Alors que Frank Sinatra squatte mes enceintes en cette période de l’année, le crooner à la diction parfaite se voit partiellement délogé par des airs venus du Sud. Enfin de France. Précisément d’Alsace. Dirty Deep déboule en cette fin 2018 avec Tillandsia, un disque de 13 plages somptueuses frisant le sans-faute. Heavy blues isch bombisch !
Démarrant avec un gospel entraînant baptisé Road dawgs, le band emmené par Victor Sbrovazzo offre une suite naturelle à Shine, le dernier titre de What’s flowin’ in my veins. Passée cette chaleureuse mise en bouche spirituelle, l’univers qui avait fait le charme des précédents disques se dévoile séance tenante avec Sunday church, puis sur Shake it ! ou plus tard avec Bottletree. Cette gouaille distordue et matinée de bourbon nous pique au vif au fil d’un blues éclatant et sincère, blendé au punk teigneux comme sur Wild animal. Dans la lignée de How I ride, ce titre est un single parfait qui en délectera plus d’un. La frappe musclée de Geoffrey Sourp est également de mise sur Hangin’ on a oak tree, une virée stoner qui rappelle méchamment la rage charriée sur Weathering de Last Train.
Avec ses acolytes, le chanteur, aux bacchantes arrimées à un harmonica électrifié, a dépassé ce genre quasi-originel du rock. Ainsi sur Strawberry lips, plage irrésistible grâce à cette captation sonore sublime – à écouter impérativement au casque pour plus de subtilités – Adam Lanfrey a troqué sa basse pour une contrebasse. Dixieland apparaît sous un brouillard jazzy, atmosphère également répandue sur By the river, grâce à une section cuivre tout droit sortie d’une rue de la Nouvelle-Orléans; délectable. Délectable telle est le qualificatif le plus adéquat pour You’ve got to learn. Ici le tempo est plus cool, un clavier s’est immiscé pour plus de langueur et se taille la part du gâteau avec un solo tout en finesses. Un titre que l’on a hâte d’entendre sur scène et en formation élargie, s’il vous plaît !
Dans cet album résolument roots, où le grain et la saturation naturelle sont une force recherchée comme le saint graal, les Alsaciens ont tissé, avec l’aide de Jim Jones à la production, un camaïeu somptueux. Les formats courts (l’interlude Hipbreak comme éructé d’un vieux transistor) s’affichent en compagnie de thèmes vagabonds. En authentiques bootleggers, ces trois-là prennent le large vers des contrées plus australes (I want to miss you est un titre tenace, tribal dans sa rythmique aussi africaine que sud américaine) avant de remonter le delta du Mississippi jusqu’à l’affluent de folk music qu’est Confessionnal hole. Cette virée se ponctue avec Last call of heaven, un hymne country à l’émotion non feinte. Cerise sur le gâteau, Les trois musiciens se fendent d’un bonus intitulé ++ whiskey song. On est une bonne fois pour toutes hors du temps, ailleurs, suspendu à cet harmonica invitant à un dernier bourbon. Ce qui coule dans leurs veines, c’est l’appel du Sud des States.
Ode au voyage, à la halte d’un soir, ce nouveau disque de Dirty Deep est une réussite, un cran résolument au-dessus de What’s flowin’ in my veins. Album mature, au sein duquel la rugosité sait se mettre en retrait le temps d’une élégance sonore, Tillandsia est la fleur de Noël à offrir et à savourer pleinement au coin du feu : ressortez vos BBQ !
(Dirty Deep, I want to miss you)
Artiste : DIRTY DEEP
Album : Tillandsia
Label/distribution : Deaf Rock Records
Date de sortie : 30/11/2018
Genre : Blues rock / punk rock
Catégorie : Album rock
-Benoît GILBERT
Crédit photos: Benoît GILBERT