Soirée élégante, magique et voluptueuse à la Rodia de Besançon où la grande salle accueille dans une configuration uniquement assise les Tindersticks et leur musique délicate et orchestrale.
Le coronavirus fait bien entendu parler de lui, et la confirmation en milieu d’après-midi de la tenue du concert est d’abord un soulagement pour les fans. Avant d’attendre le groupe culte de Nottingham, la première partie est assurée par Thomas Belhom, batteur exceptionnel ayant accompagné Calexico ou Lambchop. La configuration du lieu, transformé pour l’occasion en théâtre musical, permet de le redécouvrir et de profiter de cette douce musique, mêlant des influences jazz à la chanson traditionnelle en passant par des accents world. La présence d’un violoniste jouant occasionnellement de la scie, pendant que Thomas se sample à la guitare tout en jouant de la batterie, donne une puissance à cette musique instrumentale, artisanale et envoutante, entre Syd Matters et Tinariwen. Une jolie découverte.
Il est pratiquement 21h00 lorsque la bande de Stuart Staples prend possession de la grande scène de la Rodia. Souriants et élégants, ils délivrent un set particulièrement maitrisé, multipliant les instruments mêlant un sablier géant ou un triangle tenu par le batteur. Certains des titres sont d’une beauté incroyable : comment de ne pas être ému à l’écoute de The Amputees ou de Pinky in the Daylight, transformant la scène en cabaret romantique et touchant au plus profond chaque spectateur.
Au milieu de la scène, Stuart Staples avec sa voix magnifique – non sans évoquer celle de Tom Smith – est le véritable frontman du groupe, donnant le ton, les inspirations, tout en esquissant par moment quelques pas de danse et accusant de larges sourires. Her, un de leur premier single, marque une rupture dans le set par son côté très rythmé et une ligne de basse très ferme, un peu sur un mode western avec des maracas, avant de découvrir d’autres compositions de leur dernier album. Tough Love ou le bien nommé For The Beauty, annoncé comme le dernier titre de la soirée, soulèvent une grande clameur des spectateurs qui se lèvent tous pour applaudir longuement les musiciens. Ces derniers ne tardent pas à revenir pour un rappel de deux morceaux, achevé dans la douceur avec Take care in your dreams, titre tout en délicatesse et en raffinement.
Nous ne pouvons que savourer notre privilège d’avoir pu apprécier ce groupe désormais historique du rock indie britannique, à l’heure où tant de concerts et de spectacles sont repoussés ou annulés. Dans ce contexte incertain et anxiogène, la belle musique exigeante comme celle de ce soir demeure est une des rares pandémies que l’on est en droit de réclamer.
- Julien Lagalice
- Crédits photo : Julien Lagalice et Camille Vernier