Juste avant leur concert au coeur des Vosges, Les Feu! Chatterton nous accordent une entrevue champêtre en ce premier jour du Festival Décibulles version 2019. Arthur, Clément et Antoine reviennent entre autres sur leur album dernier L’Oiseleur et la tournée en cours. Ivresse, festival(s), mythologie, enregistrement et… Chaton. Tout un programme !
ITW – Si vous pouviez créer votre propre festival, comment et où l’organiseriez-vous ? Quels seraient les invités ? À quoi cela pourrait-il ressembler ?
Clément DOUMIC – C’est marrant parce que l’on y avait pensé à un moment et on s’était dit qu’on avait envie d’organiser un événement, pas forcément un festival, qui permettrait de regrouper des artistes qui partagent le même style de musique que nous. Parce qu’en France actuellement il y a quand même beaucoup d’artistes qui font du rock et qui continuent à jouer en groupe, mais qui ne rencontrent pas le même succès qu’il y a quelques années. Et on s’était dit qu’on avait envie d’organiser comme ça un festival avec du rap, qu’on écoute aussi beaucoup. C’était un truc qui nous traversé l’esprit oui…
Antoine WILSON – Mais à Paris du coup.
Arthur TEBOUL – Moi je le ferais bien au bord de la mer, un petit festival avec 2 000, voire 3 000 personnes maxi, c’est beaucoup déjà…
Clément DOUMIC – Tu vois les gars de La Femme ils organisent un festival à Biarritz (avec ALC et la Rat’s Cup, NDLR) ça a l’air super cool. Ils réalisent tout, ils font leur programmation et font jouer des petits groupes.
ITW – Comme les Last Train avec La Messe de Minuit prochainement à Lyon.
Arthur TEBOUL – Ah oui parce que leur agence de diffusion et de production, Cold Fame, est basée à Lyon… Si je le faisais, ça serait en mai/juin à la fin du printemps/début été, au bord de l’eau… Il y a un petit festival sympa auquel j’ai participé sur l’Ile des Embiez, au large de Toulon, ça s’appelle Isla. Franchement quand tu es sur une île quelques jours, que tu retrouves les mêmes gens avec des bons spots, de la bonne bouffe, il y a un truc qui se passe. Il n’y a pas plus de 500 festivaliers, c’est très convivial ainsi. Après on inviterait des supers DJs ou des groupes d’électro avec des percu’ … Tu commences en fin d’après-midi par des concerts acoustiques, KOKOKO! par exemple. Tu as l’occasion de varier les styles, en faisant jouer des groupes plutôt rock vers 21h/22h, après tu mets des trucs plus électro, DJ toute la nuit. A 18h des artistes acoustiques,… C’est mortel non ?!
Clément DOUMIC – Après faut l’organiser quoi… (rires) mais dans l’idée ça nous ferait kiffer !
Arthur TEBOUL – Ah ouais, Rodrigo Amarante j’aimerais bien l’inviter, il fait de supers concerts à la guitare acoustique !
ITW – Et comment appelleriez-vous ce festival ?
Arthur TEBOUL – Quézac… (rires)
Clément DOUMIC – On l’appellerait, je sais pas… Fuego Festival !
Arthur TEBOUL – Ah non, non… tu vois ça, ça prendra du temps ! (rires). Du coup le festival n’existera pas parce que l’on ne s’entendra pas sur le nom…
Clément DOUMIC – On l’appellerait Feu ! Stival !
Arthur TEBOUL – Oh, pas mal ! Et après en dessous ce sera sous-titré « Ah ah ah »…
ITW – Et concernant la programmation ?
Antoine WILSON – Je pense que l’on s’entendra plus facilement sur la programmation…
Arthur TEBOUL – Ouais. Ce qui est chouette c’est que l’on n’écoute pas forcément les mêmes trucs et que dès que l’on découvre quelque chose qui nous émeut, on le partage au reste du groupe. Généralement si un truc te touche « fort », il y a de fortes chances que tes camarades y soient aussi sensibles. Et puis s’ils ne le sont pas et c’est ce qu’il y a de bien, c’est que l’on apprend à faire « aimer des choses ».
