Samedi, Jour J2 – La fin
N.B. : Ayant assisté à trentaine de concerts ce samedi, nous avons décidé de découper en trois parties ce live report afin de ne pas effrayer nos lecteurs. Précédemment ont été évoqués 20 concerts. Dans cette troisième partie sont décrits les shows ayant eu lieu durant la soirée.
Bonne lecture.
Nous nous dirigeons ensuite vers l’Altar afin d’assister à la prestation très attendue des Finnois de Children of Bodom. Très attendue, peut-être même trop…? C’est avec déception que nous quittons la tente au bout de trois chansons, après avoir constaté le massacre de Are you dead yet, in your face et Living Dead Beat. Le batteur ne joue pas au bon tempo ses propres morceaux, le son n’est pas très bon… En bref, ce n’est pas une prestation que l’on retiendra, malgré l’amour que l’on porte à Alexi Laiho. Dommage, ce sera pour une prochaine fois !
Retour sous la Valley où se produit à 21h50 le nouveau super-groupe composé du batteur Dave Lombardo (ex-Slayer…) et du vocaliste Mike Patton (Faith no More …), accompagnés de Justin Pearson (Retox / The Locust) à la basse et Michael Crain (Retox) à la guitare, lesquels, s’ils ne bénéficient pas de la même renommée que les deux têtes d’affiche, n’en sont pas moins des orfèvres en matière de hardcore bruitiste. Comparée à celle de Fantômas, projet complètement barré et expérimental, l’expression musicale de cette nouvelle collaboration Lombardo / Patton se veut plus directe, plus in your face, flirtant parfois avec le grind le plus dévastateur.
La quasi-totalité de la discographie du groupe (1 LP et 1 EP) ainsi que quelques reprises sont interprétées devant un public complètement médusé. Deux moments cocasses pendant ce concert brindezingue : Patton invitant un gamin à le rejoindre sur scène le temps d’un morceau et le faisant participer ; Patton, toujours, se laissant aller à quelques propos bien sarcastiques sur Johnny Depp et ses Hollywood Vampires…
(…) Et c’est reparti pour le quart d’heure nu-metal sur les Main Stages avec Limp Bizkit. Erreur de casting ou juste mauvaise journée ? On ne saura pas vraiment ce qu’il s’est passé à ce moment-là non plus, mais quoi qu’il en soit, nous avons profité de ce terrible moment pour aller manger (et c’était bien meilleur que le set de Fred Durst et ses comparses), tout en restant au fond de la fosse pour assister au massacre de loin via les écrans. Alterner un morceau chanté avec deux morceaux diffusés aux platines, quelle drôle d’idée quand on est prévu sur un horaire de tête d’affiche. Ce grand n’importe quoi continue avec La Marseillaise, entonnée par Fred Durst et reprise par la foule entière qui tient à la chanter intégralement, prenant de court le leader qui ne sait plus où se mettre. Il semblerait que le groupe n’a alors plus de titres de leur répertoire à interpréter car s’en suit un medley de reprises, allant de Master of puppets à Smells like teen spirit en passant par Wasted years et South of heaven, puis Killing in the name of… et enfin Faith de George Michael. Enfin, le set se termine sur Break stuff et Take a look around et nous n’avons jamais été aussi contents que Fred Durst quitte la scène.
