Alors que la bande à Pat MacManus sert un concert sans faute dans la salle de Wood Stock Guitares, nous sommes en loge avec The Hook. Le groupe alsacien a le vent en poupe et une actualité quasi-ministérielle. Retour sur une entrevue de 36 minutes, très décontractée, doux euphémisme, au cours de laquelle il est question de films d’horreur, de kebabs, des Doors…
Sensation Rock – Comment ça va? Quelles sont vos sensations quelques minutes après votre prestation à Wood Stock Guitares ?
Dylan – Avec ou sans choucroute? Sérieusement, l’adrénaline pendant et après les endorphines. Et quand tu vois que ça fait mouche et que les gens aiment, t’es fier de toi. Si avant t’es fatigué, le concert te met en forme après, je mets ça sur le compte de l’euphorie.
Joe – Le plaisir de faire plaisir.
Hugo – J’ai l’impression que les gens étaient réceptifs.
Sensation Rock – Vous avez joué face à une salle pleine.
Hugo – Stress, bonheur, adrénaline, descente. (Sourire). Une fois que tu y es, t’y es. C’est un peu comme un saut en parachute: quand t’es dans le vide …
Sensation Rock – Tu l’as déjà fait?!
Hugo – Non, mais c’est un pote qui m’a dit comment c’était! (Gros rires).
Sensation Rock – Donc, il s’en est sorti?
Hugo – On s’en sort toujours!
Joe – Ouais, des fois c’est un peu plus compliqué…
Hugo – C’était peut être pas le meilleur que l’on ait fait ce soir … mais c‘était moins “concert approximatif” (référence à une remarque relevée dans la presse; référence qui laisse place à des rires). On joue à côté de Mulhouse, là où on a commencé. On est satisfait de voir que les nouveaux morceaux, que l’on présente aux gens que l’on connaît, plaisent. Mais aussi pour ceux qui nous découvrent.
Sensation Rock – The Hook ou Le Crochet en français. Quelle est l’origine de ce nom pour le groupe ?
Syd (leur manager) – Référence à John Le Hooker…
Hugo – Aussi à la chanson des Stones, Off the hook.
Joe – C’est également une légende urbaine. Je suis passionné de ça, de films d’horreur, de Carpenter… Le Hook c’est l’histoire d’un gars, évadé d’un asile, qui s’en prend aux couples, qui se bécotent dans les Chevrolet, en rayant les voitures avec sa main remplacée par un crochet…
Sensation Rock – Pouvez-vous revenir sur les débuts de la formation ? (À cet instant, Eric le batteur fait son entrée dans la loge.)
Dylan – Je me suis réveillé un matin et puis j’ai appris la guitare, j’ai écrit des morceaux et comme je ne pouvais pas tout faire tout seul, j’ai embauché deux mecs … (gros rires)
Hugo – Joe et moi, on a grandi dans le même village, on s’est rapproché au lycée. On avait la même passion pour Pink Floyd, les Doors, Jimi Hendrix, … Et on a monté un groupe. C’était n’importe quoi au début: beaucoup sont partis mais Joe et moi on est resté ensemble. The Hook c’était 5 membres, on a fait une tournée, un premier EP. Les trois autres se sont rendus compte qu’ils n’avaient plus envie de faire ça. (…) Quant à Dylan, il était en cours avec mon frère. Je savais qu’il était bassiste et qu’il jouait dans des groupes de m**** (rires) et qu’il avait envie de jouer dans un bon groupe… Et il était avec moi le jour où notre bassiste m’a annoncé qu’il quittait le groupe.
Dylan – Il a commencé à être mon parasite de prédilection avant que je sois dans le groupe. Il suçait déjà mon sang et mon argent avant d’avoir le coup de fil décisif…
Hugo – Faux! À cette époque t’étais en école d’inf’, c’est moi qui te payais tous les kebabs, t’avais pas un rond! (Rires) (…) Il a fallu aussi trouver un autre batteur. Un temps, il y a eu Anthony d’Iron Bastards.