Clément DOUMIC – On se frappe un bon coup… (rires).
(Le festival débute au même moment et donne lieu à des digressions.)
ITW – Est-ce que vous connaissez un peu la programmation de ce week-end ?
Arthur TEBOUL – Ouais carrément ! Cet été on tourne beaucoup avec Thérapie Taxi, ils sont programmés à de nombreux endroits. Caballero et Jean Jass aussi, c’est marrant parce que cet été on est souvent programmé avec des artistes hip-hop. On se sent très à contre-courant et en même temps c’est très intéressant vis-à-vis de la musique « intransigeante » que l’on propose et qui s’en fiche bien de la mode et de l’ère du temps. C’est un second été de festival pour nous, on fait la musique que l’on aime et on est toujours programmé dans de gros festivals avec du monde. Alors on se dit que c’est toujours une belle occasion de délivrer notre musique sur scène, où l’on essaie d’être généreux et honnête. Si t’es honnête et généreux, rien ne t’empêche de communiquer avec le public.
Antoine WILSON – Et puis il y a Bernard Lavilliers, mais on ne sait pas s’il va venir jouer …
Arthur TEBOUL – Il s’est fait opéré hier donc on ne se sait pas s’il sera sur pieds… (Bernard Lavilliers est bien venu jouer ce dimanche et fut en pleine forme, NDLR)
Clément DOUMIC – Mais lui on le connait très bien ! On a travaillé ensemble sur son dernier album, on a arrangé et joué deux chansons pour lui et c’est quelqu’un qu’on connait depuis des années.
ITW – Et sur la programmation de ce soir, si vous deviez collaborer éventuellement avec un artiste ? Vladimir Cauchemar… ?
Arthur TEBOUL – Je pense plus à la petite scène sur laquelle il y a du math rock ce soir. La Jungle, ça c’est plus notre style.
Antoine WILSON – La Jungle ?
Arthur TEBOUL – C’est deux mecs, l’un à la batterie, l’autre à la guitare…
Clément DOUMIC – Tu connais ?
Arthur TEBOUL – je me suis renseigné un peu… Là c’est plus ambiance rock. On est content de voir une petite scène où il y a du « vrai rock » qui se joue avec des guitares et des batteries (rires).
ITW – Une anecdote marrante ou marquante d’un festival à raconter ?
Arthur TEBOUL – Tu nous prends un peu au vif ; notre vie est une suite d’anecdotes.
Antoine WILSON – Sur un festival, …
Clément DOUMIC – Il y a les racontables et les pas racontables…
ITW – Allons directement sur les pas racontables alors !
Clément DOUMIC – Alors euh non du coup… (rires)
Antoine WILSON – Non (rires).
Clément DOUMIC – On a caressé des chevaux tout à l’heure, c’était hyper agréable…
Arthur TEBOUL – Là, on a découvert un brasseur local que l’on recommande à Saint-Maurice (Bas-Rhin, NDLR) qui se faisait interviewé par RTL.
Clément DOUMIC – On est arrivé pile à ce moment-là et finalement on a fait une interviewé croisée avec le brasseur, c’était hyper sympa !
Arthur TEBOUL – Surtout que le brasseur est le petit fils de la tenancière du bar-tabac qui a 87 ans et qui brasse ça dans l’ancien garage de son grand-père.
Clément DOUMIC – Ouais, super ambiance, très familiale…
ITW – Alors ici c’est pas mal puisque vous pourrez tester plein de bières, sans oublier le petit stand de digestifs…
Arthur TEBOUL – Ah on n’a pas vu ça !
Clément DOUMIC – Tout ça, c’est dans la partie Public ? (S’ensuit une digression tous azimuts sur des noms de distilleries et brasseurs alsaciens)
ITW – Donc pas d’anecdotes à narrer ?
Arthur TEBOUL – Par exemple, la fois où tu t’es battu avec un crocodile ?!
