Graham Coxon brise son silence après un léger passage à vide et signe une bande originale foisonnante. Un projet récréatif pour le guitariste de Blur qui s’essaie à un nouvel exercice.
Si la carrière solo de Graham Coxon était en stand by depuis son album A+E publié en 2012 chez Parlophone, c’est avec ce projet singulier qu’il reprend du service en ce début d’année, signant la bande originale de la série britannique produite par Netflix The End Of The F***ing World, dont on a beaucoup entendu parlé.
Inspirée du roman graphique de Charles Forsman la série réunie deux personnages adolescents empêtrés dans des problématiques familiales insolubles qui décident de fuir sur un coup de tête les tensions de leur vie quotidienne. Une cavale à travers la campagne anglaise placée sous le signe de l’humour noir. La musique tient une place prépondérante dans cette série qui donne l’impression d’un long clip, l’histoire semble être un prétexte et non l’inverse.
En huit épisodes d’une vingtaine de minutes, c’est pas moins d’une cinquantaine de références musicales qui servent l’histoire. Un choix qui divise les spectateurs, certains reprochant au résultat d’être indigeste.
Alex Lawther, Jessica Barden y campent des personnages loufoques qui fomentent des projets basés principalement sur des choix discutables.
La proposition du guitariste de Blur est à l’image de la fugue des deux adolescents, tour à tour poétique, furieuse et tendre. Pris en dehors de son contexte, l’album de Coxon peut sembler incohérent, alternant des genres et des intentions diverses pour servir l’histoire des fugitifs.
C’est avec le single Walking All Day que s’ouvre l’album, une balade folk qui flirte avec la country, un morceau efficace qui prend le parti de l’allégresse pour évoquer les difficultés de communication entre James et Alyssa. Graham alterne avec brio les morceaux chantés et les instrumentaux dont l’entêtant Sleuth. Le titre The Snare propose quatre minutes échappées d’un film de Tarantino (au même titre que l’explosif Lucifer’s Behind Me), une démo du guitariste qui maîtrise toutes les possibilités de son instrument en interrompant ses riffs d’un harmonica strident. Parmi les instrumentaux, on retrouve également Field, tout en slide (technique largement représentée sur l’ensemble de l’album), The Beach, construit sur le même modèle et augmenté du cri perçant des mouettes rieuses, et enfin, Flashback, un jingle hurlant de quelques secondes.
On découvre dans cette bande originale des bijoux de mélancolie plutôt réussis : Saturday Night et son piano langoureux, l’adorable Roaming Star, l’indolent It’s All Blue ou encore There’s Something In The Way That You Cry qui conclut l’album, balade désolée qui, comme l’évoque son titre, fait la part belle aux hoquets d’une jeunesse tourmentée. Des morceaux fleur bleue qui contrastent avec l’énergie livrée par Graham dans des morceaux qui dynamisent l’ensemble comme On The Prowl, nerveux et expéditif, Bus Stop et Angry Me qui rappellent les grandes heures de la pop britannique des années 90. L’influence de Blur n’est jamais bien loin !
A travers ces seize tableaux, Graham Coxon illustre avec justesse le synopsis plutôt basique d’une série tragi-comique qui mise tout sur son ambiance. Il confirme ici sa maturité artistique et sa place dans le paysage musical britannique. Il nous reste à espérer qu’il ne laissera pas passer six longues années avant de publier son prochain album solo !
– Adeline POIDEVIN
Artiste : Graham Coxon
Album : The End Of The F***ing World
Date de sortie : 26/01/2018
Label / Distribution : Graham Coxon
Genre : Indie Folk
Catégorie : Album rock