Il y a vingt ans le black metal était considéré comme une forme d’expression artistique infréquentable, voire “dangereuse”. Les agissements de certains des acteurs originels de cette scène ont bien sûr contribué, avec zèle parfois, à lui donner ses lettres d’infamie. Mais qui éprouve encore aujourd’hui ne serait-ce qu’un frisson d’appréhension à l’idée d’assister à un show black metal dans le cadre d’un grand festival? Watain voue un culte aux Grands Anciens : Mayhem et Dissection en tête, ou du moins aux idées qui présidaient à leurs sombres motifs. Beaucoup de rumeurs – qui a dit légendes ? – à leur propos : ‘ faut pas se tenir aux premiers rangs, ils balancent du sang sur le public !!!… ils puent la mort, leurs tenues de scène accumulent leurs fluides corporels depuis vingt ans !!!… ce sont des “True Believers“, ils “pratiquent” pour de vrai !!!… Ces préliminaires juste pour dire que quand bien même tout ce folklore est ce qu’il est, se tenir devant la scène éclairée “rouge écarlate” sur laquelle va avoir lieu la cérémonie qui se prépare déjà sans doute en coulisses, à l’abri des regards profanes, a quelque chose d’inquiétant, d’excitant… de motivant : une forêt de tridents, de cierges noirs, de croix retournées, l’autel dressé devant la batterie…
À presque 23h00 et sur fond de chants monastiques, E. (Erick Danielsson, chant), flambeau à la main et P. (Pelle Forsberg, guitare), deux des membres de la trinité – H. (Håkan Jonsson, batterie) ne souhaitant plus tourner – accompagnés de trois live musicians (guitare, basse, batterie) investissent la scène. Les chants se taisent, comme intimidés par l’arrivée des Suédois. E. embrase les cierges et deux tridents. Les premiers accords de Stellarvore retentissent… flashs bleus glacés sur ambiance pourpre… Tous les albums du groupe seront visités, Trident Wolf Eclipse, le dernier en date plus particulièrement, tout au long d’une liturgie dont le public ne peut que deviner les règles. Alors oui, E. a manipulé du sang et à plusieurs reprises, nous a invités à le rejoindre en enfer : « Join us !!! » Diabolus in musica est le titre d’un album de reprises de Slayer et celui d’un roman de Yann Apperry. C’est surtout un accord musical – le triton – dont l’utilisation dans la musique baroque fut interdit par l’Eglise paraît-il ! Mon moment Diabolus in musica du Hellfest 2018, je l’ai ressenti pendant le morceau Devil’s Blood de l’album Casus Luciferi… quel riff !!! A revoir en novembre, avec Rotting Christ et Profanatica, au Grillen à Colmar…
Back to 80’s avec Cro-Mags. C’est avec une certaine nostalgie et donc plaisir que nombre de festivaliers accueillent l’entrée sur la Warzone des Américains. Pour ma part c’est une première avec le gang new yorkais. Et soyons clairs, CM c’est du punk addictif, un peu comme Hard-Ons la veille. D’emblée, We gotta know et World peace ravissent un public jouissant d’un grand moment récréatif. La basse bave à profusion avec sa disto graisseuse et suce la roue d’une batterie cavalant à tombeau ouvert.
Avec une formation pour moitié originelle – mais qu’importe, quand la musique est bonne (je m’arrête là !) – la foule réagit au quart de tour durant cette heure, et avec la même intensité lorsque le groupe enchaîne deux morceaux des Bad Brains (Right brigade et Attitude). Sur les hauteurs, une partie du public semble bien éreintée par les braillements de John Joseph, à moins qu’elle ne se réserve pour le bouquet final, Hatebreed…
(…) C’est désormais à la tête d’affiche de ce samedi de prendre place sur la Main Stage 1, pour une heure et demie d’hymnes cultes ayant fait la renommée de ses artistes. Avenged Sevenfold fait partie de ces groupes dont on se demande souvent si une tête d’affiche de festival leur est vraiment appropriée. Pourtant, après ce moment passé en leur compagnie, on ne peut que répondre que oui, ils la méritent largement ! Et ce, malgré les petits soucis qu’ils ont rencontrés ce soir. Très proches de Vinnie Paul, c’est donc sur Walk! que le groupe entre en scène. Ils débutent de suite avec The Stage, titre éponyme issu de leur dernier album. Comme leurs comparses de BFMV plus tôt dans la journée, nous assisterons ce soir à un set “best of” du groupe. C’est ainsi avec Afterlife que le groupe enchaîne, et très vite, nous nous apercevons que la voix du chanteur, M. Shadows, n’est pas en très grande forme. Le bassiste est également à côté de la plaque très régulièrement… Heureusement que les deux guitaristes sont là : Zacky Vengeance et Synyster Gates sont là pour faire le job, et ils le font très bien ! Afterlife est introduit par un solo de guitare de Synyster Gates, tandis que Zacky Vengeance supporte la voix de M. Shadows sur les choeurs. Hail to the King est introduite par quelques mots en hommage à Vinnie Paul. L’ambiance est survoltée, Welcome to the Family fait encore plus accroître la température et tout le monde chante en choeur, danse et saute en rythme avec M. Shadows. God Damn continue de rendre le public euphorique, le set est fabuleux et tout le monde passe un agréable moment.