Antoine WILSON – On ne veut pas avoir la SPA aux fesses…
Arthur TEBOUL – On était au bord du lac Léman, puis Antoine s’est dit « je vais me baigner ». Il va se baigner tranquillou, évite les essaims de moucherons et voit au loin un truc ondulé, carapacé, arriver. Hop un Croco’, il crie « Oh, envoyez-moi une frite ! ». Donc on pense à une frite belge… et là il se bagarre. Bam ! Bam ! Et étouffe le croco avec des frites… Rien que ça.
Clément DOUMIC – Trois fois rien.
Antoine WILSON – On avait décidé de le garder pour nous mais bon… vous nous obligez à en dire plus.
Arthur TEBOUL – Parce qu’après on en a fait des santiags et aujourd’hui ce n’est plus trop à la mode.
Antoine WILSON – Ah ça… Brigitte Bardot elle va pas être contente.
ITW – C’est pour monter ce soir sur scène les santiags…
Arthur TEBOUL – Oh, moi je suis plutôt p’tites claquettes…
Antoine WILSON – Sinon en parlant d’animaux, on a une collection de nourritures pour chaton (rires).
Clément DOUMIC – Alors ça c’est une vraie anecdote pour le coup ! Et je crois que personne n’a encore compris la supercherie… On a un technicien, son surnom c’est Chaton. C’est l’ingé-son retours…
Antoine WILSON – … et pour être sur que les gens lisent bien notre rider on a demandé « de la nourriture pour Chaton » ! Et à chaque fois que l’on arrive dans une salle on a de la pâtée pour chats et on nous demande « oh il est où votre chaton ?! » alors qu’en fait c’est un homme barbu…un bellâtre blonde qui fait nos retours et finalement on a une caisse de nourritures pour chats. Au terme de la tournée on va tout donner à la SPA.
Clément DOUMIC – Parce qu’on est des gens « sympas » ! (Rires) On a une collection complète de Whiskas, …
Arthur TEBOUL – … Purina One… on s’y connait à fond maintenant! (Rires)
ITW – Que pensez-vous du Festival Décibulles du coup ?
Clément DOUMIC – Ben, ils nous ont donné de la bouffe pour chats, donc c’est un très bon festival! Rires)
Arthur TEBOUL – C’est cool parce qu’on sent l’ambiance locale, familiale, on devine que c’est parti d’un festival « sur la place du village » qui a grossi de plus en plus. Quand on est allé se balader avant, le brasseur, que l’on a vu, a dit qu’il serait présent ce soir comme festivalier… Visiblement, ça implique pas mal de gens dans la région. Ça à l’air de rien mais pour nous qui sommes toujours dans un monde parallèle, dans des couloirs avant de monter sur scène – là on est finalement un peu reclus, dans notre pâture a échanger… -, avoir l’occasion de se balader un peu, rencontrer les gens du coin, ça nous fait un bien fou !
Clément DOUMIC – C’est cette ambiance que l’on retrouve sur les festivals devenus des « grands » et qui étaient familiaux à la base. Il y a vraiment un lien entre tous ces festivals, je pense notamment, dans une moindre mesure, aux Vieilles Charrues qui ont démarré aussi ainsi, sur un petit bout de terre il y a 30 ans à Carhaix. Et c’est pareil, dans l’organisation, avec les bénévoles, c’est hyper familial, dans la transmission.
Arthur TEBOUL – Et puis on aime l’Alsace ! On est venu de nombreuses fois à Strasbourg, à la Laiterie. On a commencé dans le Club, puis on est revenu plusieurs fois dans la Grande Salle. A Nancy aussi au NJP (Nancy Jazz Pulsations, NDLR) où on a joué plein de fois.
Clément DOUMIC – Ouais, La Laiterie c’est une vieille et superbe salle, un peu moins grande que les autres salles de France, mais qui est assez « rock » dans l’ambiance et qui est située en ville aussi. C’est devenu assez rare aujourd’hui: quand on fait des SMAC c’est souvent 1000, 2000 places à l’extérieur de la ville et tu vois juste le périph’, l’autoroute…
Antoine WILSON – Tu as des salles comme ça, La Laiterie, le Florida à Agen, à Lille l’Aeronef, c’est vraiment très agréable de venir jouer dans des salles comme ça.
