Après une poignée d’EP tendus et abrasifs sortis au compte-gouttes ces derniers temps, Drahla fait une entrée fracassante dans la cour des longs formats avec un premier album nommé Useless Coordinates. Signée chez Captured Tracks, la formation de Leeds propose une œuvre implacable et urgente qui devrait faire date au sein de la vaste scène post-punk actuelle. C’est une certitude.
Récemment passé par l’Antonnoir de Besançon au mois de mars dernier, en toute fin d’un plateau débuté par les excellents Lice et DITZ, Drahla poursuit naturellement son travail enclenché par ses premiers EP avec la sortie d’un album. Si sur scène la puissance de la formation britannique est évidente, il en est de même sur disque. Les compositions sont emplies d’une véritable tension et d’une envie d’en découdre de tous les instants. Au-delà du simple essai, Useless Coordinates confirme le talent singulier du groupe de Leeds.
Ce sont avec les premiers assauts de Gilded Cloud que Useless Coordinates démarre. Le morceau, après une introduction rappelant sans mal Sonic Youth, met quelques secondes à démarrer. Une fois lancé, le titre ne nous lâche plus. Un sentiment dû en grande partie à la hargne vocale de Luciel Brown. Serenity prend la suite et reste dans le même registre. On est constamment tiraillé entre une urgence post-punk et une folie noise-rock. Les titres sont plus ou moins courts, à l’image de Pyramid Estate ou encore de Primitive Rythm, brûlots qui dépassent à peine la minute. Le premier cité accueille d’ailleurs les premières incursions du saxophoniste Chris Duffin. Des sonorités inhabituelles qui font penser aux travaux expérimentaux menés par Pere Ubu il y a plus de 40 ans. Un des sommets de cet album est sans contestation possible incarné par Stimulus for Living, un single dévoilé il y a quelques semaines et dont l’outro à la limite de la mélancolie ne peut laisser de marbre. En guise d’intermède, React/Revolt et son saxophone déstructuré nous emmènent jusqu’aux frontières du free-jazz avant que la rigueur de la formation britannique ne vienne reprendre le dessus, à l’image d’une batterie impitoyable et créative. La guitare et la basse, quant à elles, sont relativement crasseuses mais développent toujours une réelle volonté mélodique. Comme avait pu le faire la bande à Thurston Moore et Kim Gordon en son temps, sur Sister et Daydream Nation notamment. La deuxième partie de l’album est du même acabit, des chansons telles que Twelve Divisions of the Day ou encore Serotonin Level soufflent le chaud et le froid et baignent dans une tension constante. La fin approche et Unwound vient faire un clin d’oeil au power trio américian de post-hardcore, grand représentant de la scène indépendante américaine des années 90, qui présente bien des similitudes avec la bande de Leeds. En conclusion, le terrible et excellent Invisible Sex vient nous asséner un dernier coup et finit de confirmer qu’il faudra compter sur Drahla dans les prochaines années.
Vous l’aurez sans doute remarqué, les dix titres qui composent ce premier album ont tous été abordés dans cette chronique tant il est difficile d’en sortir un du lot et surtout d’en oublier. Ce premier essai compact et efficace de Drahla, malgré des influences marquées par la scène alternative de la fin du siècle dernier, apporte un nouveau souffle et une fraîcheur des plus considérables dans le paysage post-punk d’aujourd’hui. Sans concession, la démarche du groupe britannique fait montre d’une réelle urgence et ne prend pas le temps de nous ménager. On ressort de l’écoute de cette oeuvre profondément sonné mais avec une furieuse envie de la réécouter. Encore et encore.
Note : 8/10
Hugo COUILLARD
Artiste : Drahla
Album : Useless Coordinates
Label : Captured Tracks
Date de sortie : 03/05/2019
Genre : Post-punk
Catégorie : Album rock