14 ans après la sortie de leur dernier album Audit in Progress, le quatuor californien Hot Snakes revient en force avec une galette explosive et déchaînée nommée Jericho Sirens. Force est de constater qu’après toutes ces années muré dans un silence paradoxal, le groupe de San Diego n’a rien perdu de sa fougue.
Depuis 2004, date de la sortie de leur dernier long-format, Hot Snakes n’avait quasiment pas fait parler de lui. Une quinzaine d’années donc que la bande n’était pas venue casser des gueules dans les vastes contrées du rock indépendant.
Formés par Rick Froberg et John Reis en 1999, tous deux guitaristes et chanteurs mais également fondateurs du regretté Drive Like Jehu (un groupe mythique de la scène underground des 90’s), les « serpents chauds » développent un post-hardcore sans concession teinté de garage et de punk. Après trois essais salués par la critique spécialisée sortis entre 2000 et 2004, la formation s’était quasiment retirée des écrans radars jusqu’à l’été dernier, moment où ils officialisèrent un contrat avec le gigantesque label indé Sub Pop. S’ensuit alors la réédition de leurs trois albums initiaux et la publication en janvier, d’un premier extrait de leur nouvel effort, promettant un retour fracassant.
La formule musicalement proposée par les Hot Snakes est on ne peut plus simple, mélanger avec malice les éléments basiques et simplistes du punk avec les motifs complexes et alambiqués du post-hardcore. En résulte donc des titres relativement courts d’une puissance et d’une énergie rare, caractérisés par un chant à la limite de la rupture.
Jericho Sirens ne déroge pas à la règle et développe, trente petites minutes durant, dix titres fidèles aux fondamentaux véhiculés depuis toujours par le groupe. Hot Snakes reprend les mêmes et recommence, comme en 2004. Les guitares de Froberg et de Reis se veulent toujours aussi tranchantes, flirtant même parfois avec les limites de la dissonance. Le chant du premier guitariste cité est encore furieux et juvénile, comme si le temps s’était arrêté depuis Automatic Midnight. La batterie de Mario Rubalcaba et la basse de Gar Wood s’imposent comme les piliers rythmiques nécessaires au tempo soutenu distillé tout au long de l’album.
De l’ouverture I Need a Doctor au final Death of a Sportsman, Hot Snakes ne lâche pas son auditeur et propose des compositions d’une urgence démente. Toutes les chansons de l’album frappent fort et ne laissent pas de répit aux oreilles courageuses qui se seraient frottées aux « sirènes de Jericho ». L’extrait dévoilé l’hiver dernier Six Wave Hold-Down s’impose incontestablement comme LE tube du dernier effort des californiens, on y retrouve différentes émotions dont un refrain un brin mélancolique apportant presque un côté pop paradoxal pour un groupe de cet acabit. Le titre éponyme, quant à lui, laisse une place furtive à l’ajout de quelques notes introductives de clavier (qui ne sont pas sans rappeler celles du formidable brûlot 5.45 de Gang of Four, vraiment…) que l’on peut également retrouver sur la chanson qui clôture l’album. Death Doula ou Psychoactive se présentent comme de véritables pépites aux mélodies rageuses magnifiées par les hurlements hargneux de Froberg. La voix de ce dernier est un véritable appel au lâcher-prise, c’est la voix de quelqu’un qui ne triche pas, de quelqu’un prêt à en découdre à tous les instants.
L’influence de l’héritage de Drive Like Jehu plane inéluctablement tout au long de l’album, même si Hot Snakes laisse de côté les intermèdes atmosphériques à rallonge pour des compositions plus frontales et non moins percutantes. Les connaisseurs reconnaîtront également des références survitaminées à Fugazi ou encore à Unwound dans l’approche rythmique et mélodique. Dans un contexte plus actuel, on peut aussi rapprocher le son agressif des californiens à celui du jeune groupe canadien Metz, dans une forme un peu moins noise cependant.
À l’image de sa pochette montrant un surfeur ressemblant étrangement à Woody Harrelson, l’album se présente comme une véritable vague de fraîcheur dans le monde quelque peu aseptisé du rock actuel. Les trente courtes minutes qui composent le disque se révèlent être de véritables exutoires intenses et efficaces, illustrant à merveille la maitrise technique du quatuor.
Après tant d’années silencieuses (un comble pour un groupe qui fait autant de bruit), les vétérans de Hot Snakes assènent un uppercut lourd et brutal au visage de l’indie rock et montrent qu’ils sont plus que jamais de la partie. Jericho Sirens n’y va pas par quatre chemins et use toujours de la même formule, chère au groupe, pour livrer une musique puissamment cathartique.
- Hugo COUILLARD
Artiste : Hot Snakes
Album : Jericho Sirens
Label : Sub Pop
Date de sortie : 16/03/2018
Genre : Post-hardcore
Catégorie : Album rock