Mine de rien, Billy F Gibbons réussit en solo son petit bonhomme de chemin. L’ancien leader de ZZ Top en est déjà à son troisième album, lequel a pour titre Hardware.
Pour la réalisation de cet opus, Billy n’a pas été complètement seul puisqu’il a pu compter sur le batteur Matt Sorum ainsi qu’Austin Hanks. C’est également Matt Sorum qui s’est chargé de la production de Hardware alors que Larkin Poe a été invité sur le morceau Stackin’ Bone, d’où la présence de choeurs féminins.
Hardware, ce sont en tout 12 morceaux parfumés d’Amérique profonde, de blues et de rock, des compos finalement guère éloignées de celles de ZZ Top (Eliminator notamment).
On reconnaît bien là la voix rocailleuse et caverneuse du vieux lion Billy qui, pour notre plus grand plaisir, ne peut et ne veut s’abstenir de rugir.
Une voix d’outre-tombe que l’on retrouve par exemple sur le somptueux Desert High où, accompagné de sublimes guitares aériennes, Billy Gibbons nous gratifie d’un long monologue parlé, la guitare faisant le reste. Desert High, par ses 3 minutes 27, marque la fin de cet album et autant le dire tout de go une conclusion majestueuse. Magnifique ballade avec laquelle on aurait envie de faire des kilomètres sur les grands espaces américains, du Texas à la Californie.
LLe style ZZ Top, omniprésent par exemple dans My Lucky Card, She’s On Fire ou encore sur le très bluesy More-More-More. Comme dans les plus belles années des ZZ, Billy Gibbons fait étalage de toute la verve vocale dont il est capable et dont, osons le dire, lui seul a le secret. L’ombre d’Eliminator plane sur Hardware.
Au rayon superbes ballades, on remarque aussi Vagabond Man qui relate l’histoire mouvementée d’un musicien en tournée, c’est même une véritable complainte. Vagabond Man possède quelques influences Springsteen, voire Neil Young. Cette compo de quasiment 4 minutes se révèle émouvante, accrocheuse et éclatante de sensibilité, à l’instar de Spanish Fly qui est une autre somptueuse ballade truffée de blues.
Les guitares claironent et résonnent de plus belle avec West Coast Junkie qui, aux antipodes de Spanish Fly et Vagabond Man, s’avère trépidant. On a quelques difficultés, lorsque le morceau démarre, à reconnaître la célèbre voix de ZZ Top tant elle se complaît à demeurer dans les graves. West Coast Junkie est le premier single dévoilé par Billy Gibbons en attendant la sortie de l’album, suivi par le génial Desert High ainsi que le ZZ Topien My Lucky Card.
À l’écoute de ce Hardware, on ne pense qu’à voyager à travers les immenses étendues désertiques de l’Amérique profonde: un road trip qui débute avec My Lucky Card et s’achève donc sur Desert High avec, tout au long de l’itinéraire, les magistrales compos que sont Vagabond Man, Spanish Fly et même, dans un registre plus dynamique, Stackin’ Bone avec Larkin Poe, I Was Highway ou plus encore More-More-More.
Si certains chanteurs sont au crépuscule de leur carrière pour ne plus rien avoir à prouver, ce n’est manifestement pas le cas de Billy F Gibbons qui semble, d’après ce que l’on ressent à l’écoute de cet album, en avoir encore sous la pédale. Tel un bon vin, ce sacré Billy se bonifie de plus en plus au fil des années, l’ancien taulier de ZZ Top ayant visiblement pris son rythme de croisière d’albums solo réguliers, un métronome ne pourrait faire preuve de plus de régularité.
Les médisants reprocheront toujours à Gibbons de ne pas faire dans l’original, de ressortir du ZZ Top solitaire ce n’est pas tout à fait faux, on leur accorde volontiers, mais qu’importe cela comble de bonheur les fans de blues que nous sommes et pourquoi changer de cap quand un style plaît à la majorité!
Hardware est, avec Delta Kream de The Black Keys, l’album blues/Amérique profonde par excellence avec lequel il faudra faire un bon bout de chemin.
Vous prévoyez un road trip sans bouger de chez vous, mettez Hardware de Billy F Gibbons et vous embarquerez dans un van imaginaire sans même vous en apercevoir. Avec Mister Gibbons, long is the road!
Jean-Christophe Tannieres
