Dimanche, J3
En route pour la dernière journée du festival, et pas la moins chargée ! Bien que couchés tard (on refait le match du samedi en rentrant et on mange pas mal : la pythie vient en marchant – les initiés comprendront), Sensation Rock est à nouveau sur les rails pour les concerts démarrant à 11h05.
N.B. : Ayant assisté à une trentaine de concerts ce dimanche, nous avons décidé de découper en trois parties ce live report afin de ne pas effrayer nos lecteurs. Ici sont évoqués les premiers. Suivront dans une seconde partie ceux vus à partir de 15h et enfin ceux de la soirée.
Bonne lecture.
C’est aux Toulousains de Plebeian Grandstand qu’incombe la responsabilité d’inaugurer au Temple à 11h devant un public on ne peut plus clairsemé pour cette troisième et dernière journée de l’édition 2018 du Hellfest. En fait la description de la musique du groupe dans l’appli du fest, à savoir l’allusion à Deathspell Omega, m’imposait de ne pas les rater. Devant nous, quatre mecs (guitare, basse, batterie, chant), cheveux courts, torse-poils, shorts noirs et des tripes à revendre… rien de poseur : visuellement, le set est d’une grande sobriété. A nos oreilles et pour rester dans le descriptif : Avant-garde black metal / mathcore / powerviolence (cf. Metal Archives)…
PG, c’est effectivement un peu tout ça ! …Oui, Deathspell Omega, par instants, pour les influences black, Botch étant la référence qui me vient spontanément à l’esprit pour évoquer l’aspect mathcorede leur musique : vocaux atrabilaires, riffs torturés, dissonances savantes et rythmes frénétiques s’abattent sur une assemblée certes peu nombreuse, mais scotchée !!! Le groupe, qui roule sa bosse depuis un moment aurait clairement mérité de se produire sur un créneau leur permettant de toucher un plus large public. C’est ainsi.
Marion a filé sur les Main Stages, Fred et Eric s’installent au Temple, quant à moi je me hâte de gagner la Warzone. 11h05, un créneau pas facile, peu fédérateur mais au combien précieux pour les jeunots de Pogo Car Crash Control. Un public est là. Ont-ils dormi sur place ? Fait nuit blanche ? Aucune idée.
Ils sont plus matinaux que moi mais nous assistons à la même chose : un concert déjanté. Les Franciliens se donnent à 200% sous une température déjà bien pesante. Sans complexe apparent, le quatuor déverse sur cette scène ses titres décapants (Conseil, Crève, …) portés par le chant hardcore et dont la justesse semble jouer à colin maillard au bord de la falaise. Sans complexe vous disais-je.
Une attitude qui ne semble pas déplaire à la foule interpelée par un « vous êtes plutôt matinaux pour un dimanche de festival ! Allez hop, Wall of death ! Et cette dernière s’exécuta, il est 11h20. (…) Pas comble mais totalement réceptive, la fosse warzonienne sort de là en nage. La journée est bien loin d’être finie…
On enchaine avec le thrash de Crisix sous l’Altar. Depuis quelques années déjà, on assiste à un véritable revival thrash avec des combos comme Evile, Municipal Waste, Warbringer, Insanity Alert et tant d’autres, certains piochant leurs influences du côté du Big four américain, d’autres, de l’Allemagne. Crisix, formé en 2011 sur les cendres de Crysys, quatre albums au compteur, a manifestement la ferme intention de se faire une place en tête de la horde pléthorique des groupes à l’œuvre pour ramener le genre à ses heures glorieuses.
En toile de fond, le logo du groupe et, dans les coins supérieurs, celui d’une boisson énergisante : endorsement quand tu nous tiens ! Le set démarre sur les chapeaux de roues, mode crissement de pneus, tout est parfaitement en place, un peu trop même. Très rapidement, Eric et moi sentons poindre l’impression désagréable d’assister à une prestation mise en scène jusqu’au mime de la spontanéité.
Au même moment à la Valley, Lucifer, formation empreinte de revival 70’s et avec des faux airs des excellents Blues Pills, propose un concert lumineux. Ici, c’est veste à frange, costume de velour, décolleté plongeant pour Johanna Sadonis (ex-voix de The Oath) et motifs psychédéliques. Côté son, Black Sabbath vient tout de suite à l’esprit avec une distorsion des plus vintages et abrasives pour ce doom ensorcelant.
Après la claque PCCC, c’est l’enchainement idéal. Seuls 6 titres sont à dénombrer pour ce passage sous le chapiteau (Anubis, Abracadabra, California son, Dreamer, Phoenix et Faux Pharaoh), mais en une demi-heure il est difficile de faire autrement. Par-delà les franges de la chanteuse à voix de Loreleï, il y a Nicke Andersson à la batterie. Le leader de The Hellacopters – également présents cette nuit – assure même sans guitare. En somme, c’est une agréable découverte avant de regagner la WZ.