Les guitaristes et M. Shadows profitent énormément de l’avancée de scène, allant au plus proche de la foule qui n’attend que ça. Buried Alive apporte un moment un peu plus calme et doux, le temps de se reposer un instant, avant que le moment le plus éprouvant du concert n’arrive… Tout le monde sort de scène, et une vidéo d’une interview de The Rev est diffusée sur les écrans, en hommage au batteur originel du groupe décédé en 2009, introduisant le titre le plus émouvant du groupe, So far away. M. Shadows annonce à la fin dédier ce morceau à Vinnie Paul ainsi qu’à toutes les personnes que l’on a perdue dans nos vies. C’est finalement sur Nightmare que le cauchemar de M. Shadows prend vie, avec sa voix qui disparaît au fil des chansons, il décide de demander à un fan de venir chanter ce titre culte et malheureusement, ce fan n’est pas aussi bon qu’il prétend l’être et les musiciens passent la chanson à rigoler, tandis que le fan chante de toute son âme et M. Shadows le supporte vocalement au niveau des choeurs. Finalement, le show continue avec Eternal Rest, M.I.A et Bat Country, avant de se terminer sur Unholy Confessions. C’était un concert éprouvant à tous niveaux, il n’était pas excellent dû aux soucis techniques rencontrés par le groupe et notamment par le fait d’avoir appris le matin-même le décès d’un de leurs amis, Vinnie Paul, mais la prestation n’en est que plus remarquable et appréciable. Le bassiste à beaucoup rigolé et les musiciens étaient vraiment heureux d’être là. Beaucoup de plaisir à été pris des deux côtés de la scène et c’était sans hésitation un des meilleurs moments de ce Hellfest.
A cette heure précise où le Hellfest semble s’être totalement déporté vers la MS1, les plus chevronnés des festivaliers sont sous l’Altar afin de prendre le uppercut Nile. La technique Monsieur, c’est la marque de fabrique de la bande emmenée par Karl Sanders. Côté public, on l’a dit les plus chevronnés, les plus pogoteurs de surcroît. On y va franco au rythme de la section rythmique et de la double grosse caisse blastée de George Kollias. Il est plus de minuit et ça carbure sévère sous la tente rouge. Âme sensible passe ta route, le sentier s’avère trop ardu. Ici les verres à l’effigie du festival finissent en confettis de plastique dur…
Il y a des groupes monumentaux qui ont fait une partie de l’histoire d’un genre musical qu’on affectionne et dont on ne s’explique pas ce qui nous a conduit à consciemment passer à côté et remettre toujours à plus tard la découverte de leurs oeuvres : Neurosis en est l’exemple parfait, en ce qui me concerne et ce soir, rien ne m’aurait fait manquer la prestation des Américains sous la Valley à minuit, pas même les virtuoses de Nile, se produisant à la même heure sous l’Altar.
Neurosis, trente-trois années d’existence et onze albums studios, est la figure de proue du post-metal, genre dont il a dessiné les contours au début des années 90. Le show est énorme de sobriété, de compacité et d’intensité. La musique de la formation est puissante mais sait ménager des moments d’assagissement, lente mais jamais monotone, les voix de Scott Kelly et de Steve Von Till, très similaires, expriment une rage rentrée et poignante et les éclairages bleutés m’évoquent le milieu aquatique, flux et reflux des marées. Il est temps pour moi de découvrir Neurosis.
01h05, faites place à la VÉRITABLE tête d’affiche du soir, celle qui a tout retourné sur son passage : les Australiens de Parkway Drive! Forts de la sortie de Reverence il y a quelques jours à peine, le combo est plus qu’en grande forme ce samedi. Le show débute sur Wishing Wells, le morceau ouvrant le nouvel opus du groupe. La scène est sombre et on ne distingue rien pendant le premier couplet du titre, avant que le premier “until I’m done” ne résonne et que la scène ne s’éclaire, laissant apparaître un Winston McCall au centre de la scène, entouré par ses camarades. Tout de suite, le showman au centre de tout le monde met à l’aise le public en lui intimant de se bouger. Nous l’avions remarqué dans le clip et dans l’album, ce premier titre est très théâtral et Winston en joue beaucoup. Il est désormais l’heure d’utiliser toute l’énergie gardée en soi lors de cette deuxième journée pour la mettre à profit, et de sauter en rythme sur Prey, morceau presque hymnique de ce nouvel opus. Au coeur de la foule, les premiers pogos, slammeurs et wall of death sont lancés. Tout le monde chante, danse, saute et tape dans ses mains. C’est un sacré bordel.
