A l’instar des autres grands festivals d’été , Rock en Seine faisait lui aussi son grand retour en 2022, après 2 années de mise à l’arrêt forcé en raison de la pandémie (même si une édition confidentielle, réunissant un public très restreint et une affiche d’artistes uniquement hexagonaux avait timidement fait une percée en 2021).
Autant dire que ce retour était fébrilement attendu, car le festival francilien a pour lui cet avantage non négligeable d’accompagner la fin des vacances estivales et d’être un peu le baroud d’honneur festif de la capitale avant la rentrée.
Pour marquer le coup, les organisateurs avaient vu grand : 4 jours pleins de festival (contre 3 habituellement) et une 5ème date à part pour le monstre Rage Against The Machine, seul représentant du métal lourd sur l’affiche 2022, mais quel représentant (une exclu qui avait même échappée au HellFest, c’est dire).
Malheureusement, une blessure à la jambe de Zach de La Rocha en juillet dernier allait stopper nette cette aubaine, puisque toute la tournée européenne se trouva de fait annulée dans la précipitation.
Une déception certes (il y aura forcément une occasion à resaisir dans le futur) mais pas de quoi ternir la manifestation qui avait tout de même de bien belles autres flèches à son arc pour pouvoir enfin percer ce trop long silence.
Et la première journée allait démarrer en fanfare, puisque l’artillerie lourde du rock avait essentiellement été concentrée sur cette date, comme pour raviver d’entrée de jeu la flamme originelle qui donna son nom à l’évènement.
C’est la jeune américaine Gayle qui ouvre les festivités sur la grande scène.
Corset noir, short en sky assorti, docs montantes, les cheveux bicolores ébouriffés, elle déboule tout riffs dehors avec une énergie qui fait tout de suite plaisir à voir. La pelouse n’est encore qu’à moitié remplie que les premiers rangs jumpent déjà sur la pop énergique de cette révélation qui a su bousculer les charts avec une armada de singles catchy.
‘Ur just horny’ et ses lignes de guitares chromée, ‘Snow angels’ et ses refrains chaloupés la faisant onduler le long de son pied de micro, ‘Indieedgycool ‘ et ses phrasés limite rappés débités tout en arpentant la scène de long en large. Gayle a beau être toute jeune, on sent déjà une réelle présence et un appétit scénique qui électrise. Jet de jambe, manche de guitare brandi, solo fini sur les genoux, elle nous rappelle une icône du rock qui avait le même fuel à son âge : Joan Jett. Une filiation assumée que Gayle concrétisera par une rageuse reprise de ‘Bad reputation’ (de Jett et les BlackHearts) après avoir ironisé sur le fait que, comme elle passe désormais à la radio, elle doit forcément avoir une réputation de merde.
Clôturant son set sur le standard imparable ‘abcdefu’, repris en chœurs par une fosse acquise à sa cause et cette fois-ci bien compacte, elle aura pu faire démentir cet a priori d’un claquement de planche.
Direction ensuite l’alcôve de la cascade, pour découvrir un outsider de la scène punk, originaire de Leeds : Yard Act qui, de prime abord, il faut bien l’avouer, ne paye pas de mine.
On croirait voir un groupe d’étudiants venus ouvrir le bal de fin d’étude. James Smith, chanteur à la dégaine nonchalante, tignasse blonde, la chemisette rouge boutonnée ras le col, les lunettes de soleil semblant masquer une nuit difficile est accompagné d’acolytes qui semblent tout aussi effacés derrière leurs instruments.
On s’interroge de savoir si le show sera à la hauteur de la pourtant très bonne réputation du combo anglais.
Et bien il va l’être, et sérieusement même, car le groupe est un diesel et se révèle être, dans les méandres de ses compos abrasives et hypnotiques, un redoutable concurrent à Idles, programmé un peu plus tard dans la journée.
Le chant de James, calme mais affirmé, s’accélère rapidement jusqu’à s’amplifier, avant de dérailler sur des cris hirsutes.
Son jeu de scène suit la même trajectoire, d’une posture statique, on commence à le voir s’agiter et déployer ses bras tel un albatros, virevolter sur lui-même avant d’enrouler le micro autour de son cou.
Les morceaux révèlent progressivement tous leurs trésors dans leur impact LIVE.