C’est au tour du quatuor lithuanien Au Dessus de délivrer son black classieux sur la scène du Temple. Le groupe originaire de Vilnius, formé en 2014 et récemment signé sur le label français indépendant Les acteurs de l’ombre, s’inscrit, aux côtés de formations telles que Regarde les hommes tomber ou encore Uada, dans la mouvance que les Polonais de Mgła ont définie, voire codifiée avec leur fantastique album-compendium Exercices in Futility en 2015, et que certains esprits caustiques seraient tentés de réduire à… black à capuche ! Et c’est effectivement encapuchonnés – impression d’adeptat – que les musiciens entament le premier des quatre longs morceaux de leur set, un peu trop appliqué et canalisé, certes, mais qui réservera son lot de moments de grâce !
Besoin de rock potache ? Direction la Warzone. En cette heure d’apéritif dominical, il y a The Good, The Bad And The Zugly – avec un grand Z, s’il vous plaît ! – sur la scène à dominante keuponk. Les jeunots d’Oslo sont dans la place et font un vacarme de tous les diables avec leur set décapant (Who will save scandirock ?, L.T.M.F, …).
Le chanteur Ivat est une vraie pile électique qui ne cesse de faire des blagues parfois insaisissables. Dans un registre coincé entre Turbonegro, qui clotureront sur la même scène dans quelques heures, et les très en vogue Kvelertak, les Norvégiens utilisent avec intelligence leur demi-heure pour séduire un public qui ne les connaît peut-être pas encore (tout comme moi). Le moment est propice à la déconnade jusqu’au final Fucking is awesome. Un groupe à retrouver en club pour davantage de rigolade.
Restons sur cette scène pour évoquer The Lords Of Altamont. Comme il y a quelques semaines lors du festival Circasismic (Besançon), le fait de voir le gang de L.A. est un réel plaisir. The Preacher et sa bande débarquant sur la Warzone en début d’après-midi viennent régaler le public avec les 12 titres du jour, parmi lesquels, Action, Live fast ou Like a bird fonctionnent tels des crochets qui touchent l’auditoire.
Une fois encore, Cavaliere est au centre des regards. Excellant à l’orgue Farfisa quand il ne le prend pas pour un piédestal, il offre une prestation résolument rock’n’roll. Psychédéliques et totalement addictifs, les titres de TLOA sont grisants, bref dans un registre peu courant sur cette scène mais qui ravit à 100% les spectateurs. Le temps passe à vitesse grand V, les 12 titres sont derrière nous que cela fut bon !
Il est très curieux d’observer le public présent devant la scène d’In This Moment, un parfait mélange entre sceptiques et curieux. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Pourtant un des groupes les plus attendus tellement leurs passages français se font rares, In This Moment ont délivré une prestation ni bonne, ni mauvaise. On en ressort mitigés. Autant Maria Brink et les musiciens semblent excellents indépendamment, autant ensemble, c’est particulier. In This Moment est de ces groupes avec lesquels on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. Maria Brink a une voix absolument exceptionnelle, à la limite du rauque sexy, mais alors la prestation proposée cet après-midi va au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Malheureusement, son organe a mis du temps à se faire entendre, le son n’était pas au top et la mise en scène était beaucoup trop théâtrale, allant parfois jusqu’à gâcher les morceaux car omniprésente sur le fait de chanter par exemple. Très dommage !
A 14h15, c’est sous le regard inquiétant d’une représentation de la déesse Kali – la variante aux dix bras – ornant le backdrop au fond de la scène de la Valley que le public patiente dans l’attente des Finlandais de Grave Pleasures, dont c’est la seconde venue en terres clissonaises. Grave Pleasures est l’un des nombreux projets – sans doute le principal et le plus pop – du vocaliste touche-à-tout Mathew McNerney (ex-Dodheimsgard, ex-Code, Gangrenator, Hexvessel… de l’avant-garde black metal au folk rock en passant par le grindcore…).
L’album Climax (2013) de Beastmilk, nom du groupe avant qu’il n’en change en 2015 peut être considéré comme une sorte de classique instantané du post-punk / cold wave moderne : quatre des neuf morceaux interprétés durant la prestation en sont d’ailleurs issus comme s’il était nécessaire, pour Grave Pleasures, d’affirmer qu’il est encore et sera toujours Beastmilk. Sur scène, les membres du groupe dont Juho Vanhanen de Oranssi Pazuzu, ondulent autour de McNerney, ce dernier, poseur juste ce qu’il faut – avec quelque chose de Dave Gahan – et le plus souvent tout sourire donnant à l’ensemble un côté complètement décalé : le froid et le chaleureux en même temps !
À suivre les concerts à partir de 15h.
-Marion ARNAL, Fred et Benoît GILBERT
-Crédits photos : Benoît GILBERT, Eric