Un grand plaisir que de retrouver ce festival qui ne cesse de rendre de l’ampleur année après année, annoncé complet pour ce premier soir et qui pour sa 18ème édition s’est à nouveau illustré par une belle programmation plutôt juvénile et internationale.
Après avoir déposé quelques jeunes dans un camping déjà très animé et festif, direction la grande scène du festival pour assister au concert du groupe Hollysiz, jouissant depuis quelques années d’une solide réputation sur scène. Cécile, dans un joli costume blanc, cherche sans arrêt à aller à la rencontre du public, l’invitant à suer, à chanter et à danser au son des titres tirés de leurs deux premiers albums. La chanteuse se démène, mais le public – qui grossit cependant peu à peu – semble assez réservé, appréciant néanmoins les belles interprétations comme Love in a temple. Le groupe ne lâche rien, et débordant d’énergie électrise les spectateurs avec Karma, encore davantage avec Rather Than Talking et son refrain irrésistible toutes mains déployées, avant l’apothéose sur Come back to me, avec lequel Cécile finit dans le public. Le festival ne pouvait pas rêver meilleur départ.
Le timing serrée des deux scènes à disposition des artistes font que sitôt ce bon concert achevé, rendez vous est pris avec The Wan jouant sur la scène Mont d’Or sans autre concurrence pour le groupe bisontin. Très concentrés, voir un peu stressés, les musiciens défendent avec brio et détermination les titres issus de leur bel album Amazing 8 à la genèse incroyable. Le public, entre « supporters » locaux et festivaliers intéressés découvrent un set punchy, rythmé, où chaque titre dévoile une énergie formidable, comme notamment Too proud to love you. Chaque minute est joué comme la dernière, le chanteur Dorian et ses compagnons donnent tout dans ce qui de l’avis de leurs proches un de leurs meilleurs concerts. Les applaudissements nourris n’en sont que plus mérités, et nous leur souhaitons de poursuivre ainsi leur tournée estivale.
L’artiste à suivre fut évoqué par le même Dorian, et Asaf Avidan est sans contestation possible la « star » internationale de la soirée. C’est aussi l’occasion de le voir dans notre région, après l’annulation de son concert à Dole au printemps dernier (reportée en octobre). Seul sur scène, entouré de multiples guitares, il interprète ses titres dans une ambiance particulièrement introvertie et intime, permettant de profiter au mieux de sa voix exceptionnelle laissant dire que Janis Joplin a (enfin) son clone masculin. L’émotion est là : comment ne pas être touché, voir déstabilisé et conquis par un titre comme Different pulses ? C’est peut-être aussi les limites d’une telle interprétation : l’écoute religieuse ne colle peut-être pas avec un festival dépassant les 12000 personnes, dont la majorité a surtout envie de danser et se dandiner. Cette forme d’incompréhension semble atteindre un paroxysme avec le tube One Day, dont beaucoup espèrent un emballement (succès du remix oblige), Asaf restant à la formule du set guitare-voix. Une impression au final tempérée et partagée, en se disant que la prochaine étape doloise de l’artiste est peut être la meilleure formule pour apprécier tout son talent.
Après un moment restauration permettant d’apprécier d’excellents produits locaux, et des échanges sympathiques avec des fidèles auditeurs, la grande scène change encore de style avec Tiken Jah Fakoly. La présence de l’ivoirien permet de rappeler combien le reggae demeure toujours aussi populaire dans un festival français – le public était vraiment très nombreux -, avec un message très politique et très engagé. Tiken Jah poursuit depuis des années cette volonté d’éveiller les consciences , en soulignant surtout les injustices subies par le peuple africain, quitte à critiquer le passé de la France (Plus rien ne m’étonne, Y’en a marre ou Françafrique). Rien à dire pour la prestation d’ensemble, qui fait preuve d’une grande efficacité, et souligne à quel point Tiken Jah fait partie de cette communauté musicale recherchée par tous les programmateurs : une valeur sûre, intemporelle, et performance.
L’absence de temps mort se poursuit avec le groupe Bigger qui monte sur l’autre scène avec un très léger retard. Minuit est passé de quelques minutes, et le quintet déjà bien connu à Besançon (passage à Détonation, aux PDZ ou à l’Antonnoir) commence à jouer son rock ténébreux avec des refrains particulièrement lumineux, le tout lorgnant entre Nick Cave et les Beatles, en passant par Baxter Dury ou même Pink Floyd : le titre Burn en est un exemple évident. Le groupe franc-comtois, participant à l’opération Iceberg à l’initiative des Eurockéennes pour travailler la présence sur scène, se montre particulièrement à l’aise et livre un set abouti et très rock’n’roll. Un groupe qu’il faudra continuer de suivre de près, dans notre région comme ailleurs.
En ce qui nous concerne, la soirée de clôture se ferra avec Ofenbach. Producteurs et musiciens, le jeune duo parisien après des remix remarqués (comme Hyphen Hyphen) ont trouvé un style mêlant deep house sensuelle teintée d’électro et de rock. Ofenbach s’attaque aussi bien à des tubes rock ou électro revisités (Joan Jet, les Red Hot ou Daft Punk) revisités et reboostés dans un set endiablé un peu à la manière du programme proposé par les Shoes à Rock en Seine en 2017. Ce dosage subtil avec leurs propres compositions permet au groupe de se faire plaisir, et de relancer régulièrement le public à se déhancher ; prise de risque minimum pour certains, futur grand de la scène électro pour d’autres, le groupe comme d’autres a ses détracteurs et ses fans. Force est de reconnaître que les jeunes musiciens n’ont pas ménagé leurs efforts pour transformer la grande scène en piste de danse géante pour parfaitement clôturer cette première journée. La fièvre du vendredi soir.
Bravo à Métabief qui en dépit de la concurrence des festivals, des enjeux sécuritaires toujours plus présents – combien de fois le message sur le plan vigipirate a-t-il été diffusé sur les scènes ?- et d’un public toujours plus exigeant, réussir à faire de ce bel écrin de verdure un festival populaire et réussi. A Métabief, la bonne musique n’est pas prête d’être sur la paille.
Julien Lagalice
Photos : Festival de la paille @Visual Break/MS Studio ; France 3 Bourgogne-Franche Comté @F3FrancheComte; Julien Lagalice.r