Dylan – Il nous a dépannés pendant 6 mois, puis il n’a pas pu continuer avec les deux formations. Ensuite, on a eu un autre batteur pendant un an et il a disparu! Sans prévenir, il ne venait plus aux concerts…
Joe – Un mec qui a également joué avec Dirty Deep, Shineski, … et il leur a aussi fait le coup: il les a tous plantés quand ça commençait à décoller.
Dylan – On a cherché ensuite un vrai brûlé! Il y a eu Marlon Saquet, le batteur de James Leg et de Pauwels qui nous a bien bien aidés. Et finalement, comme il avait beaucoup de projets, pas les mêmes influences musicales que nous et qu’Eric avait plus de disponibilités, voilà la formation définitive sous tes yeux.
(The Hook, Fast sleeping night, 2016)
Sensation Rock – Comment définiriez-vous votre son, votre style ?
The Hook – C’est du rock’n’roll.
Sensation Rock – Quelles sont vos influences, vos groupes phares ?
Hugo – Beaucoup de blues. Notre influence phare: les Stones.
Eric – A l’inverse, j’écoute très très peu de blues. Plutôt Tom Petty, Flamin’ Groovies, des groupes américains.
Dylan – Ouais, les Stones, Led Zep et The Doors.
Joe – Perso, j’écoute essentiellement du rock des années 60, 70, parfois des années 80, mais rarement. Le rock’n’roll, le twist… J’ai commencé à écouter du blues à l’âge de 6/7 ans, j’avais pas beaucoup d’amis jusqu’à 15 ans… On s’est rencontré avec Hugo parce que l’on écoutait tous les deux les Floyd…
Hugo – Tout le monde nous faisait chier par ce que l’on écoutait de la musique d’église, les Doors! On a ouvert une espèce de milice! (Rires)
Sensation Rock – Des influences qui expliquent votre envie de jammer sur scène?
Hugo – Ouais, on a écouté les chansons des Doors en live. On passait des soirées à écouter le vinyle et à essayer de reproduire leurs concerts. D’où ce truc que tu m’as dit avant: vous jammez beaucoup. Ça vient de cette période-là.
Sensation Rock – Des morceaux comme The end?
Joe – Les Doors ne faisaient jamais le même concert. Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres groupes, mais quand t’es trop sûr de toi, que tu n’as pas de surprise, parce que tu sais pertinemment ce que tu vas faire, ou ce que l’autre va faire, ça perd de son charme. L’improvisation, c’est ce que nous aimons et les gens le remarquent aussi, même si c’est parfois sur le fil…
Hugo – Certains morceaux sont conçus de telle façon à nous laisser des plages de liberté.
Dylan – Notamment les nouveaux. Ils sont faits afin de durer. On en a un que l’on joue souvent avec lequel on s’éclate à partir sur un boogie ou à enchaîner avec Roadhouse blues de The Doors, … Ça peut aller jusqu’à un quart d’heure quand on a plus de temps.
Sensation Rock – Dylan, je t’ai vu avec un t-shirt Mötley Crüe. T’es la partie glam, hard, ’80 du groupe? (gros rires)
Dylan – Mon père est le plus grand fan de Megadeth. Il m’a emmené au Hellfest à 16 ans. On y va ensemble tous les ans. Du coup, j’ai commencé par le metal, le thrash… Puis il y a eu les Guns, Mötley Crüe, une grosse révélation. J’ai lu le bouquin The dirt, ça a changé ma vie. Je me suis dit: Je veux faire la même chose! Ça n’a pas vraiment marché… on n’est pas à Los Angeles (morts de rires). Plus tard, je suis revenu à du rock’n’roll plus classique, le punk également, les Ramones …
Hugo – On a trouvé des terrains d’entente: The Heartbreakers, Johnny Thunders, …
Dylan – The Stooges, les Dolls c’est punk et rock’n’roll à la fois. MC5, les Ramones, je suis un inconditionnel.
Sensation Rock – Justement avec ces influences proches du metal, tentes-tu de les placer de façon subtile dans les compositions? (retranscription d’une grande et joyeuse cacophonie)
Hugo – Non, non ça marchera pas (rires).