Notamment ‘ Dead Horse’ avec ses cavalcades de basse-batterie incontrôlées, stoppées à mi parcours par un break inattendu et explosant dans une tempête de guitares, immédiatement relayée par une levée de poussière de pogos joyeux.
Preuve encore sur le sautillant ‘The Overload’ où le débit rafale de James, raccordé aux mélodies fougueuses (presque électroniques) échappées de la cinq cordes de Sam Shjipstone, font instantanément penser à du Blur sous amphète.
Mais c’est surtout ‘ Pour Another’, single étendard, qui mettra tout le monde d’accord. Avec son son classe-crasse, lacéré d’une basse massive, imposant une vraie densité live et inscrivant Yard Act dans la droite lignée des légendaires No Means No, dont ils se montrent de dignes héritiers de terrain.
Le reste du set, empreint du même souffre, fera mouche, emportant avec lui les liesses et nous laissant avec une bien belle révélation.
Enfin, révélation pour nous petits Français, car ce qui commence à se dessiner en ce milieu d’après-midi, où l’affluence semble à son comble (la date est complète) c’est la proportion incroyable de Britanniques dans l’audience, qu’on pourrait facilement chiffrer aux deux tiers, en écoutant les conversations sur les pelouses.
On se croirait dans un pub géant à ciel ouvert avec un public qui, de fait, connaît majoritairement les paroles sur le bout des lèvres et scande les refrains comme des hymnes de stade.
Il faut dire que cette première date fait la part belle aux artistes anglo-saxons qui occupent 80% de l’affiche et que les gros calibres restent encore à venir.
Juste le temps de se frayer difficilement un chemin dans la Manche, nous revoici côté grande scène pour assister au phénomène YungBlud.
Starisé nouvelle icône pop-punk, après 2 albums fous et des featurings avec Machine Gun Kelly et Bring Me The Horizon, celui qui se revendique autant de the Cure que de Lady Gaga a déjà une solide popularité auprès de la tranche la plus jeune des festivaliers.
Déboulant dans une tenue d’étudiant cabossé, short à bretelles, cravate noire, chaussettes roses, eye-liner forcé et pansement chatterton au genou, Domic Harrisson (de son vrai nom) n’a pas besoin d’un tour de chauffe pour faire bouillonner son auditoire. Les hurlements fusent déjà de toute part et la setlist est calibrée pour jeter de l’huile sur cette fosse embrasée.
Le fracassant ‘Strawberry Lipstick’ en guise d’introduction, l’entraînant single déglingué ‘Parents’, la torche punk ‘Superdeadfriends’ ou encore la bombe ska ‘I love you will you marry me’ galvanisent autant qu’ils fédèrent. La chemise tombe vite et sur ‘The funeral’ YungBlud a juste à tendre le micro, c’est la foule qui lui renvoie les lyrics en boomerang dans un rugissement massif.
Mais la fièvre est de son côté également; boosté comme une pile en surcharge, l’artiste ne tient pas en place, bondissant d’un bout à l’autre de la scène (quand il ne fait pas des sauts à la verticale) au milieu de lances- flammes qui manquent de le consumer à chaque élan, il va même au contact du public, descendant dans l’arène récupérer un drapeau tricolore pour crier son amour à cette marée humaine dévouée.
Moment idéal pour lancer ‘Fleabag’ sur lequel il est rejoint par notre Waxx national, guitariste session de talent autant que de renom, looké pour l’occasion en hard-rockeur old school.
Ce dernier ira jusqu’à taper le solo corps à corps avec le gratteux Adam Warrington, avant que tout deux n’aillent encadrer Yungblud prêt à les utiliser comme tir de mortier pour déchaîner la fosse : “Are you ready for screeeeam ?… “. Bang, bang, bang : touché-coulé !
Un peu moins convaincante, la fin de sa setlist révèle quelques nouveaux morceaux de son 3ème album à venir, résolument plus pop et beaucoup moins orientés rock, et souffrent également de l’absence des guests avec lesquels Yungblud partage habituellement le duo (MGK sur ‘I think I’m ok’ et Willow sur ‘Memories’).
Heureusement, l’efficace ‘Loner’ clôturera le show avec adrénaline et fracas.
Pas le temps de souffler qu’on doit traverser toute la surface du parc de Saint-Cloud pour tenter d’aller grignoter quelques moments du set d’Inhaler (à défaut de pouvoir vraiment prendre le temps de s’alimenter .
