Samedi, Jour J2 – La suite
N.B. : Ayant assisté à trentaine de concerts ce samedi, nous avons décidé de découper en trois parties ce live report afin de ne pas effrayer nos lecteurs. Précédemment ont été évoqués les shows d’Eskimo Callboy, Jessica93, L7, Mispyrming, Knocked Loose, Psykup, 1000Mods, Oranssi Pazuzu et Turnstile. Dans cette seconde partie sont décrits les concerts ayant eu lieu à partir de 16h. Suivront enfin ceux de la soirée.
Bonne lecture.
Indubitablement, Ho99o9 (prononcez Horror) est l’OVNI de cette deuxième journée de festival, et c’est à 16h00, sous la Valley que ça se passe, étonnant, non ? Formé en 2012, le combo est la concrétisation de la volonté des deux protagonistes, Eaddy et The OGM, de fusionner leurs influences respectives punk et rap, Bad Brains et Wu-Tang Clan… Déjà fait, rien d’original pensez-vous ? Sur scène : une batterie, deux amplis Orange (simple décoration ?), une table (sampler, sequencer) et un immense backdrop représentant l’artwork de United States of Horror, premier album du groupe, à savoir un Christ à tête de nourrisson grimaçant crucifié sur un poignard et trois symboles : ceux de la paix et de l’anarchie entrelacés et une tête de mort emprisonnée par le cercle que fait un serpent se mordant la queue.
Après une courte introduction dub indus, le batteur session Brandon Pertzborn (Black Flag, Doyle…) suivi du duo investissent le théâtre des opérations et entament une performance hallucinante de brutalité : riffs de basse et de guitare samplés hachés menu ou en gros tronçons par le jeu de batterie alternant vitesse supersonique et ralentissements soudains, vocaux, tantôt éructés, tantôt lancinants, parfois déformés au mégaphone, tout concourt à faire de ce show sous la Valley un des grands moments punk de cette édition du Hellfest. Le public, dense, est subjugué : beaucoup de mouvements dans les premiers rangs. Ce que donne à voir et à entendre Ho99o9 sur scène ne dénature en rien la démence, l’intensité et l’urgence qui habitent leurs clips.
Nous avons pris une petite pause bien méritée avant que ne débute ce que nous avons surnommé “le quart d’heure 90’s nu-metal“, entamé avec Jonathan Davis en solitaire. Sur scène, le Californien que l’on ne présente plus est accompagné par deux instruments à cordes et un synthé, ainsi que l’original guitare-basse-batterie, pour nous proposer une prestation assez surprenante. Une petite dizaine de chansons est interprétée, dont neuf titres extraits de son nouvel album paru il y a quelques semaines à peine, Black Labyrinth, ainsi qu’un de son premier album solo de 2008, Forsaken, que l’on pouvait retrouver dans le film La reine des Damnés. Cette petite heure en compagnie du chanteur de KoRn est assez sympathique, quoiqu’un peu longuette pour un public pas forcément averti de ce que le chanteur peut désormais proposer.
Direction le Temple pour les Danois de Heilung et sans doute l’un des groupes qu’il me pressait le plus de découvrir ce jour, ayant visionné les vidéos de leur prestation au Castlefest 2017 (l’enregistrement Lifa est sorti en avril 2018 chez Season of Mist). Premier constat : le public est venu en nombre sous le chapiteau, les rangs sont serrés, très serrés. Il aurait fallu que je m’éclipse du set de Ho99o9 bien avant la fin pour me positionner de façon optimale et j’ai en horreur la pratique du “pousse toi de là que je m’y mette”. C’est donc frustré que j’assiste à une partie de leur proposition de “cérémonie chamanique”, de loin, sur le côté de la scène, des interférences sonores me parvenant de la Main stage (Jonathan Davis) et de la Warzone (Modern Life is War) pendant les passages les plus calmes, les plus “recueillis”.
La musique de Heilung est tripale en diable… euh… Loki… percussive / pulsative et terriblement immersive, les chants sonnent comme des formules magiques, scandées en boucle. La tribu est vêtue de costumes traditionnels (?), les instruments, si l’on excepte le(s) clavier(s), semblent artisanaux, métal, bois, peaux et os. Après les Norvégiens de Wardruna, les Allemands de Corvus Corax et les Français des Ramoneurs de Menhirs (… OK, je sors…) en 2017, le Hellfest semble avoir entériné l’idée d’un créneau dédié aux folklores – plus ou mois fantasmés – scandinaves et celtes…
Les groupes se suivent et se ressemblent sur la Warzone… Quenni ! Médisance ! Pis, ignorance. Modern Life Is War c’est du syncrétisme à l’état brut. Les mélodies héritées de la fin des 90’s, les riffs très The Hives se mêlent à un organe voisin de celui de Cedric Bixler-Zavala ( At The Drive-in). Un réel plaisir pour ma part.
Le responsable ? Jeffrey Eaton. L’homme derrière le microphone a lui aussi l’art et la manière d’attirer sur sa personne les regards. Les poses lors des séances de hurlements à gorge déployée (The Outsiders) ainsi que les grimaces nourrissent un public friand de postures énergiques, combattives et désinvoltes. Ça pulse, ça pogote, ça transpire à grandes eaux. MLIW, certainement la formation la plus violente sur ce créneau horaire très embouteillé. Et puis quand on a le bon goût de jouer I wanna be your dog et que l’on mord dans son micro à pleines dents… And now we’re gonna be face-to-face (…). Tout bonnement jubilatoire.
