Près de trente ans que le groupe culte de LA X n’avait plus sorti d’album. Une éternité. Ce genre de retour s’avère en général une catastrophe. C’est tout le contraire avec les Californiens qui nous gratifient avec ce Alphabetland d’un retour fracassant. Et dans le line-up original qui plus est. Entretien avec le passionné et passionnant John Doe.
J’imagine que d’être de retour dans le line-up original d’il y a trente cinq ans doit être quelque chose de spécial pour vous ?
C’est génial. Billy Zoom nous avait retrouvé dès 1997 et nous avons joué live constamment depuis avec lui. Mais faire un nouvel album studio est quelque chose de nouveau.
Quand Billy Zoom avait quitté le groupe en 85, étais-tu resté en contact avec lui ?
Durant un certain temps, oui. Après qu’il ait quitté X, j’ai joué de la batterie dans son groupe (the Billy Zoom Band) mais après qu’il ait arrêté de tourner, j’avais perdu tout contact.
C’est votre premier album studio en vingt sept ans. Pourtant vous avez beaucoup tourné ces dix dernières années. Vous n’aviez pas envie de le faire plus tôt ?
Ce n’était pas encore le bon moment. Nous étions très heureux de ne faire que des live. Enregistrer un album prend du temps, te pompe beaucoup d’énergie et coûte de l’argent. C’est arrivé maintenant parce que Fat Possum Records a ressorti nos quatre premiers albums et nous a invité à enregistrer un disque avec de nouveaux morceaux.
J’imagine que ce doit être bizarre de revenir maintenant, au moment de cette terrible épidémie.
Ça l’est effectivement. J’aimerais que l’on puisse tourner pour la promo du disque mais au moins l’album est sorti. C’est déjà ça. On a hésité à décaler la sortie du disque d’un an puis nous nous sommes dit qu’il était mieux pour nos fans qu’ils l’aient dès maintenant.
Pourquoi avoir choisi Rob Schnapf comme producteur du disque ? Pour son travail avec Elliott Smith ?
Billy Zoom l’a rencontré, me l’ a présenté et je l’ai beaucoup apprécié. Rob, qui est lui même guitariste, comprend parfaitement comment avoir un bon son de guitare en studio, un élément fondamental pour X. Il avait mixé notre album live en Amérique du Sud (tournée durant laquelle nous ouvrions pour Pearl Jam). Il avait fait tellement bien sonner ce live que lorsqu’il a fallu choisir un producteur pour ce nouvel album studio il était celui que nous voulions. Lui et aucun autre.
Les sessions de l’album ont eu lieues en 2018 et au début de cette année. C’est cela ?
En Janvier 2019 plus précisément et au début de cette année. La première session a été un test pour voir où tout cela nous mènerait. On a enregistré à cette occasion quatre vieux morceaux et un nouveau. Vu que la session avait été excellente, nous avons décidé d’enregistrer tout un album. Cela a pris un an avant de retourner au studio car nous étions en tournée. On devait aussi répéter et trouver de nouveaux titres.
Vous avez réenregistré Delta 88 Nightmare. Pour quelles raisons ?
C’était l’un des quatre morceaux que l’on a enregistré en 2019, afin de voir si l’on pouvait de nouveau faire quelque chose ensemble.
La démo de ce morceau date des sessions de Los Angeles, votre premier album studio de 1980, c’est cela ?
En fait le morceau a été enregistré trois ans avant Los Angeles. Ce titre a été enregistré avant que même que je ne sois dans le groupe. Je crois que c’est le premier enregistrement de Dangerhouse Records, label qui a sorti notre premier single (Adult Books, We’re Desperate en 78) et une première version du morceau Los Angeles que l’on pouvait trouver sur la compilation Yes, LA. J’étais sur ces trois enregistrements mais pas sur Delta 88 Nightmare.
Le morceau est tiré d’une nouvelle de Steinbeck.
Oui, Cannery Row. Avec Exene, nous avons roulé de Los Angeles à Monterey pour visiter ce Cannery Row dont parle Steinbeck. Quand nous sommes arrivés, nous avons été très déçus. C’est une attraction touristique. Les conserveries d’origine n’existent plus.
Vous avez également réenregistré pour l’album Cyrano de Berger’s Back qui date des sessions de “Los Angeles” et que l’on trouve déjà sur votre album de 87 See How We are. C’est un titre qui vous tient particulièrement à cœur ?
C’est un vieux morceau qui date de 77 ou 78 et que nous n’avions jamais enregistré avec Billy. La version de 1987 était à l’époque où Tony Gilkyson était guitariste du groupe. The Flesh Eaters ont également fait une version de ce morceau en 81 sur leur album A Minute to Pray, a Second to Die. On a pris des morceaux de la première session de Alphabetland qui n’avaient jamais été enregistrés auparavant avec les membres originaux du groupe. C’était comme un test. Les sessions de cette année ont accouché uniquement de nouveaux morceaux, sept au total.
Les concerts pour le quarantième anniversaire de l’album Los Angeles ont été annulés à cause du Covid-19. Seront-ils reprogrammés ?
Tous les concerts ont été annulés. On devait célébrer le quarantième anniversaire de Los Angeles en jouant au Wiltern Theatre. Cela a été annulé . A la place nous avons sorti l’album.
Que représente ce nouvel album pour vous ?
Il prouve que nous sommes encore capables d’enregistrer de la bonne musique. Je suis fier et excité d’avoir fait ce disque.
Est-ce que tu te considères encore aujourd’hui comme un punk et que représente le punk pour toi ?
Je ne me suis jamais considéré comme un punk. Je trouvais le terme péjoratif. Je l’ai toujours trouvé trop limité. Même si la musique que l’on jouait était punk la plupart du temps. Ce que j’ai toujours apprécié avec X c’est que l’on a toujours fait la musique que nous avions envie de faire. Nous ne nous sommes pas limités à ce que les gens pouvaient attendre de nous. Et c’est encore la même chose aujourd’hui.
Quels groupes américains considères-tu comme vos plus dignes héritiers ?
“ Je ne sais pas. Il y a plein de bons groupes. S’ils sont talentueux, ils n’auront pas besoin d’être mes héritiers !
Maintenant que vous êtes revenus avec cet album, il y en aura d’autres dans le futur ?
C’est encore trop tôt pour le dire mais c’est possible. Comme le dit souvent quelqu’un de ma famille: Si Dieu nous laisse vivre encore un peu.
Propos recueillis par Pierre-Arnaud Jonard