Dylan – Bon le metal c’est plus trop d’actualité …
Joe – Si si, il le fait. On le capte pas tout le temps.
Sensation Rock – D’ailleurs sans transition, quelle est votre actualité ?
Hugo – On va te donner un flyer, comme ça on n’est pas obligé de répondre (rires).
Dylan – Notre grosse actualité à venir c’est le Printemps de Bourges. Grosse occas’.
Sensation Rock – Comment l’appréhendez-vous ce concert?
Hugo – Stressés à mort… Perso, j’appréhende cette date comme n’importe quel autre concert. Je serai autant stressé que celui de ce soir ou dans un pub.
Dylan – Un peu plus quand même … Bon, pour l’instant, ça va.
Joe – On va donner le meilleur de nous-mêmes, comme d’habitude. Il ne faut pas se faire trop de films, d’espérances par rapport à ce concert. Il faut y aller naturellement, être authentique.
Dylan – Pour les autres concerts, comme le Noumatrouff, on va jouer avec Dätcha Mandala. On va proposer un set entièrement neuf, avec certains morceaux que l’on a rodés ce soir et 4/5 nouveaux.
Hugo – Le 20 avril on est au Café Freppel à Saint-Martin, 26 au Nouma (Noumatrouff, NDLR), le 27 à Colmar et en mai une grosse ambiance avec les Fleshtones en Allemagne.
Dylan – Ensuite, on aimerait faire un nouvel album. On a déjà bossé en faisant une résidence, un petit tour également au studio de Rodolphe Burger à Sainte-Marie-Aux-Mines, avec le batteur de Bashung. On a fait des maquettes de nouveaux morceaux, … Ouais, notre objectif c’est de sortir un vrai album et de démarcher avec, trouver un tourneur.
Sensation Rock – Vous êtes-vous donnés une date butoir?
Dylan – Non. Sincèrement, on est loin d’avoir tout fignolé.
Eric – Il y a beaucoup de dates qui déboulent au fur et à mesure. Soit tu te laisses un laps de temps, en arrêtant de faire des concerts pour travailler un album, soit tu tournes.
Dylan – J’ai un gros projet: sortir un live pirate du groupe, ça s’appellera Pirate live à l’Entrepôt. Avec une bande bien pourrie, stylée, très roots. Je vais faire un label, Gross Prod, comme mon nom de famille (Rires).
Sensation Rock – Et pourquoi par un EP?
Dylan – On en a déjà fait deux.
Joe – Ce soir c’était la première fois que l’on jouait certains morceaux; on est en rodage en ce moment. On a beaucoup de compos sur le feu, même des ballades…
Hugo – En répétition, entre deux morceaux on peut faire une nouvelle chanson. Quelqu’un balance un riff… Et Dylan a une capacité à écrire des paroles rapidement, donc ça va très vite. On a fait une résidence grâce au projet Iceberg à Fribourg. Après deux jours au Nouma, on avait dix morceaux, dont cinq bien calés.
The Hook, Noumatrouff/répétitions, Mulhouse, 30 mars 2019, Benoît GILBERT
Joe – Si on avait de l’argent, on pourrait faire même un double.
Eric – Ils sont assez prolifiques ces petits gars. Mais il y a aussi un gros boulot de création: c’est pas parce que tu as un riff que c’est bon. Il faut faire tourner un morceau.
Sensation Rock – On parlait de jams plus tôt, mais comment élaguer afin de tout faire rentrer dans un disque?
Dylan – C’est ce qui prend le plus de temps. Des riffs cools, des ambiances, des ponts, etc. pas de problème. Mais tout organiser et faire que tous les titres ne se ressemblent pas… Faire ressortir les influences et ne pas plagier aussi! Et puis sortir de la structure traditionnelle Couplet-Refrain-Couplet-Refrain-Solo/pont, … Etre originaux, c’est très subtil.
Hugo – Et en studio, il faut aussi l’aspect mélodieux et que ça accroche. Aujourd’hui, je mets moins de guitares, je recherche le petit truc qui fait mouche et en live c’est carrément différent. J’y vais à fond!
