Formentera, le nouvel album de Metric, vient de sortir. C’est un excellent album qui trouve un équilibre parfait entre guitares rock et synthés dansants. Rencontre avec Emily Haines et Jimmy Shaw qui malgré leur statut de stars se révèlent de charmantes personnes.
« Comment avez-vous pensé l’album par rapport au précédent ?
– On a essayé de trouver un équilibre entre les synthés et les guitares. Pagans in Vegas était sans guitares, les gens se disaient mais où sont les guitares. Art of Doubt au contraire était agressif. Celui-ci est très équilibré entre les éléments organiques et non organiques.
– L’album arrive quatre ans après Art of Doubt. Le Covid a retardé les choses ?
– On a eu plus de temps que d’ordinaire pour faire le disque. L’épidémie est arrivée quelques mois après la fin de notre tournée ce qui fait que globalement nous avons été chanceux. Nous sommes allés à la campagne et avons commencé à travailler sur cet album.
– Est-ce pour cela que vous êtes aussi aventureux sur ce disque ?
– Du fait que nous avions du temps nous avons eu l’espace pour l’être. Nous pouvions essayer des choses, tenter. Le premier morceau, Doomscroller dure dix minutes car il délivre des émotions complexes. C’est ce que la musique doit donner.
– Ce titre a des moods différents à l’intérieur du morceau.
– C’est vrai. On a toujours pensé que le titre qui ouvre nos albums doit donner le mood de ceux-ci.
– Il y a d’autres morceaux assez longs dans le disque. Vous étiez dans ce trip de titres longs ?
– Sans doute mais ce n’était pas intentionnel. Nous avons réalisé que certains morceaux qui à la base duraient trois minutes ne développaient pas assez les émotions. Du coup, nous les avons fait durer.
– All comes crashing a été le premier single tiré de l’album. Pourquoi ce titre ?
– Le single est important dans le business de la musique. Notre label trouvait que c’était ce titre qui s’imposait alors nous l’avons sorti en premier. Le morceau a été numéro un au Canada.
– Durant votre carrière vous avez travaillé avec des producteurs rock et des producteurs dance.
– Oui nous aimons travailler avec des gens venant de milieux musicaux différents. On change à chaque fois car nous ne voulons pas nous répéter.
– Quand on a comme vous plus de vingt ans de carrière comment fait-on pour ne pas se répéter ?
– C’est une bonne question et nous en parlons sans cesse entre nous. Nous savons que nous sommes au milieu de notre carrière. Nous produisons de la musique qui trouve sens pour nous. C’est peut-être cela le secret.
– Quand tu as un titre, comme cela a été le cas pour vous, qui se retrouve dans la Bo de Twilight ou dans un jeu vidéo tu pourrais te reposer sur tes lauriers.
– Quand notre manager nous a demandé à nos débuts quel est votre plan de carrière sur cinq ans nous avons été interloqués car nous n’y avons jamais pensé. Nous n’avons jamais eu cela en tête. Par exemple sur le nouvel album on a ce morceau Formentera qui a un côté disco mais nous n’avions pas pensé à la base à ce beat disco. On ne réfléchit donc pas en terme de ce qui pourrait se passer.
– Formentera le titre de l’album n’évoque pas l’île de Formentera mais une sorte d’espace mental.
– Oui c’est une référence au Brazil de Terry Gillian. Dans le film, Brazil n’est pas le brésil. C’est un brésil imaginaire. Là c’est pareil. Il y a un côté très mental dans ce disque car le confinement au Canada a été très dur. Et en plus il y a la neige qui te bloque. Cela amène à quelque chose d’assez claustrophobique.
– Malgré cela l’album est positif et dansant.
– On a fait ce disque dans un sentiment de stress certain. Cela s’entend sur les premiers titres de l’album puis à partir de Formentera il y a un certain sentiment de liberté et l’album devient comme une party.
– Les films ont toujours semblé importants pour vous. Il y a un côté cinématographique dans vos disques.
– C’est la narration qui est importante. On pense les morceaux en terme de scène comme le ferait un réalisateur au cinéma. On écrit parfois comme des story-tellers.
– Vous vous souvenez quand vous avez tourné dans Clean de Olivier Assayas ?
– Oui bien sûr. On nous voyait en tant que groupe dans le film et nous avions même du texte.
– Vous jouerez bientôt aux États-Unis et au Canada.
– Oui puis en Europe en février 2023. Nous jouerons chez vous, au Trianon à Paris. On a de nombreuses dates aux États-Unis.
– Cela a été difficile pour vous de ne pouvoir tourner ?
– Un peu. C’était étrange. Nous n’avons pas vu deux membres du groupe pendant un an. C’était difficile.
– Vous imaginiez à vos débuts être là encore aujourd’hui.
– Nous n’avions pas de plan mais l’envie de durer était là. »
Interview réalisée par Pierre-Arnaud JONARD.