A l’instar de ce point d’exclamation en lieu et place du I, W!ZARD, formation bordelaise née il y a presque 6 ans et jusqu’alors forte d’un LP autoproduit (2015), fait brutalement son irruption dans le paysage sonore français avec son détonant mélange de post punk, post hardcore et de noise la plus âpre. Juin 2021, c’est enfin l’heure de tout déballer au sujet de ce 5-titres à l’intitulé contrarié, Definitely unfinished.
D’abord pensé pour début mars de cette année, l’EP élaboré du côté de Laval à l’Apiary Studio par Amaury Sauvé (déjà remarqué pour ses travaux avec les nerveux de Birds in Row ou encore Bison Bisou) puis masterisé à Deviant Lab par Thibault Chaumont est définitivement repoussé au 04 juin. Patience est mère de toutes les vertus… S’il y a tout de même un arrière-goût d’inachevé du côté du trio désormais porté par le label Cold Fame, il réside depuis de trop longs mois dans l’impossibilité de jouer sur scène. Aguerris après maintes premières parties et des tournées en Allemagne, en Espagne ou encore portugaise, les Girondins s’apprêtaient à relancer la machine à l’automne dernier avec un passage entre autres aux Transmusicales de Rennes. Pandémie oblige, il en fut autrement…
Contre mauvaise fortune le groupe s’est résigné à reporter la parution dudit mini-album, tout en maintenant la mise en avant de deux extraits, tout d’abord Quick violence fin 2020, titre que nous vous avions proposé alors, puis d’un second, Bones le 07 avril, histoire de faire patienter les suiveurs de la première heure. Mais aussi afin de semer les premiers cailloux. Pardon de jeter les premiers pavés à l’oreille d’un auditoire en plein sevrage de musique live ! Effectivement, Definitely unfinished a tout du produit de substitution avec son caractère sauvage, sans concession et furieusement proche du live à travers ses 5 pistes et particulièrement sur le final Fears avec ses 9 minutes et 20 secondes de triturations sonores !
(W!ZARD, Quick violence).
A l’issue de la première écoute de Definitely unfinished, on ressort on-ne-peut-plus éprouvé. C’est un assaut sonore renvoyant d’emblée à la fureur déployée scéniquement parlant par IDLES, METZ ou The Psychotic Monks – groupe pour lequel le trio post hardcore a ouvert par le passé – qui est reçu de plein-fouet !
Des notes jouées en boucles au bord de la névrose, une voix tout aussi rongée par la neurasthénie, une humeur sombre poussant la raison dans ses derniers retranchements alors que les secondes défilent et que la voix s’emporte et devient de plus en plus éructée comme celle de Joe Strummer (si si ! Idem sur Dead space),… à l’écoute de The one I blame on pense d’emblée aux réalisations troublantes de Daughters, réalisations proposant une mer d’huile avant la déferlante inexorable (idem sur Quick violence). Tout le caractère tempétueux de W!ZARD pourrait résider dans cette seule première piste. Toutefois le trio ne s’arrête pas en si bon chemin… Avec sa basse baveuse mariée à une batterie aux sonorités sèches et dominée par une caisse claire ultra-sollicitée, l’univers post hardcore reprend de plus belle sur Bones. Déchaînée, fiévreuse même comme dans un titre de Cloud Nothing – sonorité que l’on retrouve sur le morceau suivant Dead space – les Bordelais ponctuent ce second manifeste gratifié d’un clip distillant moultes influences ici et là (Triggerfinger, IDLES bien sûr, Carpenter Brut, Microfilm, Rendez-Vous, etc. à vous de scruter l’image!) avec 30 dernières secondes à la silhouette cristalline. Ami des chansons au schéma stéréotypé (couplet-refrain-couplet-refrain-solo/pont, etc.), passez votre chemin ! W!ZARD, ça risque d’être dur à encaisser…
Et puis c’est viscéral ! Si la guitare et la basse apparaissent comme globalement contenues sur Dead space, on comprend vite qu’à chaque instant elles sont promptes à renverser la table comme lors d’une prestation de Lysistrata. Entre larsens inspirés, gonflés de fuzz (que l’on retrouve aussi sur Fears) et ruptures bigarrées tout en dissonance, ce titre noisy semble coller merveilleusement à l’esthétique du feu et autodestructeur grunge US. Ce n’est pas la voix éructée avec dégoût ni la photo de Nirvana placardée dans le clip de Bones qui viendront contredire ce parallèle évident.
Puis arrive enfin Quick violence, ce premier titre dévoilé bien en amont de la sortie et déjà évoqué plus haut. Ici tout tient de l’acharnement sonore : basse obstinée, guitare sous effets, cris erratiques… L’ensemble joue la carte de l’instabilité, enchaînant les motifs bigarrés avec panache. Un titre somme toute kubrickien tant ses breaks percutants siéraient à merveille à Shining avec sa rage folle, ses hurlements à la bave aux lèvres comme lorsque Nicholson – aka Jack Torrance – d’abord apathique, rongé par les atermoiements et l’introspection, puis devenu totalement possédé, mais aussi alcoolisé (!), multiplie les coups de hache dans une porte afin d’en finir avoir sa femme et son fils. (…) Un titre qui renvoie également l’auditoire dans la tanière enragée des At The Drive-in. Par-delà les jeux de crescendo et l’esthétique de la formation menée par Cedric Bixler-Zavala, il y a aussi un rapprochement dans la thématique de la violence conjugale décrite dans plusieurs lyrics du gang d’El Paso.
Fears conclut ce EP foudroyant avec une déambulation sonore bourdonnante, grinçante et anxiogène. Le chant se meut en complainte désespérée, en petite voix du fors intérieur submergée par une démence tapant incessamment à la porte depuis plus d’un quart d’heure. De leur côté, les guitares semblent vriller comme embarquées dans un élan noisy des vétérans Sonic Youth au cours d’un intense exutoire final dépassant les 3 minutes. Ainsi se referme cette nouvelle production de W!ZARD, tel un concert farouchement mené.
Véritable boule de nerf arrivée à son point de rupture, le brutal Definitely unfinished tombe à point nommé. Certes il aurait dû être apprécié plus tôt dans la saison, mais c’est ainsi… il n’en demeure pas moins puissant et place de prime abord W!ZARD au rang de formation à voir au plus vite sur scène, histoire de vivre pleinement ce choc musical cathartique au sein de clubs hexagonaux, désormais prompts à recevoir cette précieuse et magique décharge électrique comme un graal.
(W!ZARD, Bones)
-Emilie BABE