers le Canada d’abord, et ensuite, sans doute l’année prochaine, aux États-Unis. J’ai hâte d’entamer la tournée avec ces nouveaux morceaux. On a bien testé les nouveaux titres cet été, mais les jouer tous, les alterner avec les anciens, ça va être génial.

Pierre-Arnaud : en France, tu joues demain. Quelle est ta relation avec la France et avec ce public ?

JJ : je suis bien accueillie. Je parle un petit peu le français (NDLR : en français dans le texte), j’essaie, mais en tant que Canadienne, on apprend un peu cette langue, c’est un atout pour faire des interviews. Le public français est cool, il me suit depuis un moment et grandit avec moi. J’aimerais venir plus souvent ici, plus que deux fois dans l’année en tout cas.

Pierre-Arnaud : je connais peu ton début de carrière. Ton premier album est sorti quand tu avais 28 ans, et tu disais que tu t’es lancée à 18 ans. Sous quelles formes ?

JJ : je jouais dans des bars 3 ou 4 fois par semaine, des petits concerts aussi, des scènes ouvertes à Toronto essentiellement. Puis j’ai monté un groupe avec des personnes de mon lycée, qui s’est poursuivi quand on est allés à l’université, et ça a duré 3 ou 4 ans. On n’a jamais signé sur un label à l’époque, mais on a tourné dans tout le Canada. C’était bien plus folk que ce que je fais maintenant. Mais ça a été une première expérience. Quand le groupe s’est arrêté, j’avais 23 ou 24 ans, et j’ai pensé que c’était la fin de ma petite carrière. J’étais naïve et assez abattue. Mais je ne pouvais rien faire d’autre, alors j’ai repris ma guitare, je me suis remise à écrire et composer, à faire des dates, j’ai rencontré mon manager, et c’était reparti. Mais pendant 10 ans, j’ai persévéré et galéré.

Pierre-Arnaud : donc les chansons du premier album existent depuis longtemps ?

JJ : en effet, il y a des chansons sur lesquelles je travaillais depuis un moment, même si la plupart des titres ont été écrits pendant environ 2 ans après que j’ai rencontré mon manager. Mais je m’étais entraînée à tout cela sur le long terme.

Pierre-Arnaud : Arizona, qui ouvre le nouvel album, évoque cela ?

JJ : oui, après la rupture, j’ai voyagé pendant 2 mois environ, du Canada à Nashville, juste accompagnée de mon chien, beaucoup de temps pour se retrouver donc. J’ai passé quelques semaines à L.A. aussi, puis un ami photographe est venu me rejoindre pour continuer le voyage, et on décidait au jour le jour où l’on voulait aller. On est allés à la Nouvelle-Orléans pour voir le Mardi Gras, on est allés au Texas, en Arizona. C’était génial de se laisser porter par nos envies.

Pierre-Arnaud : le disque a été enregistré à Nashville en totalité ?

JJ : c’est un mélange de titres enregistrés à L.A. et Nashville. Mon manager vit à Nashville mais le studio était encore à L.A. Mais l’écriture a eu lieu un peu dans ces deux villes aussi.

Pierre-Arnaud : c’est quoi la suite, après cet album ?

JJ : une fois qu’il sera sorti, j’ai déjà des chansons en cours, je ne veux pas laisser un temps aussi long entre cette sortie et la suite, j’écris en permanence, ma musique évolue, donc j’ai déjà des projets en cours. Même si je suis heureuse de sortir cet album. Je ne sais pas quelle forme cela prendra, un EP partie 2 ou autre chose, mais il me faut encore écrire quelques chansons, mais l’attente ne durera pas 4 années cette fois. »

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Posts