Il est 17h30 lorsque nous décidons enfin de nous restaurer, ce qui coupe court au débat : Memoriam sous l’Altar versus Dälek sous la Valley ? D’un côté, le death metal du nouveau groupe composé de vétérans des cultissimes Bolt Thrower et Benediction, de l’autre le hip-hop bruitiste et sombre remis en activité en 2015 par MC Dälek sans Oktopus aux platines après un hiatus de quatre années. J’ai vu Dälek à trois reprises entre 2007 et 2009 et j’ai un souvenir intact de leur concert à la Poudrière, dont je me demande encore comment les murs ne se sont pas effondrés tant ils avaient tremblé !!!
Jetant une oreille, je constate que le public de la Valley a droit à des titres mastoques : Echoes of, Paragraphs relentless, … Je leur souhaite un set du même acabit que celui de Belfort. Pour ma part, direction le barbecue du “Bœuf Argentin” !
18h35, terreur sur la Warzone. Pour anecdote, si en cette fin d’après-midi le groupe californien attire en masse les festivaliers, il est à savoir que la veille, la bande emmenée par Scott Vogel jouait à Besançon. Eh oui ! Précisément à L’Antonnoir, devant une petite centaine de personnes… Demain est un autre jour ! Voilà une expression que le chanteur a dû avoir en tête dans le tour bus qui l’acheminait jusqu’en Loire-Atlantique.
L’homme est heureux et incite la marée humaine à vibrer au rythme des titres punk hardcore. Overcome, Stick tight ou encore Live by the code font mouche : le pogo est récurrent et les slammers se comptent par vingtaine lors de chaque morceau. La sécurité de la Warzone est sans conteste la plus sollicitée au cours de ce weekend. Efficace, souriante et d’une patience sans faille ; chapeau bas messieurs !
Côté scènes principales, le “quart d’heure 90’s nu-metal” continue avec Bullet for my Valentine, groupe incontournable pour ceux partis à la découverte du metal et de ses différents genres. Trêve de blablaterie, BFM(T)V font ce qu’ils savent faire de mieux en festival, c’est-à-dire une setlist très ouverte pour que le public découvre l’univers de la formation galloise. Ainsi, quatre titres du nouvel album Gravity sont joués, alors que les neuf autres titres s’étalent sur toute la discographie du combo. Les musiciens semblent en très grande forme, vraiment heureux de retrouver leur public français et l’ambiance au coeur de la foule électrique. Tout le monde semble passer un agréable moment, particulièrement lors de Scream Aim Fire, Your betrayal et Tears don’t fall, les chansons les plus illustres du groupe. Mais cela n’empêche pas les premiers rangs de connaître par coeur les premiers extraits de Gravity (Over it, Don’t need you, Piece of me et Letting you go) ainsi que d’apprécier des morceaux comme You want a battle ? (here’s a war) ou Waking the demon. Nous avons également passé un excellent moment avec un groupe attendu par une foule ravie de la prestation des Britanniques, même si l’on regrettera l’absence de communication régulière entre le chanteur et son public ainsi que des blancs à peine trop longs entre chaque chanson. Certains ont pris un coup de chaud. Que cela ne tienne, ils peuvent cette année se rafraîchir sous les imposantes portes d’eau, une attraction fort prisée.
Retour aux affaires sous la Valley à 19h40 avec des habitués du festival : les Londoniens d’Orange Goblin et leur stoner metal brut de décoffrage. Le line-up du quatuor n’a jamais changé depuis sa formation en 1995, une gageure. De plus, les membres du groupe ne sont pour ainsi dire impliqués dans aucun autre projet : ça en dit long sur la solidité du combo ! The Wolf Bites Back, leur neuvième album est sorti une semaine auparavant et c’est avec le morceau d’ouverture de ce dernier, Sons of Salem, que débutent les hostilités sous les acclamations du public. Le groupe dégaine alors son “Ace Of Spades”, le furieux The Devil’s Whip qui va instantanément provoquer une “émeute” dans la fosse : impressionnant !!! La mécanique est bien huilée, la suite du set ne faiblira pas.
De retour de la Main Stage 1 où le nu metal des Deftones n’aura pas réussi à me retenir plus d’un quart d’heure (…), je m’attarde le temps de quelques morceaux aux abords du Temple. Le show des vétérans norvégiens d’Enslaved (vu une fois à la Poudrière de Belfort en 2007) bat son plein. Le peu que j’ai vu et entendu de leur black progressif : sobre, habité, puissant, sincère… Désolé Chino mais il y avait mieux ailleurs.
C’est mon premier Hellfest, mais je commence à avoir des certitudes : Temple, Valley, Warzone, Altar, c’est là que ça se passe !
C’est là sur un site où évoluent 60 000 personnes par jour, que l’on peut se retrouver, sans jouer des coudes, installé aux premiers rangs, … La plupart du temps …
À suivre les concerts de la soirée.
-Marion ARNAL, Fred et Benoît GILBERT
-Crédits photos : Benoît GILBERT, Eric