Il y a un peu plus d’un an, je chroniquais Life without sound. Cloud Nothings, une découverte personnelle alors que le groupe est en circulation depuis 2009. Ignare peut-être mais à ma décharge on est face à une formation qui en presque dix années à la créativité soutenue (6 LP sous la bannière Cloud Nothings, auxquels s’ajoute No life for me, disque né de la collaboration avec Wavves en 2015) a peu arpenté les routes françaises. Ah ! À bien y regarder de plus près même, ils n’ont joué que 11 fois, ne franchissant jamais une ligne établie entre Charleville-Mézières et Nantes. Et avec essentiellement des descentes parisiennes. Bref, c’est pas ma faute si ce quatuor fait d’abord son miel chez lui aux Etats-Unis. Une erreur ? Au vu du style, peut être pas. Retour sur Last building burning, un disque resserré autour de 8 titres sans concession.
La touche lo-fi de plus en plus lointaine (une horreur pour les puristes, un gage de vouloir mieux faire pour les autres ; choisissez votre camp !), la bande de Dylan Baldi revient donc à la charge après l’excellent Life without sound. De cette galette qui fleurait bon la mélodique rageuse, les potentiels singles façonnés pour les campus US, le groupe semble avoir pris quelques distances. Ciao l’introduction délicate mêlant piano et mélodie pop! Avec On an edge, on entre dans le vif du sujet sans ménagement. Les accents ensoleillés, à la Nada Surf sont désormais comptés (Offer an end, So right so clean, Another way of life), tandis que les accointances avec METZ et surtout At The Drive-In se font plus évidentes grâce à une esthétique hardcore prédominante, notamment dans cette voix éructée, viscérale, aux confins de la crise de delirium (The echo of the world).
On roule à tombeau ouvert tout en gardant par devers soi une ambiance juvénile, charriée par un groupe morgueux forgeant ses titres dans un punk teigneux (In shame), la guitare déchargeant une bonne dose de brutalité bien que les potards ne semblent pas pointer dans le rouge (Leave him now). Du coup, c’est du côté de la batterie qu’il faut se pencher : ça cavale fort et oui la proximité avec Blink-182, évoquée pour le précédent disque, est toujours d’actualité, surtout dans le jeu de basse (Another way of life). Le piano mis au placard, les arpèges de guitares aussi, alors doit-on tout bonnement classer ce disque au rayon punk? Cela serait sans compter Dissolution, morceau épique de 10 minutes et 51 secondes, un format cher aux keupons… ou plutôt au psychédélisme, style conchié par lesdits pourfendeurs de Pink Floyd and Co. Oui Cloud Nothings n’invente rien mais ose des mariages incongrus. Certes, ce n’est pas la première fois que le groupe se laisse aller, rallongeant la sauce (le furieux Wasted days – in Attack on memory, 2012 – est La claque nécessaire des matins où même la douche ne semble pas faire effet), mais ce titre résolument expérimental, noisy sonne comme une folle et lumineuse aberration au cœur de ce disque à la rage constante.
Moins mainstream que la livraison de 2017, ce 8-titres est un disque incendiaire sous tous rapports. Mariant le punk nerveux, sans pour autant être simpliste, à l’audace psychédélique, Last building burning confirme la trajectoire discographique « biscornue » de la bande de Cleveland. A quand un retour dans l’Hexagone ? De préférence dans l’Est…
-Benoît GILBERT
(Cloud Nothings, The echo of the world)
Artiste : CLOUD NOTHINGS
Album : Last building burning
Label/distribution : Carpark Records
Date de sortie : 19/10/2018
Genre : indie rock / noisy rock
Catégorie : Album rock