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INTERVIEW : HERMETIC DELIGHT

Les Strasbourgeois de Hermetic Delight sortent aujourd’hui leur premier album, « F.A. Cult ». Un disque dans lequel se mêle shoegaze et pop aérienne pour un résultat majestueux. Un premier essai qui est un coup de maître. Rencontre avec ce groupe qui concrétise avec cet album tous les espoirs placés en lui.

 

  • « L’album vient tout juste de sortir. Le groupe existe depuis dix ans. Vous avez mis le temps avant de sortir ce premier disque même s’il y a eu plusieurs EP auparavant. »

« C’est vrai que ce n’est pas forcément commun. C’est notre premier long format mais nous avons sorti plusieurs Ep dont certains ont quasiment l’esprit d’un album. Nous nous étions séparés d’un de nos membres après le dernier EP. Il a fallu se retrouver. Nous sommes allés à notre rythme. Il y a beaucoup de facteurs qui ont joué. »

 

  • « L’album est un mélange de plein de choses mais il y a toujours ces éléments shoegaze et pop éthéré à la Cocteau Twins. »

« Cela fait partie de notre ADN. On se retrouve tous dans le groupe dans ces styles. On pèse, comme les Cocteau Twins, les choses. Nous ne sommes pas dans un rapport à l’immédiateté. Nous sommes exigeants. Nos conditions de travail donnent quelque chose d’éthéré, de raffiné. Nos morceaux ne sont pas le résultat d’improvisation. Ils sont structurés dès le début. On avait envie à nos débuts de faire des trucs shoegaze ce qui est moins le cas pour cet album même si on entend encore cette influence. »

 

  • « Il y a ces éléments musicaux dans le disque mais il y en a également plein d’autres. »

« Tout à fait. Il y a une grande palette de couleurs dans cet album. Le canevas de la pop nous a paru judicieux pour ce disque. Le shoegaze ne nous aurait pas permis d’avoir toute cette palette. La pop a été la solution et une heureuse solution. Pour nous, c’est formidable de pouvoir faire un truc radical avec de la pop. Nous sommes allés au bout de nos idées. »

 

  • « Votre disque joue beaucoup sur les atmosphères. »

« Il y a quelque chose de cinématographique car nous ne nous inspirons pas que de musiques mais également de cinéma, d’émotions, d’ambiances. La bonne musique de film est de la bonne musique tout court. Quand on faisait les vocaux, Charles, le producteur, me demandait de m’imaginer dans l’ambiance d’un western ou d’un film de Lynch. On a utilisé cette méthode et elle amène peut-être à ce côté atmosphérique. »

 

  • « La voix de Zeynep fait parfois penser à celle de Liz Fraser. »

« Merci. Le dernier morceau de l’album a quelque chose entre Liz Fraser et Laurie Anderson. Je viens du chant lyrique. J’ai fait quinze ans d’étude dans ce domaine. J’aime les voix aigues, de tête mais j’aime aussi les voix graves à la Patti Smith ou Laurie Anderson. »

 

  • « Vous chantez en trois langues dans l’album. Pour quelles raisons ? »

« Jusqu’à cet album j’écrivais tout en anglais. Je trouvais que cela sonnait bien avec notre musique. Cela fait dix ans que j’habite en France et du coup j’ai eu envie de chanter en français. Le turc allait avec la sonorité de « Rockstarlari. » On va probablement poursuivre dans cette direction de chanter dans plusieurs langues. Cet album raconte des histoires donc la langue est essentielle. Il y a aussi un morceau sans paroles et cela fonctionne qu’il n’y en ait pas dans celui-là. L’émotion peut être dans n’importe quelle langue. »

 

  • « Le titre « Rockstarlari » a une connotation politique, non ? »

« C’est un morceau politique d’une certaine façon mais écrire des titres politique est quelque chose de très difficile. C’est politique parce que j’y parle de tout ce qui me gêne. Cela parle de la vie d’un artiste qui évolue dans un monde de censure. »

 

  • « Une partie du clip a été réalisée à Téhéran. »

« La vidéo a été faite à Strasbourg. La partie animation à Téhéran par Mehdi Shiri. Cela a été compliqué parce qu’il y avait une crise à ce moment-là en Iran. Ils avaient coupé Internet. Quelqu’un a remis les disques durs à Mehdi et cela a été fait sans Internet. Il l’a sorti comme une sorte d’exutoire dans un contexte où l’expression était très limitée. »

 

  • « L’album a été produit par Charles Rowell de Crocodiles. Parce que vous êtes fans de ce groupe ? »

« C’est un peu ça mais pas seulement. On les a croisés sur la route plusieurs fois et nous nous sommes liés d’amitié. Marc Gardener de Ride était dans nos petits papiers pour l’enregistrement mais il y avait un problème de temporalité. Et puis on a croisé Charles par hasard dans un bar à Strasbourg et il a eu envie de faire le disque. Il a passé trois semaines avec nous à Strasbourg. Il a cerné exactement ce que nous voulions et il savait comment le faire. »

 

  • « Anna Calvi vous a aidé pour le disque. »

« C’est une amie depuis quatre, cinq ans maintenant. Elle est venue au studio à Strasbourg donner son avis sur certains morceaux. Quand on a fini l’album, nous sommes allés à Londres pour le mix. Elle nous a accueilli chez elle. Pendant le temps du mix, elle nous a donné des conseils sur le placement vocal ou celui des instruments. C’était cool de l’avoir à nos côtés durant cette période-là. C’était bien d’avoir quelqu’un d’extérieur qui va avoir une autre oreille que la tienne. C’est quelque chose de précieux que d’avoir une personne qui va pouvoir te faire des retours. On passait de longues journées au studio puis on rentrait en bus à la maison, de longs voyages en écoutant le mix. C’était une expérience inoubliable. »

 

  • « Vous êtes connus pour vos performances scéniques. Cela a dû être frustrant de ne pouvoir tourner à cause de la crise du Covid-19. »

« On a deux tournées qui risquent de sauter, une française et une européenne. Nous allons faire un clip qui sortira à l’automne. L’actu ne s’arrête donc pas. Ce n’est pas le moment idéal pour sortir un disque mais ce n’est plus le moment idéal pour un bon bout de temps, de toute façon. Mais on ose croire que lorsqu’il sera possible de rejouer, nous serons toujours dans l’actualité. Ce disque est notre lien avec notre public. Il appartient à tout le monde désormais. »

 

 

  • « Vous pensez pouvoir toucher un nouveau public avec ce disque ? »

« C’est difficile à savoir. Parfois le public peut être conditionné. Des gens du milieu rock n’écoutent pas de rap et vice-versa. Notre musique casse les frontières et il y aura sans doute des gens qui nous écouteront alors qu’ils n’auraient peut-être pensé à la base que notre musique était faite pour eux. »

 

PIERRE-ARNAUD JONARD

 

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