ITW – Passons à un tout autre sujet. Quelles ont été les conditions de création de l’album l’Oiseleur ?
Arthur TEBOUL – On s’est isolé pendant presque un an dans le studio avec Samy Osta qui est notre compagnon de musique, l’homme qui a réalisé notre premier EP, l’album et donc l’Oiseleur. Juste avant cela, je suis parti seul le long de la Méditerranée entre l’Espagne et l’Italie, à Naples, Séville et Grenade durant l’été et le mois de septembre pour écrire des textes. Ils sont donc assez imprégnés d’une forme de volupté, d’exil, de distance vis-à-vis du quotidien et de l’action. Un truc un peu contemplatif, imprégné des éléments, des fruits, de l’art, de la mer et de l’amour bien sûr !
ITW – Justement, cet album est très méditerranéen. Il y a Sari d’Orcino, les volcans sont aussi évoqués… Au-delà des influences évoquées dans vos textes, Eluard et d’autres, on a l’impression qu’il y a aussi la mythologie ou l’antiquité romaine dedans ; Ginger m’a fait penser à Pompéi.
Arthur TEBOUL – Ce n’est pas pour rien. J’ai surtout passé du temps à Naples pour écrire. C’est une ville qui te happe quand on y reste un long moment, on devient Naples. C’est une ville qui est chargée de beaucoup de mystères et de voluptés, au sens où dans cet endroit dansent ensemble l’amour et la mort. Là-bas, tu as un cimetière à ciel ouvert, dans des carrières – les Fontanelle – où sont empilés des crânes avec lesquels les Napolitains viennent parler. Ils en choisissent un et discutent… Et c’est une sorte de danse ou l’on ressent la finitude des choses, une grande joie, où l’on vient célébrer la nature. C’est aussi une ville menacée par un grand volcan qui a déjà frappé à Pompéi. Le Vésuve est là et trône, on se sent vivant parce que l’on se sent fragile. C’est une idée qui imprègne beaucoup le disque, la finitude des choses sans tristesse, on sent que notre vie est courte et que l’on est peu de choses. Peut être que du coup, sans s’en rendre compte on s’inscrit dans quelque chose de très mythologique. Nous sommes des êtes humains qui s’inscrivent dans une longue histoire qui a commencé il y a des millénaires.
ITW – Alors ce n’est peut-être pas fait sciemment mais certains vers font vraiment penser à l’antiquité, grecque également : l’histoire d’Orphée et Eurydice sur Grace, Grace et les trois Grâces romaines (ou Charites grecques), Déméter et Perséphone avec le vers « Qui aime, qui attend que vienne le printemps » et l’alternance des saisons ( sur Souvenir), … On a l’impression que le printemps est presque éternel sur le bassin méditerranéen.
Arthur TEBOUL – Ouais c’est vrai, c’est un album éclairé de cette lumière printanière que l’on appelle aussi nous, « lumière de l’après-midi ». Une sorte d’après-midi éternel. Il y a quelque chose qui ne bouge pas, une lumière qui reste en suspension. Et oui Orphée c’est un personnage qui m’accompagne depuis longtemps avec des symboles, des objets comme des fétiches et qui représentent beaucoup de choses. C’est pour cela que c’est une poésie assez symboliste. Beaucoup de symboles où chacun peut se retrouver, des symboles qui ne disent pas des choses « surlignées », mais qui sont plus suggestives. La poésie symboliste, la musique que l’on a fait dans cet album est là pour être le contour d’un monde dans lequel l’auditeur se plonge. On a vraiment voulu faire ce disque suggestif, évocateur, plutôt que descriptif ou nominatif. Peut être pour ça, comme tous les mythes, ils sont d’abord des machines à penser, ils indiquent juste une direction « tiens il y a l’amour, un s’en va, l’autre reste ». Orphée est une belle figure pour cette raison. Il y a une double chute : sa femme meurt, Eurydice piquée par un serpent, il va la chercher aux enfers et héroïquement il réussit. Par sa lyre il subjugue le Cerbère qui protège les enfers, il parvient jusqu’à Hadès. Alors les mythes ont plein d’interprétations différentes qui laissent chacun le plaisir de s’y plonger de laisser cours à son interprétation. Et alors, il parvient à la ramener jusqu’au bout des enfers et là il se retourne, parce qu’il a peur du silence dans son dos et elle reste là, c’est terrible. Bon la vie est faite comme ça, de moments où l’on avance, ou l’on tombe et ou l’on se relève, une somme de belles choses…
ITW – Et Sari d’Orcino ?