Eric – Je les connais depuis des années et à chaque fois que je les voyais en concerts, j’étais impressionné par leur facilité à faire des choses simples, efficaces avec pas grand-chose. Et quand ils m’ont dit qu’ils cherchaient un batteur pour deux dates, j’ai dit oui d’emblée. Mais bon, si je reste avec eux, c’est parce qu’ils me paient bien (sourire).
Sensation Rock – Hugo tu as déclaré dans la presse régionale, certainement sur le ton de l’humour, ceci: “C’est simple, soit on pète tout à Bourges, soit je me lance dans la restauration…” (in L’Alsace du 13 avril 2019).
Eric – Moi je suis cuistot de métier!
Dylan – Il ne sait faire qu’un plat, mais très bien: les pâtes à l’arrabiata (il s’étouffe à l’issue de sa saisie).
Hugo – C’est vrai. Mais je les fais avec plein de nuances: oignons, échalote, … en fait j’ai le projet d’ouvrir un kebab (grosse digression joyeuse).
Sensation Rock – Du coup The Hook c’est une façade?
Hugo – Oui, oui. On collecte des fonds pour ouvrir un Grec. (Suite de la digression)
Sensation Rock – Finalement, comme l’évoquiez avant, il n’y a pas de véritable appréhension? Juste une envie de bien faire.
Hugo – Quoi? Dans la restauration?!
Syd (leur manager) – En fait, il n’y a pas de plan B.
Hugo – Non, il n’y a aucun plan B. On est trop stupide pour bien faire un plan A… (Gros rires). (…) Sérieux: si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais. On a qu’une vie.
Eric – Ouais, mais putain, la vie est longue!
Joe – Ne pas le faire à fond à Bourges, c’est risquer de le regretter après.
Dylan – Ouais et en plus, en ce moment, ça marche pas mal. Il y a peut être quelque chose à en tirer. Alors autant y aller à fond. Mais on n’est pas Anvil. Les mecs sont cultes, s’accrochent encore aujourd’hui…
Eric – Il y a plein de groupes comme ça. Je suis fan de Kyuss. Tout le band a un taf aux States: John Garcia travaille à l’hôpital par exemple. Quand ils viennent en Europe, ils prennent trois semaines de vacances. Au final, ils jouent devant 100 personnes le soir…
Hugo – On s’égare grave. Pour revenir à ta question, il y a aujourd’hui un sacré mouvement revival 70’s. Et ça m’énerve parce qu’on y était depuis très longtemps.
Joe – Depuis des années même. Et là, tu vois des mecs avec des rouflaquettes, des pantalons pattes d’eph, tel que Ko Ko Mo…
Sensation Rock – Et Greta Van Fleet?
Hugo – C’est vraiment du Led Zep. Les mimiques du guitariste, c’est Page tout craché.
Joe – Ils font du Led Zep à mort. Pourquoi, ne ferions-nous pas du Rolling Stones à mort?!
Dylan – Leurs morceaux sont super cools.
Joe – Ouais, mais j’ai entendu des comparaisons avec Led Zep, c’est du copier-coller. C’est hallucinant.
Hugo – Je trouve que nos morceaux ont une touche bien plus personnelle que ceux de Great Van Fleet.
Eric – C’est pas grave. C’est comme il y a dix ans quand Airbourne a débarqué. Tout le monde a dit: ils font du AC/DC… Moi, ça me dérange pas.
(The Hook, WolfMan)
Sensation Rock – Je vous laisse le mot de la fin.
Dylan – C’est la lutte finale…
Joe – La musique c’est un éternel recommencement, tout est cyclique. Je suis fan de surf music et le genre revient. Putain, ça fait dix ans que je suis dans le game! (Rires)
Hugo – Mick Jagger va mieux, on va mieux!
Eric – Alléluia!
-Propos recueillis et retranscris par Benoît GILBERT
crédit photos: Benoît GILBERT
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-site Internet: http://www.the-hook.fr
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