Des lampes couleurs feu éclairent la scène et sont aidées grâce aux installations de feu prévues par le Hellfest sur le côté de la fosse de la Main Stage 2. L’euphorie ne peut redescendre quand les Australiens balancent Vice Grip dans la foulée. Ils semblent d’ailleurs impressionnés par l’immense foule toujours présente à cette heure tardive pour leur prestation. Le groupe s’amuse autant que le public, c’est un réel plaisir d’assister à une prestation aussi folle et en symbiose totale. La setlist est incroyable, à coup de morceaux de IRE et de morceaux de Reverence, avec Wild Eyes, Karmaet Idols and Anchors en bonus. Dedicated et Cemetery Bloom font encore plus monter la pression du public, qui explose totalement avec The Void et son refrain entêtant “It’s alive, can you feel it taking hold again? In your mind, all your demons are rattling chains. Welcome to a world of pain !”. Des jets de feu sont expulsés au devant de la scène, la foule ne fait plus qu’un. Writing on the Walls et son “put your hands up, put your hands up” est repris en choeur par un public attentif et à l’écoute des manifestations de mouvement.
Les quatre musiciens sont d’ailleurs à l’occasion de ce titre sur des plateformes qui s’élèvent dans les airs. Parkway Drive est réputé pour faire un spectacle haut en couleur, et la prestation proposée au Hellfest ne dément pas la règle. Wild Eyes finit d’achever un public toujours en forme alors que deux heures du matin approche. Pourtant, il en reste encore sous la casquette des Australiens, qui ne sont pas venus pour jouer aux billes ! Crushed et Bottom Feeder concluent ce set incroyable, sous les feux d’artifice et face à une batterie en feu, tournant sur elle-même et avec un batteur continuant de jouer, livrant une prestation absolument incroyable. La scène est en feu également, tout est fou et c’est sur les notes finales de Bottom Feeder que le groupe quitte la scène, laissant apparaître un grand drapeau sur lequel figure la prochaine date française du groupe, petite surprise de dernière minute !
C’est au Temple que s’achève pour moi cette deuxième journée de festival avec Dimmu Borgir. J’ai vu Hatebreed il y a un peu plus d’un an à Besançon et Parkway Drive ne m’attire pas particulièrement. La scène est décorée du visuel du très récent Eonian : à l’avant, quatre panneaux imposants arborant des pentagrammes inversés, symbole de l’ennemi de l’homme. C’est le seul concert parmi ceux auxquels j’ai assisté de cette édition du Hellfest qui débutera avec un certain retard, l’utilisation par le groupe norvégien d’effets pyrotechniques expliquant sans doute les précautions supplémentaires prises par le staff. A cet instant, je ne ressens pas ne serait-ce que le millionième du malaise que j’ai ressenti à l’approche des démons de Watain.
Sur fond de samples et incantations diverses, alors qu’une brume envahit la scène sous un éclairage bleuté, les cinq Nazgûl bardes se positionnent, suivis de Shagrath, Nazgûl en chef. Les “tenues de scène” sont… comment dire… “Lordi-esque”! La suite ? Un show millimétré, poseur mais impressionnant, ou plutôt tape-à-l’œil comme un blockbuster de l’été, faisant bien entendu la part belle aux derniers albums, Eonianen tête… je n’ai pas suivi la “carrière” de Dimmu Borgir après Spiritual Black Dimensions (1999) : ceci explique peut-être cela. Je sors à la moitié du set, me remémorant mes émois, époques For All Tid, Stormblast et Enthrone Darkness Triumphant … Au loin, Parkway Drive : ça a l’air de masser !!!
Qui mieux que Hatebreed pour refermer cette journée hardcore sur la WZ tout en étant sûr que le public en aura pour son compte? C’est paré de son bandeau vissé sur le front à ras des yeux tel un Mike Muir que le frontman (jeu de mot !) Jamey Jasta déboule sur les planches. Son chant est maousse et généreux, de même, la performance des musiciens est sans concession alors que les Américains conclurent alors leur tour d’Europe.
Entre deux titres, le quintet originaire du Connecticut prend le temps de montrer toute sa gratitude, voire sa dette envers Cro-Mags et Madball, influenceurs qui les ont précédés aujourd’hui samedi. Les prêcheurs du metalcore soulèvent la foule de la Warzone avec To the threshold, Tear it down ou encore la grosse Bertha qu’est Smash your enemies. Pour sa sixième participation au festival clissonais, Hatebreed n’a pas baissé sa garde et a offert un show explosif comme une série de crochets gauche-droite. Il est 02h, l’heure de rentrer (certains à la petite cueillère). Les plus rétifs à cette idée gagnent le Metal Corner…
À suivre les concerts dimanche.
-Marion ARNAL, Fred et Benoît GILBERT
-Crédits photos : Benoît GILBERT, Eric