Arthur TEBOUL – C’est un village corse.
ITW – Oui, je me suis renseigné. Mais c’est aussi une grande ode à l’amour : le jardin, les fruits, le corps…
Arthur TEBOUL – Ouais, c’est très charnel. C’est ce qui est bien aussi dans les chansons, c’est que toi tu y vois la grande mythologie millénaire de la Grèce et de Rome…
ITW – … La Bible peut être aussi… ?
Arthur TEBOUL – C’est vrai que c’est un album assez mystique. Mais parallèlement, c’est aussi tout ce qu’il y a de plus intime. Comment on fait d’une expérience vécue, parfois de rien, quelque chose. Là on est les 5 sous un cerisier, on ne sait pas ce qu’il va se passer, des cerises vont peut être tomber… Ça peut devenir quelque chose de très symbolique et qui peut avoir la portée d’un mythe. C’est ni prétentieux, ni démesuré, on essaie de dire que chaque instant résonne, peut être à la portée d’un mythe et on essaie de célébrer ça: la petite vie d’un Homme. Et comme tout le monde est amoureux, s’est déjà baladé, a déjà senti l’odeur d’un parfum, alors l’intime résonnera comme la chose la plus universelle.
ITW – Par rapport aux instruments, au choix des sons, etc. quand on écoute l’album on peut tout y trouver. Autant au niveau des sonorités, il y a quelque chose de psychédélique avec la batterie qui s’emballe, la guitare aussi sur la fin de Grace , il y a un côté surannée, très 60’/70′s , le rap dans le flow de L’ivresse. Et justesse pour cette chanson, il semble y avoir deux batteries, non ?
Arthur TEBOUL – Ah ah, c’est plus compliqué que ça…
Antoine WILSON – Tu veux que l’on te donne tous les secrets de fabrications ?
ITW – Bien sûr, on parlait distillerie à l’instant !
Clément DOUMIC – En fait on avait cette chanson qu’on avait maquetté et qui sonnait très rap. Et l’on avait envie de mettre notre patte dans la rythmique, ce qui est fondamentale dans les chansons de trap, mais nous voulions que ça sonne comme « nous ». C’est donc très personnel et on a trouvé une technique en utilisant une MPC, un vieux séquenceur des années ‘80, qui donne un son très caractéristique aux instruments que tu séquences à l’intérieur grâce aux composants, à l’équalizeur et le compresseur qui donnent un peu le son du hip-hop américain début 2000. Du style, Dr.Dre et c’est comme ça qu’on a créé ce son de batterie.
Antoine WILSON – Pour ses parties de batterie, on les a découpées et mises dans une MPC, puis on les a rejouées différemment en utilisant la MPC, avec ce son un peu compressé.
Arthur TEBOUL – Pour faire des prog’ de batterie, les gens ne jouent pas les samples. Ils réutilisent des séquences qui sont chanmé(e)s et qui ont une histoire. Tu tapes ta rythmique à la main. Là, on a enregistré nous-mêmes les samples, donc c’est Raph’ qui appuie sur les boutons, avec les samples qu’il a lui même joués et découpés.
Clément DOUMIC – Et c’est lui qui improvise avec ses samples et ses boutons, donc tu as un côté samplé « mécanique » et en même temps « improvisé ».
