Dans le cadre du toujours très attendu festival GéNéRIQ, la Péniche Cancale proposait un programme des plus alléchants en ce premier jour de festivités. Au sein de sa mythique cale, l’incontournable salle de concert dijonnaise accueillait la pop orientalisée de Johan Papaconstantino et l’habile mélange shoegaze/dream pop de Marble Arch.
Il est un peu plus de 21h, en cette froide nuit de février, lorsque Johan Papaconstantino démarre son set. Après s’être extirpé d’une foule importante, le jeune musicien lance les hostilités sur la petite scène de la Péniche Cancale. Seul, accompagné de son ordinateur, de sa guitare, de diverses pédales d’effet et autres boites à rythmes, le one-man band débute sa prestation sobrement. Des effluves vocales viennent enivrer une rythmique lente et chaloupée. Des paramètres qui ne tardent pas à mettre le public d’accord. Il n’y a d’ailleurs plus beaucoup de place dans la cale de la Péniche. Mais bien assez pour héberger les déhanchements de spectateurs séduits. Le musicien autodidacte s’adjoint ensuite les services de sa Telecaster et l’alchimie opère.
Sur des instrumentations romantiques et orientalisées mélangeant habilement des couleurs pop, funk, voire même dub par moment, l’artiste pose délicatement sa voix et n’hésite pas à s’amuser avec l’auto-tune. Ses chansons, aux paroles faussement naïves, parlent copieusement de la vie mais aussi et surtout d’amour. Des thématiques parfaitement illustrées par des titres comme J’sais pas ou encore J’aimerai. La partie vocale n’est cependant pas le seul atout du concertiste, son aisance guitaristique apporte une plus-value non négligeable à ses compositions. Une maitrise de la six cordes que l’assemblée a pu apprécier, notamment lors d’une longue plage instrumentale jouée en milieu de concert. À la suite de Lundi, un nouveau morceau, Johan Papaconstantino succombe à l’inévitable loi du rappel. Et après avoir sondé le public d’un « Quelle chanson vous voulez ? » presque timide et nonchalant, le musicien rejoue J’aimerai, mettant ainsi un terme à une prestation d’une rare justesse. Une vague de chaleur ensoleillée avant que de multiples sonorités embrumées ne viennent délicieusement ternir tout ça.
Pour Marble Arch, les instruments sont un peu plus nombreux. Les musiciens aussi. Solidement et naturellement accompagnées d’une basse et d’une batterie, on compte pas moins de trois guitares. Trois guitares qui laissent présager des murs de sons des plus enveloppants. Une promesse tenue dés le morceau introductif. Les couches musicales s’entrelacent pour ne former qu’un seul et même noyau vaporeux et introspectif. Les différentes strates sonores, parfois aidées d’un clavier bienvenue, se complètent à la perfection et l’on succombe bien malgré nous à un subtil mariage lo-fi de shoegaze et de dream pop. On pense à My Bloody Valentine pour la puissance, Slowdive pour la sensibilité ou encore Galaxie 500 pour la pureté des mélodies.
La voix du chanteur et tête pensante de la formation, Yann Le Razavet, semble être volontairement à peine perceptible mais suffisamment audible pour véhiculer une émotion véritablement palpable et emplie d’une légère amertume. Les compositions, issues de l’excellent premier album The Bloom of Division et du potentiellement tout aussi excellent Children of The Slump, transportent l’auditeur au travers d’une intense nostalgie. Des chansons comme Heartshake, Antiscript ou bien Unless embarquent la foule sur de douces contrées mélancoliques. Des voyages difficiles à oublier. Avant de conclure sur un I’m On My Way percutant et aux forts accents indie-pop, la formation propose By The Lake. Titre d’ouverture du premier album, cette dernière excursion entraîne le public dans des paysages cotonneux d’une rare beauté. Bouleversant.
Lors de cette soirée, comme GéNéRIQ sait si bien les concocter, le public nombreux de la Péniche Cancale aura pris part à une escapade dépaysante. Une sortie orientale et sensuelle avec Johan Papaconstantino suivie d’un vol introspectif et nécessaire avec Marble Arch. Antinomique au premier abord, cet enchaînement musical s’est révélé être des plus habiles. Pour preuve, les visages conquis et unanimes d’une foule qui aura su apprécier à leur juste valeur les sonorités et personnalités d’artistes véritablement talentueux.
Texte Hugo COUILLARD
Photographies Mélanie JANIN