Dan Auerbach et Patrick Carney, autrement dit les Black Keys, sont décidément infatigables autant qu’insatiables. On en veut pour preuve ce douzième album Ohio Players (Nonesuch/Warner), rien de moins que le quatrième en cinq ans. Celui-ci fait suite à Let’s Rock (2019), Delta Kream (2021) et enfin Dropout Boogie (2022).
Un album qui rend évidemment hommage à l’Ohio, parce que les Black Keys en sont originaires et parce qu’un groupe funk du nom d’Ohio Players existe.
Dan Auerbach et Patrick Carney, dans ce nouvel effort, ont quelque peu tordu le cou au blues traditionnel (celui de Delta Kream) pour se diriger, sur la plupart des morceaux, vers des sonorités plus groovies et soul. Les exemples ne manquent pas, à l’image de Don’t Let Me Go, Only Love, Paper Crown en featuring avec le rappeur Juicy J et surtout la sublime ballade I Forgot To Be Your Lover, reprise des 60’s du chanteur soul William Bell.
Force est de constater que les Black Keys, par le biais du premier single dévoilé Beautiful People (Stay High), nous ont littéralement pris à revers, ne nous ayant pas habitué à ce son pop tout droit venu des années 80 et légèrement teinté de soul. Néanmoins, on ne saurait reprocher au tandem de l’Ohio de vouloir explorer d’autres contrées musicales, de ne pas se borner à faire la même chose ad vitam æternam.
Confirmation avec le tumultueux This Is Nowhere, presque ancré dans le rock, tout comme Please Me (Till I’m Satisfied) très électrique et proche des Blue Stones. Dans ce registre de rock efficace aux bonnes grattes crades, citons encore Live Till I Die, Fever Tree et aussi, en moins brut de décoffrage, le relâché Read Em And Weep truffé de guitares aériennes ainsi que d’influences 60’s/70’s. Que l’on ne s’y trompe pas, les Black Keys n’ont pas totalement viré de bord en ce qui concerne le rock et les clinquants riffs de guitares.
Patrick Carney et Dan Auerbach, pour l’élaboration d’Ohio Players, ont reçu l’aide inestimable de personnes prestigieuses telles que Noel Gallagher avec lequel, au studio Toe Rag de Londres, ils ont enregistrés le tubesque On The Game (single qui vient de sortir) et surtout Beck, l’ami et le compagnon de route de toujours. Une complicité et une admiration mutuelle entre le songwriter californien et le duo de l’Ohio qui, c’est désormais de notoriété, ne sont plus à démontrer. Beck imprime ainsi sa patte sur la moitié des morceaux de l’album dont Beautiful People (Stay High), Everytime You Leave où son influence se révèle prégnante et surtout Paper Crown sur lequel il donne même de la voix, alors que Juicy J y va de ses mots rappés.
Signalons également que le groovy Candy And Her Friends est interprété en featuring avec Lil Noid.
Comme on le voit, Dan et Patrick n’ont pas été les seuls maîtres à bord sur cet excellent Ohio Players qui, à l’écoute de Beautiful People (Stay High), motivait quelques interrogations et à juste titre.
N’oublions pas non plus Greg Kurstin, producteur d’Adele notamment qui a, pour une grande part, apporté sa pierre à l’édifice Ohio Players.
Ohio Players, ce sont 14 morceaux pleins et intenses, en quelques mots d’une indéniable polyvalence: de la pop, de criantes sonorités groovies, un soupçon de soul et une forte dose de gros rock parsemé de guitares bien saignantes (Please Me (Till I’m Satisfied), Live Till I Die, Fever Tree).
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, sur ces 14 morceaux, 4 ont été dévoilés en singles: Beautiful People (Stay High), I Forgot To Be Your Lover, This Is Nowhere et On The Game, dans l’ordre chronologique.
Avec Ohio Players, les Black Keys signent leur album le plus abouti, nanti d’une incommensurable variété de styles. Surtout, le tandem de l’Ohio allie quantité et qualité.
Ohio Players: l’album d’un duo toujours aussi inspiré et encore loin d’être blasé!
Morceaux choisis: Please Me (Till I’m Satisfied), On The Game, Live Till I Die, I Forgot To Be Your Lover.