Arthur TEBOUL – Ce qui donne à la fois ce son très claudiquant, très rock. Car la batterie c’est bien lui qui la joue.
Antoine WILSON – C’est long car il y a toujours un peu d’aléatoires, il faut y passer du temps, ce n’est pas parfait, « hop un sample égal un son ».
Arthur TEBOUL – C’est technique et je me souviens quand on l’a fait, au début Samy, qui est notre producteur, a dit « ah j’ai une super idée, on va sampler Raph’ dans la MPC » et une semaine plus tard, quand on était encore en train de comprendre comment marche le truc, on se disait « mais quel enfer… ».
Clément DOUMIC – Et Samy avait cette idée de sample avec la MPC depuis le premier album et on l’avait jamais fait parce qu’il avait comme exemple un son extrait du premier album de Gnarls Barkley, qui avait un son de batterie de malade mental et il voulait le reproduire. Et nous dans la musique c’est aussi ce qu’on aime, l’expérimentation dans la production. De tester des choses qui prennent du temps à découvrir.
Arthur TEBOUL – On a chiadé ça.
Clément DOUMIC – On aime bien les histoires de studio, de production chez les Beatles, par exemple sur leurs derniers albums ils ont passé vraiment beaucoup de temps à expérimenter. C’est aussi quelque chose qui nous a nourri sur cet album-là parce que l’on voulait expérimenter. Dans le morceau Erussel Baled (Les Ruines), on a tout enregistré sur bandes par exemple. On les a ralenties pour avoir la bonne tonalité, on a cherché vraiment des textures.
Arthur TEBOUL – C’est parfois pas grand chose, mais cette aventure en studio elle donne de l’épaisseur à l’aventure que représente un album. A la fin quand il est là, ce ne sont pas que des chansons que tu as enregistrées. Et aujourd’hui comme les gens enregistrent piste par piste, on peut avoir tendance à oublier que l’aventure n’est pas juste l’achèvement de l’album, c’est encore l’expérience des chansons, tout ce qui va se passer à ce moment-là ça fait partie de l’album.
ITW – Il y a donc des expérimentations à la Pink Floyd: on cherche et on travaille un son et finalement on aboutit à l’introduction d’une chanson, à On the run, …
Arthur TEBOUL – Ouais, parfois ce sont des accidents. On joue et il y a un truc qui continue de tourner, on utilise des effets puis c’est enregistré et on va le mettre ailleurs. Parfois on passe des journées pour un son de clavier. (Derrière nous, un “Chaton” passe et attire l’attente du groupe…). On dit que les gens ne s’en rendent pas compte, mais si. Cette épaisseur, cette « patine », ils la ressentent comme nous on la ressent dans les disques. Moi je ne suis pas un grand technicien, mais il y a des disques quand je les écoute, au fonds tu sens… Tu n’as pas besoin de savoir tout ce qui se passe pour sentir qu’il y a une respiration, une histoire, de la corne… Qu’il s’est passé des choses. Un disque c’est une photographie de cet instant, que tu le veuilles ou non. Alors autant faire de ce moment quelque chose de particulier, pas simplement un truc technique « tiens on va capturer cette chanson »… Non c’est une aventure et c’est long.
ITW – D’autres projets prochainement. Des poèmes sous le coude ou un nouveau projet musical ?
Arthur TEBOUL – Alors on est en train de travailler sur un film. Une réalisatrice nous a contactés pour faire un film musical avec des dialogues chantés et on s’éclate là dessus ! Reprendre un scénario c’est une matière très vivante pour faire des chansons. On travaille sur 8 chansons en ce moment. Et on va prochainement se mettre à travailler pour notre prochain disque; ça va être un saut dans le vide assez excitant. Car à chaque fois on repart de zéro et on ne sait pas ce qu’on va faire…
ITW – Merci à vous !
Un grand merci au groupe et à l’équipe du festival Décibulles, mention spéciale pour Marie!
Interview commune réalisée par Sensation Rock et Pokaa.
Propos recueillis et retranscrits: Benoît GILBERT
Crédit photos: Benoît GILBERT