Que retenir du covid ? Que ceux qui ont la fibre artistique ont tenu le cap et ont tenté de réinvestir cette période inédite frappée de confinements. The higher you climb le EP classieux de Yurodivy pensé avec des potes d’autres horizons en est l’exemple patent. Si la sortie dudit EP n’est plus qu’une question de jour (le mardi 19 octobre 2021), la formation hardcore alsacienne au line-up mouvant a su balancer son pavé dans la mare.
Une question de line-up!
Si la formation originelle comptant Jérémy (chant et guitare) et Julien à la basse a cherché longtemps un batteur pérenne – aujourd’hui incarné par David Hagenmuller, également frappeur chez Van Hammer Stone) – afin d’évoluer en trio hardcore, elle s’est aussi adjointe les services de Geof, guitariste de Peace Me Off, ces derniers mois afin de créer de nouvelles compositions se démarquant franchement de Tell me when the party’s over, dernier album en date (2020, Itawak Records).
(Yurodivy, Parasite)
A l’origine de cette nouvelle parution, le groupe avait invité Cheap House, voisins de palier aux Kawati Studios (formation electro aujourd’hui prise sous l’aile d’un certain Arnaud Rebotini pour une réinterprétation du Festival Génériq 2021) afin de confronter deux univers sonores bien distincts. Rapidement des choses ont émergé et l’idée d’un monstrueux crossover musical à l’instar de la créature du bon Dr Frankenstein s’est dessinée. Ce sera The higher you climb !
Dès la première écoute, on tend à croire qu’il s’agit d’une bande originale de film. Une idée que l’on prolongerait facilement en pointant du doigt l’artwork mis en avant. En effet le visuel à la fois léché et intrigant de cette parution est signé Philipp Igumnov, artiste déjà sollicité pour la pochette du précédent LP, véritable maître dans le photomontage. Ici c’est un univers retrofuturiste dans la veine d’un Fritz Lang qui se dessine, avec un athlète franchissant la ligne d’arrivée. Ligne qui s’avère être l’extrémité sommitale d’un gratte-ciel aux contours art déco… en bas l’immense métropole à perte de vue se fond progressivement avec une forêt de nuages. La gloire, la mort ? Le suicide, la victoire ? Etre sur le toit du monde, … plus dure sera la chute ? Chacun y trouvera sa réponse.
Atom heart mother x hardcore
Ce mini-album s’ouvre avec Years of the light, un morceau d’envergure. Envergure car dépassant les 8 minutes, largement gagnées par les plages instrumentales (la voix éructée déboule à 3 minutes 30) et durant lequelles les cuivres de Cheap House tiennent la dragée haute malgré l’épreuve du feu qu’est le hardcore de Yuro. A la seconde écoute, le thème introductif sonne comme quelque chose de très familier, quasiment un thème classique tiré d’un film d’anticipation avec une certaine langueur contenue dans ce riff égrainé sur 4 notes résonantes ouvrant sur un panorama gagné par la désolation et finalement ponctué par un déluge sonore.
Si le second titre, Dead end s’enchaîne aisément avec son prédécesseur, il s’en détache tout aussi rapidement : moins progressif dans sa structure, c’est désormais un motif de basse et de clavier qui attire d’emblée l’oreille. Un nouveau décor se dresse alors dans lequel le groove des membres du collectif Omezis flirte dangereusement avec une musique bien plus extrême. Un thème qui rappelle Archive avec ces murs de sons saturés, comme à la grande époque de You all look the same to me (2002). En somme, grandioses pour un titre au format passe-partout cette fois-ci et qui avait été mis en avant à travers un clip dès 21 septembre (vidéo dans laquelle on retrouvait toute cette « joyeuse » smala au travail dans son QG strasbourgeois).
(Yurodivy, Dead end)
Cet effort se conclut avec la bouillonnante Scarecrows, un titre tout en levée avec son mille-feuille de plages sonores. De reptilienne, elle mue l’instant suivant en brulot massif, tant la lourde frappe ne semble rien épargner, avant d’effectuer une énième transformation afin de développer finalement un grand motif comme tout droit sorti de Atom heart mother (si si!) conjugué à un saxo plaintif comme aimait à les parsemer partout un certain David Jones sur les galettes de sa facture. Dans ce final brutal et cacophonique, à aucun moment il n’y a de place pour le vide; c’est grandiloquence, pointu pour ne pas dire orchestral.
En seulement 3 titres, la symbiose Yurodivy et Cheap House s’est faite somptueusement, comme une évidence malgré le canyon musical qui les sépare. Jusqu’où ne monteront-ils pas ? L’idée d’un diptyque ne serait pas pour déplaire tant cette collaboration fait mouche ! Attendons…
-Benoît GILBERT