Et cela vaut le coup de museler sa faim, car cette formation dublinoise allait nous offrir elle-aussi un très beau moment de rock racé; s’imposant même comme un légataire inattendu du Radiohead des débuts.
Elijah Hewson, frontman au charisme crépusculaire, dans sa chemise sombre satinée ornée de pétales blancs, est certes connu pour être le fils de Bono de U2, mais ce qui frappe avant tout c’est sa ressemblance troublante avec le regretté Jeff Buckley.
Une affinité physique qui se prolonge sur le plan artistique, tant dans sa voix cristalline et puissante que dans sa posture scénique pour le moins fascinante. Le prestance du groupe n’est pas en reste et ces derniers ravivent des sons post-new wave du plus bel effet : ‘We have to move on’ ou encore ‘When it breaks’ canonnent comme des titres de Psychedelic Furs ou d’Echo and the Bunnymen dans leur pèriode phare.
Le jour commence doucement à tomber comme un voile sur le site, comme ce drapeau irlandais délicatement posé sur l’armature du synthétiseur et des éclairages feutrés rouge et bleu viennent enrober l’espace scénique; un halo conférent alors une atmosphère presque magique à tout le reste de la setlist.
Les sur-mélodiques ‘These are the days’ et ‘ Cheer me up’ s’envolent vers les bosquets qui entourent une fosse pleine à craquer.
Le groupe captive, envoûte et invite à la danse, ce dont ne se prive pas une bonne partie du public.
C’est sur le fougeux ‘My honest face’ que le concert se clos magnifiquement. Le applaudissements nourris et les acclamations se lèvent pour accompagner les Irlandais en coulisse qu’on entend déjà au loin Idles investir l’arène … L’une des grosses attentes de la soirée.
Se frayer un chemin à travers l’océan de gens qui remplit désormais toute la prairie devant la main stage, est devenu une épreuve physique.
D’autant qu’Idles a une fan-base très fidèle et nombreuse au sein du public anglais ; la mêlée de milieu de terrain à des allures de zone de guerre lorsqu’on se risque à progresser rang par rang.
Idles, on les a encore à l’esprit pour ce mémorable concert de 2018 au Bataclan (quelques mois d’ailleurs après leur 1er passage, déjà atomique, par Rock en Seine); un live qui avait fait l’objet d’une captation et d’un album éponyme. Une tuerie, car il n’y a pas d’autres mots !
Le sang neuf du rock made in UK, avec Fontaines D.C., qui leur chahute la première place du podium, c’est eux.
Bête de scène autant que de studio, ce groupe a pour lui la puissance, la gaieté et la folie et secoue vigoureusement à chacune de ses prestations les 3 ingrédients dans un shaker. Leur prestation à Rock en Seine 2022 ne fera pas exception ce soir là; le groupe est en pleine forme et entend bien le montrer.
C’est sur la rythmique couplée d’Adam Devonshire (basse) et Jon Beavis (batterie), la queue du serpent à sonnette, que je parviens encore à grappiller quelques mètres de terre vers l’estrade, mais je ne pourrai physiquement pas m’approcher plus encore du pit. Peut-être un mal pour un bien : les guitares python entrelacées de Mark Bowen et Lee Kiernan viennent rapidement cracher leur venin, contaminé par les hurlements graves de Joe Talbot.
Ce dernier a beau être en chemisette classieuse et pantalon de smoking, il a tout d’un diable fou comme le trahissent ses tatouages. Le bulldozer est lâché et ce break traître de milieu de morceau, on le sait, n’est là que pour mieux vous manger mon enfant.
Ça ne rate pas : on n’est que sur le premier titre et un magma humain bouillonnant de pogotteurs fous fait jaillir un nuage de poussière du centre de la fosse comme un geyser.
Dieu que je l’aime ce groupe, j’en ai des frissons qui me parcourent l’échine rien que d’y repenser en vous les décrivant. Et croyez moi, les groupes qui me procurent cette sensation se comptent sur les doigts de la main.
Voilà que ça défile, comme une volée de bois sous l’assaut d’une hache de viking écossais : le noisy ‘Car Crash’ , l’hystérique ‘Mr Motivator’, l’industriel ‘Grounds’. N’en jetez plus !
