Touche à tout émérite et producteur brillant, le space cow-boy de Nashville sort un 3e album ovni aussi déroutant qu’illuminé. Et n’en déplaise aux aficionados des premières heures ou autres chroniqueurs rock mondains, bien que franchement étrange à première écoute, l’expérience s’avère finalement assez jubilatoire…Et toc…
Bon, je ne vais pas le cacher, à la base, j’aime assez le Jack White standard, musicien polymorphe multi-style, et dénicheur-producteur hors-pair. Son CV impressionne et ratisse large. De tubes pop-rock planétaires aux participations triomphantes, de discrètes, voir insignifiantes ballades country-blues (sa véritable substruction), aux underground voir lumineuses productions ou découvertes, le cadet des White de Detroit, exilé à Nashville, inspire à priori le respect.
Autant dire qu’un nouvel album de ce petit génie est attendu comme le Beaujolais nouveau dans l’Empire du Soleil Levant.
Avec Boarding House Reach, de prime abord, l’animal n’a pas vraiment cherché à plaire à son parterre d’admirateurs de tous poils.
Enfermé dans son flat du Tennessee, dégoulinant de matos vintage et d’illuminations musicales, le petit Jack nous a pondu un ovni. Sans surprise sur ses 2 premiers efforts solo, il a cette fois méticuleusement décortiqué son énergie créatrice, parfois à la limite de l’intellection, usant ou abusant de la moindre trouvaille, du moindre éclair, jusqu’à accoucher de ces 13 pistes, quelquefois inégales il faut en convenir, mais ô combien plus intéressantes que celles d’autres célèbres contemporains, suffocant tant bien que mal dans le désert de leurs productions ruminées.
Connected By Love ouvre l’album de la meilleure façon, ou la voix, puissance contenue et déchirée, croise des chœurs gospel serrés, tendus, le tout ponctué d’un double solo de clavier et guitare saturés aux oignons.
Certes, Why Walk a Dog aux accents de blues psychédélique ralenti un peu le décollage, avant que les improbables gimmicks funk de batterie, percussions, clavier et guitare de Corporation rallument les moteurs. Entre Funkadelick et Beastie Boys, les envolées fonctionnent bien. Hypermisophoniac est un peu trop bordelique, façon Prince mégalo, tandis que White se prend à rapper sur le touffu Ice Station Zebra, avant de ressortir du lourd sur Over and Over and Over. Une mention pour le final du purificatoire Everything You’ve Ever Learned, et le charme du blues possédé Respect Commander, ou il retrouve la vista de l’excellent guitariste qu’il est.
Mais Jack ne serai pas ce qu’il est sans un bon délire country des familles revisité, et What’s Done is Done est ici pour nous le rappeler avec brio.
Alors c’est vrai, ça part dans tous les sens, certains trouveront l’ensemble trop chargé, trop démantibulé, trop azimuté, voire trop prétentieux. Mais n’en déplaise aux bien-pensants, Boarding House Reach, inclassable, plus que toute autre œuvre de White, est à ce jour et de loin la plus inventive. Celle qui débarrassée de tout poncif et stéréotype marquera la bascule dans l’univers parallèle des grands artistes barrés comme l’ont été des Zappa, Prince, ou Bowie en leur temps. Il est libre Jack.
- Peterpop
Artiste : Jack White
Album : Boarding House Reach
Label/Distribution: Third Man Records/Beggars
Date de sortie: 23/03/2018
Genre: Rock indé
Catégorie: Album Rock