Ceux qui croyaient encore, contre tous les avertissements lancés par The Exploited à l’époque, que le punk ne pouvait pas mourir, sont bien obligés ce soir de se faire à l’idée. La mauvaise herbe repousse toujours, quitte à péter le bitume.
Arrive le vivifiant ‘Mother’ vrombissant sur la 4 cordes d’Adam; Bowen, affublé d’une robe victorienne empruntée à Laura Ingalls dévalant sa colline, se met à virevolter sur lui-même, pendant que Joe présente déjà des tiques de démence. Ça hurle à pleins poumons dans les 20 premiers rangs et la bières est plus dans l’air que dans les verres.
‘Divide and conquer’ enfonce le clou juste derrière. Je vois autour de moi de jeunes fans d’Arctic Monkeys, venus bien à l’avance se placer pour le soir, souffrir, terriblement.
Il faut dire qu’un show d’Idles en pleine fosse n’est pas loin de ressembler à un concert de métal où la survie se jouerait aux forceps.
Soulagement, mais de très courte durée, ‘Beachland Ballroom’ ralentit le tempo le temps d’un morceau. Derrière, c’est rebelote avec l’intense ‘ Never Fight a man with a perm’; Joe y secoue son poing façon pierre, feuille, ciseaux, avant de se foutre lui même des beignes, se marteler le torse, et d’étirer son micro comme un fil à retordre … Habité, on croirait voir une version 2.0 d’ Henry Rollins.
Autour de lui, le reste du groupe vrille dans la même spirale : Mark triture ses cordes de gratte avec des drumsticks, Lee se secoue à en perdre la tête et le titre finit son crash-test dans un mur du son à la Sonic Youth … Une dinguerie.
Le bout de la peine viendra un peu plus loin avec le sublime ‘A Hymn’, où le quintet de Bristol prouve qu’il maîtrise également les ambiances pondéreuses et atmosphériques.
A partir d’ici, excusez moide ne plus décrire très bien ce qui se passe sur scène, mais l’idée est surtout de tenir droit sans sombrer et de sortir la tête hors de l’eau pour choper de l’air dans une marée de poings levés et un cyclone de t-shirts imbibés de sueur. Je hurle : ‘ I’m a scuuuum !’ non pas tant parce que Joe nous tend le micro pour lui faire écho, que parce que ma condition physique s’en approche.
Idles est enragé, Idles est acéré, comme la morsure d’un rottweiler, morceau qui conclura un set sur les rotules. Rattrapé en épilogue, pour le fun, par une cover caustique du Christmas hymn de Mariah Carey. Merde … C’était vraiment Noël alors ! Merci.
On irait bien se reposer dans une des barques-transat de l’espace chilling du festival après ça, pour laisser tranquillement retomber la pression en en buvant une.
Seulement voilà. Fontaines D.C. est attendu à quelques encablures, et laisser passer ça, c’est juste inconcevable.
Déjà parce que Skinty Fia est juste l’un des albums majeurs de cette année 2022 et ensuite parce qu’A Heroe’s death était déjà, avant cela, le meilleur album de l’année 2020. Autant dire que les nouveaux princes du rock UK étaient attendus de pieds fermes.
Le magnifique fond de scène, parsemé de roses en branches écarlates suspendues, surplombées par le lettrage du groupe en néon, donne le ton : ce sera lumineux et épineux.
Le groupe débarque sans fioriture; Grian Chatten, en bas de jogging Adidas, marcel, ajuste son pied de micro avant de le frapper vigoureusement au sol pour s’assurer qu’il ne partira pas plus en vrille que lui. Puis il harangue la foule d’avant que ne retentisse les premiers accords de ‘A lucid dream’.
Musicalement, tout est parfaitement huilé, bien en place d’entrée de jeu : Tom Coll, dans son T-Shirt Metallica, martèle ses fûts avec une cadence implacable, Carlos et les deux Conor, assurent la stabilité de la chevauchée mélodique pour que la voix de Grian puisse tracer à la même vitesse frénétique que sur album.
La posture (bras dans le dos, ou suspendus au micro) et la nonchalance de Chatten rappelle à notre conscient collectif autant Liam Gallagher que Ian Curtis et, soyons honnêtes, il y a là une part de mimétisme. Mais jusque dans le redoublement de leurs petits défauts aussi : ce chant sur le fil du rasoir qui manque de flancher à chaque note, ces déplacements épileptiques.
Touchant par moments, cela devient quelques fois problématique surtout lorsqu’on surprend Chatten à tenter de se raccrocher aux wagons dans les passages lents.
‘I don’t Belong’, ‘Skinty Fia’ et surtout ‘I love you’ en feront les frais.
Heureusement, ces quelques fausses notes seront largement rattrapées par un ensemble beaucoup plus convainquant voire ensorcelant : le magnifique ‘A hero’s death’ plus poignant et tranché que sur album, ‘Too Real’ et ses dérapages contrôlés, laissant Grian évoluer sur scène comme un boxeur, ou encore ‘Televised Mind’ se déployant sur les territoires hypnotiques de la musique expérimentale sous un lightshow incroyable.
Le climax étant ‘Boys in a better land’, repris à l’unisson par une foule conquise, synthétisant avec brio la formule gagnante du groupe sur scène et transcendé dans son final par une battle entre les deux guitaristes et un Grian se martelant le torse avec un tambourin.
Peut-être pas au final aussi définitive qu’attendue cette prestation de Fontaines D.C. se hissera tout de même au rang des meilleures de la journée.
Mais la nuit est déjà là et me rappelle que je n’ai toujours pas mangé. Les dernières vagues de festivaliers se dirigent à la hâte vers la pelouse inondée de monde pour voir Arctic Monkeys, et là je me dis que c’est ma chance pour atteindre les stands de restauration en évitant la queue. Et bien non, Rock en Seine fait tellement le plein cette année que l’affluence est absolument partout.
Obligé de suivre la performance des maîtres de cérémonie de loin, sur les écrans … Mais est-ce vraiment un mal ?
Pour un voyage dans le temps (le groupe a déjà foulé le sol de Saint-Cloud en 2011 et 2014), se poser religieusement est peut-être la meilleure façon d’apprécier l’instant.
Après un lente introduction jazz, un cercle de lumière irradie la scène et ce sont les premier riffs de
‘Do I wanna know ‘ qui retentissent. Le titre a gardé toute sa fraîcheur, le groupe un peu moins.
Alex Turner a perdu un peu de sa superbe : est-ce la disparition de son cuir, de sa coupe gominée rockabilly, de son regard rebelle, de son magnétisme sauvage ou peut-être tout à la fois ?
Toujours est-il que la bouteille nous a renvoyé un frontman semble t-il plus posé et dandy; on croirait voir Bryan Ferry par instants (surtout lorsqu’il arborera plus tard dans le set ses lunettes feutrées).
Les autres membres en ont bien sûr toujours autant sous le pied, mais là encore, l’attitude est bien plus sage que par le passé.
On ne retirera rien par contre à la setlist qui a des allures de best-of. ‘Brianstorm’, ‘Teddy-picker’, ‘The view from the afternoon’ et ‘I bet you look good on the dancefloor’ ont toujours cette énergie folle en live et les vagues de mains accompagnant ces effusions scéniques sont là pour l’attester.
Des surprises aussi, comme cette magnifique version stonerisée d’ ‘Arabella’ intronisée par le riff du ‘War Pigs’ de Black Sabbath puis illuminée par les mille facettes d’une boule disco ; cette inattendue sortie de carton de ‘From the Ritz to the rubble’, un titre qui n’était plus joué depuis 2007 ou encore ‘Knee socks’ et sa superbe fin alternative.
Alors d’où vient ce sentiment pourtant persistant de frustration à mesure que le concert défile ?
Du fait que rien ne dépasse ? Qu’aucun dérapage rock ne vienne froisser la carrosserie d’une notoriété acquise ?
De ne plus tenir la comparaison avec de jeunes challengers encore indomptables ayant largement emporté l’adhésion dans la même journée ?
Non, pour être transparent, le vrai seul reproche que l’on puisse faire à ce concert, c’est de nous avoir trop rappelé notre passé et combien il sonnait diablement plus juste avec l’arrogance de la jeunesse. Un constat récemment fait lors des derniers concerts de Garbage et des Pixies, deux autres légendes qui se sont malheureusement heurtées au mur de la nostalgie comparative.
Mais cela ne vaut pas pour tout le monde, loin de là … Et l’impressionnant Nick Cave allait bientôt nous le prouver dès le lendemain.
Olivier Lescroel
Crédits photos : Olivier Hoffschir, Christophe Crénel (par la communication de Rock en Seine)